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« L’infirmier hygiéniste, c'est un peu le couteau suisse de l’hôpital »

Publié le 01/02/2023

Ravivée par la pandémie de Covid-19, la prévention et le contrôle du risque infectieux fait partie du quotidien de tout soignant. Dans ce domaine, le rôle de l’infirmier hygiéniste est primordial en matière de surveillance, et de diffusion des pratiques et des connaissances.

 

Elaboration de protocoles, prévention et surveillance des infections nosocomiales, choix des matériels, des produits désinfectants… les missions de l’infirmier hygiéniste sont larges et essentielles dans la prévention et le contrôle du risque infectieux (PCI). Véritable observatoire du monde infirmier francophone, le SIDIIEF y avait consacré une place durant son forum virtuel annuel 2021, du 7 au 11 juin. L’occasion d’évoquer le rôle et la formation de ces professionnels, mais également l’impact de la pandémie sur leur activité et sur la perception de leur métier.

Infirmier hygiéniste, et bien plus encore

C’était un dimanche, la panique régnait ; il fallait accompagner les personnels et les patients dans le respect des mesures-barrière. Dès lors, toute l’hygiène était concentrée sur un seul point : le SARS-CoV-2, se souvient Soha Abdulmalak, Cadre Expert en hygiène à l’Hôtel-Dieu de France de Beyrouth et membre de l’Ordre infirmier libanais. Dans tous les pays, la crise sanitaire a fait émerger le caractère incontournable des missions assurées par les infirmiers hygiénistes. En un rien de temps, il a fallu qu’ils soient sur tous les fronts, communiquent ou rappellent les bonnes pratiques comme le lavage des mains ou le port du masque, adaptent les messages aux populations visées (soignants, mais aussi personnels de sécurité, administratif…), passent les commandes, les distribuent... J’ai même été policier !, s’amuse a posteriori l’infirmière libanaise lorsqu’elle relate le rationnement qu’elle a dû mette en place au début de l’épidémie de Covid-19, alors que les connaissances sur le virus et ses modes de transmission étaient méconnus et que les fameux équipements de protection individuels (EPI) étaient comptés, parfois manquants ou mal utilisés.

Toutes les facettes du métier ont donc été mises en lumière, et les professionnels de la prévention et du contrôle du risque infectieux (PCI) ont été amenés à dépasser leur rôle habituel et s’adapter au jour le jour en exerçant des fonctions aussi prenantes qu’inattendues dans un contexte émergent où la peur dominait. Certes, nous avons élaboré et mis en place des protocoles, des mesures protectrices… mais nous avons aussi dû nous glisser dans la peau de communicants et réaliser, par exemple, une vidéo pédagogique en une seule journée alors que nous n’avions a priori pas les compétences pour le faire, illustre Philippe Bressin, infirmier PCI au Centre hospitalier universitaire vaudois de Lausanne. L’infirmier hygiéniste, c’est un peu le couteau suisse de l’hôpital.

 

La crise a véritablement aidé à améliorer la représentation de l'infirmier hygiéniste

Fini le trouble-fête ?

Au-delà des dégâts qu’elle a occasionnés, la crise a donc fait évoluer l’action des hygiénistes en l’élargissant. Mais ce n’est pas tout : la perception du métier et son environnement ont été modifiés eux aussi. Symbole de règles, parfois strictes, à respecter, le spécialiste de la PCI est habituellement perçu comme un frein potentiel. Soyons francs, l’infirmier hygiéniste était souvent considéré comme un trouble-fête ; mais la crise a véritablement aidé à en améliorer la représentation, concède P. Bressin. Mieux : non seulement il n’est plus pris pour un empêcheur de tourner en rond, mais en plus on attend désormais son arrivée et son intervention. C’est l’expérience qu’en a Mamadou Zida, infirmier de bloc au CHU de Tengandogo (Burkina Faso) et étudiant en management de la qualité des soins et sécurité du patient. Il relate qu’en mars 2020, les soignants ont été soulagés de voir arriver les experts hygiénistes des ONG pour endiguer la peur qui a privé de soins de trop nombreux patients.

Cette mise en lumière est devenue une opportunité de réfléchir à plus long-terme. Il s’agit désormais de capitaliser sur l’expérience pandémique et de structurer la "spécialité" hygiéniste au bénéfice du plus grand nombre. Retours d’expérience, partage et harmonie des pratiques, mise à jour des connaissances… les perspectives sont nombreuses. L’épidémie de coronavirus nous a fait prendre conscience de l’importance de créer un réseau inter-établissements pour être plus efficaces, et plus durablement, remarque Anaïs Rowier, infirmière spécialisée en santé publique au sein de l’organisme public belge de santé Iriscare.

Les formations et prérequis divergent selon les lieux d'exercice

Une formation pays-dépendante

On l’aura compris, être infirmier hygiéniste ne s’improvise pas. Aux professionnels qui s’engagent dans cette voie, il faut une certaine dose de leadership, assurer sur le terrain une analyse fine de la situation mais aussi avoir un penchant pour la communication auprès de profils très transverses, sans oublier la capacité de fédérer un réseau de partenaires experts. Pour en arriver là, et au-delà des affinités de chaque professionnel, les formations et prérequis divergent selon les lieux d'exercice. Si au Burkina Faso la PCI est essentiellement accessible par le Master management de la qualité/sécurité des soins et la valorisation de l'expérience, la situation est bien différente outre-Atlantique, où le Québec a mis en place des niveaux universitaires distincts d’accès à la profession de "conseiller en hygiène". A la suite du diplôme en soins infirmiers (appelé "baccalauréat" et requis dans tous les cas), la première option consiste à suivre un micro-programme (l’équivalent de 15 crédits universitaires), l’expérience venant immédiatement compléter le cursus.

Mais pour devenir infirmière clinicienne spécialisée, un 2ème cycle est nécessaire, sans oublier un examen final et trois stages de 16 jours environ pour pouvoir utiliser le titre. Un parcours de 500 heures au total, précise Natasha Desmarteau, conseillère en soins à la direction québécoise de la Santé publique pour le service de prévention et protection des maladies infectieuses, qui ajoute que le soutien financier à ce type de formation dépend des établissements eux-mêmes. En France, la formation est académique et le domaine de l’hygiène (exercée non seulement par des infirmiers, mais aussi par des médecins et des pharmaciens) strictement règlementé et lié à la certification des établissements de santé et à un ratio ETP formés/nombre de lits. Le rapport produit par la mission indépendante nationale sur l'évaluation de la gestion de la crise Covid-19 sur l'anticipation des risques pandémiques (dit « rapport Pittet », du nom de son Président) et rendu public le 18 mai dernier préconise très clairement, par analogie avec la formation spécialisée transversale (FST) médicale, une pratique avancée infirmière en prévention et contrôle de l’infection. La proposition fait elle-même écho à celle de la Société Française d'Hygiène Hospitalière Risque infectieux et soins (SF2H), qui souhaite confier à de futurs IPA la prescription de précautions d’hygiène, d‘examens microbiologiques de dépistage et des missions d’appui à la vaccination et de suivi des antibiothérapies.

Anne Perette-Ficaja
Directrice de la rédaction
anne.perette-ficaja@gpsante.fr
@aperette


Source : infirmiers.com