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Les professions de santé demain : quels acteurs, pour quelles missions et avec quelles compétences ?

Publié le 21/02/2020
Les professions de santé demain : quels acteurs, pour quelles missions et avec quelles compétences ?

Les professions de santé demain : quels acteurs, pour quelles missions et avec quelles compétences ?

Les professions de santé demain

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Tous les acteurs engagés aujourd’hui dans les nouvelles politiques de santé sont d’accord : les métiers de santé évoluent et c’est une nécessité pour faire face aux nouveaux enjeux tant médicaux que sociétaux auxquels ils doivent répondre. Cette journée de réflexion organisée par le Conseil d’État autour de ce que seront - ou devront être - les professions de santé demain a montré par la richesse de ses intervenants combien les nécessaires mutations, accompagnées par les politiques publiques, sont à l’oeuvre avec des professionnels de santé pluriels et aptes à travailler ensemble pour le meilleur service rendu au patient dans une articulation ville/hôpital la plus efficiente possible.

Si les métiers de santé ont évolué à petits pas depuis plus de 15 ans, la distance parcourue est aujourd’hui considérable et il est indispensable de la mesurer et d’en tenir compte pour construire l’avenir de notre système de santé.

Dans un système de santé en pleine mutation, du fait de transformations radicales, notamment liées à l’organisation de la médecine, à la mondialisation de la santé et à la pénétration de l’intelligence artificielle, l’émergence de nouvelles professions de santé et la transformation de celles déjà existantes, entre prééminence des spécialités techniques et permanence de la figure du médecin libéral, interpellent. Voici le point de départ de cette journée de réflexion et d’échanges autour des professions de santé de demain organisée par le Conseil d’État (1) le 7 février dernier.

Définir les professions de santé demeure impossible dans le droit actuel…

En effet, a rappelé en préambule Bruno Lasserre, vice Président du Conseil d’État, face aux attentes et exigences renouvelées des professionnels et des patients dans l’accès et la structuration des parcours de soins, le bouleversement des métiers et des professions de santé doit être interrogé : quelle place pour la régulation et l’émergence de nouvelles formes de coopération et de rémunération ? Quels sont les progrès attendus des réorganisations à l’oeuvre ? Comment combiner modernisation de l’exercice de la profession avec la qualité et l’accessibilité aux soins ?

Jusqu’il y a peu, le médecin était le centre de gravité de notre système de santé, ce modèle n’est plus possible aujourd’hui...

Nouvelles professions de santé et exercices nouveaux des professions

Une première table ronde pour faire le point sur le sujet, regarder en arrière pour savoir d’où l’on vient, s’arrêter sur le présent et miser sur un avenir novateur. Si le rôle du médecin demeure au centre du système de santé actuel - l’évolution du nombre de médecins, de 1 pour 1500 habitants en 1880 à 3 pour 1000 aujourd’hui est à ce titre significative), la figure traditionnelle du médecin de campagne a laissé place aux partages de compétences entre professions de santé et à de nouvelles formes de coopération au niveau des territoires. Comme il a été rappelé, les professions de santé se transforment également, dans un système marqué tant par des changements démographiques et sociaux, liés à l’évolution des attentes des patients comme des professionnels, que les évolutions induites par les progrès médicaux ou les révolutions technologiques, notamment celles générées par la e-santé. Quelle intervention de la puissance civile faut-il imaginer pour remédier à ces tensions qui remettent en cause le modèle initial ?

Pour Didier Truchet, professeur émérite de l’université Panthéon-Assasces interrogations sont salutaires. En effet, si les métiers de santé ont évolué à petits pas depuis plus de 15 ans, la distance parcourue est aujourd’hui considérable et il est indispensable de la mesurer et d’en tenir compte. Il nous faut mettre notamment en cohérence la désertification médicale et les nouveaux parcours de santé qui doivent afficher leur efficience pour des patients toujours plus en demande d’exigence.

Le Conseiller d’État, Lionel Collet a rappelé que si le médecin a une grande compétence d’un point de vue général entre prévention, diagnostic et traitement (Code de la santé publique - Article R4127-70), il ne peut pas tout faire, d’autant à l’heure où la démographie médicale pâtit d’un nombre décroissant de médecins en exercice (quid du numerus clausus…) et où les patients sont de plus en plus vieillissants, porteurs de polypathologies et nécessitant des parcours de soins complexes ; des parcours qui s’appuient nécessairement sur l’interdisciplinarité, la coopération entre professionnels de santé, avec un partage de savoirs et de compétences au bénéfice des patients, mais aussi des délégations de tâches par expérimentation (Art. 51).

En 2014, un rapport du Sénat ne disait pas autre chose, pointant une nécessaire évolution des métiers de santé avec en première intention la coopération entre professionnels dans le but d’améliorer la qualité de prise en charge, permettre la progression dans le soin et ouvrir la possibilité de définir de nouveaux métiers. Le rapport soulignait ceci : la détermination de périmètres d'exercice différents strictement délimités, dans le cas des professions paramédicales, par des décrets de compétence et reposant principalement sur l'importance de la formation initiale, apparaît en effet rigide et cloisonnée à l'excès au regard de ces nouveaux enjeux - sans compter qu'elle peut parfois apparaître obsolète au regard de la réalité des pratiques. Dans ce contexte, plusieurs pistes peuvent être envisagées pour faire évoluer la prise en charge des malades vers davantage de continuité et de coordination.

Si les métiers de santé ont évolué à petits pas depuis plus de 15 ans, la distance parcourue est aujourd’hui considérable et il est indispensable de la mesurer et d’en tenir compte.

Lionel Collet a rappelé qu’en 20 ans, de nouveaux métiers étaient apparus comme physicien médical, assistant dentaire, ostéopathe, psychothérapeute, assistant médical et infirmier de pratique avancée . Et qui dit nouveaux métiers, dit reconnaissance de nouvelles compétences, voire partage de compétences. Déléguer pour les médecins généralistes équivaut ainsi à perdre du pouvoir mais la  nouvelle génération de praticiens l’accepte plus facilement reconnaissant l’intérêt d’un travail en coopération. Le Code de la Santé publique ne devrait-il pas être toiletté en 2020, s’est néanmoins interrogé Lionel Collet.

L’histoire est en train de changer, la régulation du système de santé a été transféré aux professionnels de santé eux-même, a pour sa part argumenté Michel Laforcade, Directeur de l’Agence régionale de santé Nouvelle-AquitaineLes plaques tectoniques bougent, les nouvelles générations de soignants disent non au travail solitaire, recherchant un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle. Les structures innovantes dans lesquelles ils s’investissent, telles les maisons de santé pluridisciplinaires (MSP) , les Communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS ), font évoluer les prises en charge des patients dans de nouvelles logiques de parcours, plus uniformes, tendant à réduire l’inégalité de l’offre de soin sur le territoire. Quant aux Plateformes territoriales d’appui (PTA), elles sont là pour soutenir les professionnels dans l’organisation des parcours de santé complexes. Et d’insister sur l’idée que chaque professionnel de santé, où qu’il soit, apporte sa pierre à l’édifice de la prévention, dans son rôle d’acteur de santé publique.

N’est-il pas paradoxal si l’on veut sortir d’un système de santé encore très médico-centré, en reconnaissant de nouvelles compétences aux professionnels, de continuer à considérer que les infirmiers sont de simples "auxiliaires médicaux" ?

Vers des modes de rémunération également évolutifs…

Une deuxième table ronde s’est intéressée aux nouveaux enjeux de la rémunération. Il a été rappelé que la rémunération des médecins généralistes s’organise autour de trois piliers :

  • la rémunération à l’acte, principe fondateur de l’exercice libéral ;
  • la rémunération forfaitaire permettant de prendre en compte l’engagement des professionnels notamment dans le suivi au long cours des patients ;
  • la rémunération versée en fonction de l’atteinte d’objectifs de santé publique et d’efficience destinée à se développer pour l’ensemble des spécialités et pour l’ensemble des médecins qui le souhaitent.

L’ambition est cependant de faire évoluer ces pratiques, de façon juste et harmonieuse, d’autant lorsqu’il s’agit de la forfaitisation à la rémunération qui ne doit pas conduire à privilégier les actes les plus rémunérateurs au détriment des autres. Jacques Battistoni, président du syndicat MG France, a souligné la crise actuelle d’accès aux soins et notamment aux soins primaires, une problématique pour les patients eux-mêmes mais également pour les élus locaux et les professionnels de santé. L’offre de soins ne cesse de baisser alors que la demande explose. La file active des médecins généralistes atteint ses limites pour rester raisonnable dans le respect de nos valeurs éthiques mais aussi de notre intégrité mentale. Nous devons en effet soigner plus de patients qui présentent de plus en plus de pathologies associées. La création du métier d’assistant médical va nous redonner du "temps médical". Mise en commun des moyens, incitations financières, forfaitisations pour la prise en charge de patients chroniques… les modes de rémunération du médecin généraliste doivent évoluer, être incitatifs sans pour autant être obligatoires.

Tester de nouvelles approches innovantes en matière de santé en dérogeant (article 51) à de nombreuses règles de financement de droit commun, applicables en ville comme en établissement hospitalier ou médico-social.

Natacha Lemaire, rapporteure générale du Conseil stratégique de l’innovation en matière de santé (Ministère des Solidarités et de la Santé) a rappelé que la loi de financement de la sécurité sociale (2018) a introduit, en son article 51, un dispositif permettant d’expérimenter de nouvelles organisations en santé reposant sur des modes de financement inédits. Ces projets sont portés, par exemple, par une MSP ou mis en œuvre par un établissement de santé mais aussi par des URPS. 2/3 de ces projets concernent la prise en charge et le suivi des maladies chroniques , 1/3 ont une approche populationnelle. Le premier protocole d’évaluation de toutes les expérimentations démarrées (45 fin 2019) aura lieu au printemps 2020.

Nicolas Revel, Directeur général de la Caisse nationale de l’Assurance maladie (CNAM), a souligné de son côté que la seule rémunération à l’acte ne peut plus constituer le modèle unique et qu’il faut nécessairement construire autre chose et ce, dans le dialogue, sans contraindre, en valorisant l’exercice pluriprofessionnel et coordonné, en ajustant les outils informatiques mais surtout en offrant à tous les acteurs un système en phase avec les besoins actuels.

Le nombre de médecins généralistes en activité régulière décroît d’année en année et va continuer à baisser, puisqu'un quart des effectifs va partir à la retraite dans les 10 prochaines années.

Rémunération au forfait : le Bilan de Soins Infirmiers pour les personnes dépendantes

A titre d’exemple, pour les infirmiers libéraux, l’avenant 6 a initié une mesure importante en vigueur depuis le 1er janvier 2020 . La mise en place progressive du Bilan de Soins Infirmiers (BSI) en remplacement de la démarche de soins infirmiers (DSI) instaure des forfaits journaliers basés sur la charge en soins de ces patients, les premiers concernés sont les patients de 90 ans et plus. Ce nouveau support d’évaluation, basé sur les référentiels infirmiers validés existants, permet au professionnel de décrire toutes ses interventions, de définir un plan de soins adapté à la situation de chaque patient dépendant en prenant mieux en compte la charge de travail de l’infirmier et le niveau de complexité de certaines prises en charge. Cette mesure va permettre à la profession de s’affranchir de la notion de temps dans la réalisation des soins, source actuellement de très nombreux contrôles et indus opérés par l’assurance maladie. Les forfaits dépendent de la lourdeur des prises en charge et s’accompagneront également d’un élargissement du cumul avec certains actes techniques (injections, prises de sang), notamment chez les patients diabétiques. Ils pourront donc être facturés à part.

Certaines professions de demain sont déjà une réalité : c’est le cas de la pratique avancée infirmière, ouverte à 5 domaines en 2020 , a souligné Katia Julienne, directrice générale de l’offre de soins (DGOS)

Et les usagers dans tout ça ? Quid en médecine de ville

Décloisonner l’offre de soins et des parcours et des carrières des professionnels de santé en développant une offre hospitalière de proximité, ouverte sur la ville et le médico-social, telle est l’ambition de la loi relative à l’organisation et à la transformation du système de santé. Il s’agit de réaffirmer la volonté de l’État de réduire les inégalités de santé territoriales, en luttant contre les déserts médicaux et en développant de nouvelles formes de régulation de l’installation des professionnels en vue de garantir aux patients l’accès aux soins de proximité et la structuration de véritables parcours de soins. La troisième table ronde s’est intéressé, dans ce cadre également caractérisé par la révolution numérique, à la relation médecin/patient qui doit certes demeurer mais surtout évoluer. Quid des nouvelles modalités de communication, de la gestion et du partage des données patients, du droits des malades, du secret médical, de la déontologie…

Dominique Le Guludec, Présidente de la Haute Autorité de Santé (HAS), a souligné d’emblée un paradoxe : alors que le nombre de professionnels de santé est assez considérable en France, les Français doivent faire face à des déserts médicaux (8 % de la population vit dans une zone sous-dense en MG). 44 % des médecins généralistes ne prennent plus de nouveaux patients et 31% des Français renonceraient au soins à cause d’ attentes de rendez-vous beaucoup trop longues. Pour les patients, plusieurs problématiques liées à cette situation : quelle pertinence du praticien disponible et pour quelle qualité des soins ? Quelle information délivrée au patient à l’heure où 50 % des connaissances médicales sont périmées en 5 ans ? Quels outils d’information à la disposition des patients ? Quid de la publicité des professionnels de santé jusqu’ici interdite…

Qui va estimer, évaluer la pertinence des informations données par le professionnel de santé s’est interrogé Gérard Raymond, Président de France Assos Santé

A ce sujet, comme l’a rappelé Bruno Bachini, maître des requêtes, rapporteur à la section du contentieux du Conseil d’Étatnous sommes face à une absence de définition juridique générale de publicité dans le droit écrit, il faudrait pourtant pouvoir en proposer une  et évoluer sur le sujet. Il existe en effet un décalage entre les informations communicables et d’autre part la masse qui circule notamment sur le web. Rendre possible le principe de libre communication du professionnel de santé au public ? Oui, si il est parfaitement encadré par la déontologie, loyal, honnête, avec des données partagées confirmées, sans témoignage de tiers. Récemment, le 6 novembre 2019, le Conseil d’État a reconnu que la déontologie française ne pouvait plus être appliquée et que l’Etat aurait du abroger les textes interdisant la publicité des professions de santé. La raison : une décision (2017) de la cour de justice de l’UE ouvrant la voie à la levée de l’interdiction de publicité des soignants dans toute l’Europe suivie, en 2018, d’une demande faite à la France de mise en conformité avec le droit communautaire, jusque là sans succès. De nouveaux textes réglementant la publicité des professionnels de santé devraient être publiés « dans les semaines à venir » a souligné pour sa part Katia Julienne, Directrice générale de l’offre de soins (DGOS).

L’information sur laquelle les professionnels pourront communiquer résidera dans les compétences et diplômes acquis, leurs conditions d’exercice, les actes et soins pratiqués, voire, des informations sur les techniques et matériels utilisés ou encore la participation à des actions de santé publique...

Daniel Guillerm, Président de la Fédération nationale des infirmiers (FNI), reste dubitatif sur cette idée de légiférer. Les méthodes pour se différencier de son concurrent peuvent ne pas être honorables comme acheter des mots clés pour améliorer le référencement de son site, payer pour augmenter le nombre de vues, d’autant qu’il existe une distorsion sur les moyens qui pourront être déployés par exemple par une MSP ou un CPTS… Poser un cadre est néanmoins une nécessité pour nos activités de soignants.

Katia Julienne a rappelé que derrière la question de l’accès aux soins, il y a celle de la qualité. Etre bien soigné aujourd’hui, qu’est-ce que cela veut dire . Alors que les exigences en la matière sont renforcées à l’hôpital, en ville, il manque beaucoup d’outils qui nous permettrait de donner, objectivement et concrètement, des informations dans ce sens aux patients. Et de conclure en soulignant que des ordonnances sont attendues prochainement sur la recertification des professionnels de santé...

Gérard Raymond, Président de France Assos Santé, a rappelé les attentes des patients face à ces bouleversements  de notre système de santé. Ce qui se fait sans nous, se fait contre nous. Et les soignants d’aujourd’hui ne seront pas les mêmes que ceux de demain ! Comprenons bien le sens de toutes ces réformes, il nous faut passer d’un système de soins à un système de santé avec certes des acteurs formés à soigner mais également à jouer un rôle en matière de santé publique par la prévention et l’éducation à la santé. Tout ceci doit être mené de pair avec l’ensemble des acteurs du soin mais également les patients et leurs association. La figuration, c’est terminé, l’expérience patient doit être reconnue pour une co-construction dynamique et efficiente de nos politiques de santé.

Pour conclure…

C’est Didier Tabuteau, Président de la section sociale du Conseil d’État, qui a conclu cette dense journée, riche en perspectives. D’autres professions de santé vont émerger, au-delà de celles autorisées par notre code de santé publique. Nous assistons également à une redistribution des compétences de chacun en  fonction des différents niveaux de formation initiale ou continue. Les questions à nous poser sont pour quels besoins, dans quels territoires, pourquoi là et pas ailleurs ? L’articulation ville/hôpital doit progresser grâce à des dispositifs innovants et nous avons vu qu’ils sont nombreux. Dans cette dynamique de changement, la valeur cardinale reste la confiance afin que puissent se rencontrer en toute harmonie, juristes, institutionnels, professionnels de santé et du médico-social, et patients, dans une juste co-construction d’un système de santé digne de nom.

Pour incarner les professions de santé demain, il faudra donc mêler, une réglementation pour mieux coopérer, une vision commune des professionnels qui respecte les compétences de chacun, une volonté des tutelles de sortir du tout médical, sans oublier une écoute attentive des usagers...

  1. Les entretiens du Conseil d’État en Droit social Les professions de santé demain, un colloque organisé par les sections sociales et du rapport et des études du Conseil d’État, 7 février 2020.

Bernadette FABREGASRédactrice en chef Infirmiers.combernadette.fabregas@infirmiers.com @FabregasBern


Source : infirmiers.com