Elue fin septembre à la tête du Collectif Inter-Urgence (CIU) en remplacement de Hugo Huon , Noémie Banes compte bien représenter les hospitaliers et s’appuyer sur la base militante constituée depuis mars 2019 comme sur l’héritage laissé par son prédécesseur et les mois de forte mobilisation qui ont rassemblé les adhérents depuis la création du mouvement.
La voix est calme mais le propos assuré : j’aurais préféré ne pas avoir à prendre ces responsabilités, mais nous sommes très inquiets pour l’avenir de nos services et il faut absolument dénoncer ce qui se passe à l’hôpital
. Noémie Banes, infirmière de 34 ans originaire de Toulouse, en poste aux urgences de l’hôpital d’Oloron - Sainte-Marie (Pyrénées Atlantiques) et fraîchement élue à la présidence de l’organisation, ne veut plus de ce système de santé. Elle ne s'y reconnaît pas, regrette que l'offre et la qualité des soins y baissent dangereusement et s’inquiète pour l’avenir de l’hôpital public autant que pour celui d’équipes hospitalières épuisées par leur quotidien,
et plus encore par la première vague de la crise sanitaire. Parce qu'il est en désaccord avec la gestion de la crise sanitaire par les pouvoirs publics, le Collectif a porté plainte contre X par le biais de son avocat auprès de l'Office Central de Lutte contre les Atteintes à l’Environnement et à la Santé Publique (OCLAESP).
Attractivité en berne
On connaît le terrain, on connaît nos patients
, revendique la toulousaine, et notre voix est essentielle pour contribuer aux décisions
. Mais malgré l’engagement, l’expertise et la proximité avec les malades, le constat s’impose : l’attractivité de l’hôpital public est en berne, faute d’environnement de travail acceptable : manque de personnel, de matériel et de lits, management parfois tyrannique régi par des économies d’échelle, conditions de travail dégradées, alternance jour/nuit, patients qui attendent des heures sur des brancards dans des couloirs avant d’être soignés… De trop nombreux collègues, quel que soit leur métier, fuient vers le privé, voire changent totalement de profession tant la résignation et la déception sont grandes
regrette-t-elle, même si elle affirme comprendre et respecter une telle radicalité.
Lancé par plusieurs organisations syndicales, dont le CIU, l’appel à la mobilisation du 15 octobre prochain prend racine dans ce sentiment de colère grandissant. Et loin de se cantonner aux professions paramédicales et aux services d’urgences fondateurs du collectif, le CIU planche d’ores et déjà sur une modification de ses statuts pour ouvrir ses adhésions à toutes les professions de santé (paramédicaux, médicaux, administratifs..) et à l’ensemble des services hospitaliers. Car la poursuite du combat doit être commune
, insiste Noémie Banes, convaincue que les hospitaliers gagneront à être rassemblés – quels qu’ils soient.
J’aurais préféré ne pas avoir à prendre ces responsabilités, mais nous sommes très inquiets pour l’avenir de nos services et il faut absolument dénoncer ce qui se passe à l’hôpital.
Désunion ?
Durant la première vague de la crise sanitaire, le collectif concède être"resté en retrait". Nous étions au cœur du soin, tous pris par notre métier
, explique Noémie Banes. Mais la pandémie a changé la donne. Elle a facilité l’accès au Ségur
et mis en lumière ce que les hospitaliers dénonçaient déjà depuis longtemps. Alors les actions ont repris de plus belle
, ajoute-t-elle. D’ailleurs, la Présidente du CIU n’hésite pas à juger les mesures prévues par le Projet de Loi de Financement de la Sécurité Sociale (PLFSS) 2021 largement insuffisantes, y compris en matière de revalorisation salariale
. Entre autres, les 183 € d’augmentation actés sont loin des 300 € réclamés compte tenu de l’inflation, du gel du point d’indice depuis des années, des charges.... Si on calcule bien, on n’a que des miettes
, dénonce-t-elle en dépit des milliards annoncés.
Signataire des accords du Ségur de la santé à l’été 2020, la CFDT avait également appelé à la mobilisation des secteurs social et médico-social le 13 octobre – soit deux jours avant la grogne du 15, date-butoir du dépôt du PLFSS par le Gouvernement à l'Assemblée Nationale. Signe de désunion ? Pas pour Noémie Banes, qui plaide pour la nécessité d’accorder les violons des organisations professionnelles. Aucun doute : il faut fédérer une intersyndicale solide et travailler autour de problématiques et de revendications communes malgré certaines incompréhensions résiduelles
, estime-t-elle. Le Collectif appelle à battre le pavé dans tout l'hexagone et à rejoindre les mobilisations organisées localement par les syndicats, comme à Paris, où un cortège de manifestants partira de la place Vauban à 13h30 en direction du Ministère de la santé. Les participants porteront un garrot noir, symboliquement destiné à "stopper l’hémorragie qui touche l’hôpital".
Anne Perette-FicajaDirectrice des rédactions paramédicalesanne.perette-ficaja@gpsante.fr @aperette
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