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L’infirmier en pratique avancée dans le cadre des soins primaires

Publié le 10/02/2021

Les infirmiers en pratique avancée, ou IPA, peuvent en exercice libéral, suivre des patients atteints de pathologies chroniques stabilisées, mais aussi de polypathologies courantes en soins primaires ou agir sur la prévention. Mais quel est ce champ d’action, sur lequel on retrouve peu d’écrits ?  Voici une tentative de projection, sur un domaine essentiel qu’est le maintien en santé de la population, en collaboration étroite avec la médecine de ville.

Le 19 juillet 2018, deux décrets et trois arrêtés sont parus au JO et ont officialisé l'exercice infirmier en pratique avancée, nouvelle voie d'évolution et d'expertise pour la profession

Depuis la loi de modernisation de notre système de santé du 26 janvier 2016 et les décrets d'application de juillet 2018 et août 2019, l'exercice en pratique avancée est autorisé pour des infirmiers titulaires d'un diplôme d'état en pratique avancée, et ayant au minimum trois ans d’expérience professionnelle. À l'instar de nombreux pays, l'infirmier en pratique avancée (IPA) est autorisé à suivre des patients, en collaboration avec le reste de l’équipe, sur une prise en charge globale et comportant des activités dérogatoires comme la prescription, le renouvellement ou adaptation de traitement et l’orientation. Début 2021, il existe quatre mentions autorisées en France : pathologies chroniques stabilisées - prévention et polypathologies courantes en soins primaires ; oncologie et onco hématologie ; insuffisance rénale dialyse et transplantation ; psychiatrie et santé mentale. La mention soins d'urgence est encore en cours d'élaboration à l'écriture de cet article, et suivra – peut-être – la gérontologie, à l’étude également depuis la fin 2020 sur proposition de la Société Française de Gériatrie et de Gérontologie (SFGG).

Décloisonnement de la réponse soignante

La mention concernant les pathologies chroniques stabilisées - prévention et polypathologies courantes en soins primaires trouvera une place de choix dans les soins de ville, dans le cadre de l'exercice en libéral, des centres de santé ou maisons de santé pluriprofessionnelles. Il s'agit d'assurer le suivi de patients porteurs d'une pathologie chronique stabilisée (donc sans caractère d’aggravation) qui figure sur une liste de huit pathologies et se situant dans les quatre grandes fonctions : cardiovasculaire, pulmonaire, neurologique et endocrine. La France compte environ 20 millions de patients atteints de pathologies chroniques  selon les dernières estimations, soit environ 35 % de sa population . Les plus courantes sont les cardiopathies, les accidents vasculaires cérébraux, le cancer, les affections respiratoires chroniques, le diabète... et représentent environ 88 % de tous les décès . La maladie chronique impose de passer d'une logique de soins à une logique de parcours, et ne doit plus emboliser la médecine générale. Tous les rapports sont unanimes : ceci implique un décloisonnement de la réponse soignante. Les inégalités en matière d’accès aux soins sont en effet davantage marquées par la difficulté d'accéder à un médecin, pour des épisodes aigus ou de pathologies connexes. Cette mention comporte également deux éléments essentiels que sont la « prévention » et les «polypathologies courantes en soins primaires ». Ces deux champs ouvrent moult possibilités et domaines dans lesquels l’IPA pourra apporter une plus-value certaine au système de santé. Il n’est pas notifié que la porte d’entrée doive être exclusivement sur la base d’une affection longue durée, sur la partie « polypathologies courantes en soins primaires ». Ainsi un patient atteint de deux pathologies courantes - ou plus, pourra bénéficier, sur adressage de son médecin, d’un suivi par un IPA. Reste à définir les attributs de ces polypathologies. Notons que cette mention a bénéficié du soutien fort de syndicats de jeunes médecins pour son ajout.

Accès au médecin problématique

Car c'est bel et bien l'accès à un médecin qui est problématique, du fait de divers déterminants dont la baisse de la démographie médicale n'est qu'une composante. Les recours fréquents - et pas toujours pertinents - aux services d'accueil des urgences en sont la preuve, les patients n'étant pas toujours dans une situation d'urgence vitale mais juste dans une demande d'accès à un médecin, en particulier chez les populations les plus défavorisées qui sont les plus vulnérables.  De plus, il est désormais admis qu’il n'y a pas toujours nécessité de consulter un médecin, à haute valeur ajoutée, pour prendre en charge une pathologie ou un trouble chronique, même s'il n'entre pas dans le cadre des pathologies chroniques stabilisées identifiées. En corollaire, l’OMS constate que la proportion de malades chroniques respectant leur traitement est de seulement 50 % dans les pays développés entraînant un défi sur l’adhésion thérapeutique.

Troisième médecine

Pour désengorger les systèmes de santé, il est donc urgent de permettre une offre de soin intermédiaire, grâce à des professionnels dûment formés et dotés d'une grande autonomie dans la prise de décision, sur du suivi comme sur du premier recours. L’objectif est de permettre un filtrage et une orientation ciblée des patients. Si un IPA doit assurer le suivi des patients atteints de pathologies chroniques stabilisées exclusivement, il ne pourra d’une part répondre que partiellement aux problématiques actuelles d’accès aux soins et d’autre part ne pourra assurer une soutenabilité financière de son exercice, sauf à contractualiser avec une dizaine de médecins. Pour reprendre les termes du professeur Grimaldi, les maladies chroniques imposent de passer à une "troisième médecine". La "première médecine" est celle de la maladie aiguë bénigne, qui demande des gestes techniques simples, la "deuxième médecine" est celle des maladies aiguës graves, qui demande des gestes complexes réalisés dans les hôpitaux et la troisième est celle de la prévention individuelle et du traitement de maladies où, pour se soigner, le patient doit devenir actif et adopter de nouveaux comportements. Les IPA sont prêts à relever ce défi. Il s’agit de retarder l’entrée dans la maladie ou d’aider au plus vite le patient à en sortir, dans une logique d’accompagnement du parcours et de "coaching" sur un maintien en santé, grâce à des compétences élargies et une activité dérogatoire et collaborative. Il est important de considérer les nouveaux modes de prise en charge des parcours et de prendre en compte les acteurs pouvant intervenir en renforcement de l’action médicale. Le système de santé parie sur les IPA qui sauront démontrer leur grande plus-value par une approche globale et inclusive.

Accéder au second volet de l'article "Pratique avancée et approche populationnelle : cas clinique "

Sources

    Florence Ambrosino
    Inf. MScN
    Responsable pédagogique H2Média formation


    Source : infirmiers.com