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Les professionnels de santé durant les pandémies : quand leur métier est à risque !

Publié le 12/06/2020

De nombreuses épidémies ont chamboulé l’histoire de l’Homme mais aussi son système de santé. Dernièrement, on pourrait en citer plusieurs qui ont impacté nos structures de soins : le SRAS, la grippe H1N1, Zika… Chacune de ces crises sanitaires ont eu des répercutions sur les conditions de travail et la santé psychologique des professionnels engagés. Une équipe de scientifiques australiens s’est penchée sur la question et émet plusieurs recommandations pour "limiter la casse" chez les personnels de premières lignes.

Des chercheurs ont compilé les études retraçant l’impact psychologique des épidémies sur les soignants et en tirent plusieurs préconisations pour minimiser ses effets.

Les épidémies ont tendance à rendre les professionnels de santé malades au sens propre comme au figuré. Et pour cause, leurs nerfs sont mis à rude épreuve. Déjà avant la pandémie que nous vivons actuellement, les professionnels ont dû faire face à celle du SRAS en 2003, de la grippe H1N1 en 2009 ou encore de l’émergence du virus Ebola en 2014. Chacune de ces épidémies a soulevé des problèmes similaires pour les systèmes de santé. Augmentation de la charge de travail, du besoin de protection, crainte de se voir soi-même ou ses proches infectés... ce type de crise n’est pas sans conséquence psychologique pour le personnel soignant ! Mais il est bon de tirer des leçons des épisodes précédents pour chercher des pistes pour améliorer les conditions d’exercice des professionnels de santé quand ils sont confrontés à ces situations difficiles.

C’est pourquoi une équipe australienne s’est penchée sur la question et a passé en revue 59 travaux centrés sur l’état psychologique des équipes de soins suite à une épidémie due à un virus émergent. Plus précisément, parmi les études retenues, 37 ont été réalisées sur l’épidémie de SRAS, 8 ont été menées sur le Sars-Cov-2 , 7 sur le Mers-Cov, 3 sur le virus Ebola, 3 sur la grippe H1N1 et une sur la grippe A H7N9.

Une communication claire, l'accès à une protection personnelle, un repos adéquat et un soutien à la fois pratique et psychologique étaient associés à un impact psychologique moindre

Une détresse psychologique plus élevée chez les plus jeunes

Selon les analyses, sans surprise, le personnel en contact direct avec les patients infectés présentait des niveaux plus élevés de stress aigu et post-traumatique ainsi qu’une détresse psychologique plus importante. En outre, les chercheurs ont tâché d’établir le profil type du soignant pouvant générer ce type de trouble. Il s’avère que les professionnels de santé jeunes, inexpérimentés, ayant des enfants à charge ou un membre de la famille infecté ont davantage de risque de générer une détresse psychologique. De même, une quarantaine plus longue, le manque de soutien pratique et la stigmatisation peuvent également y contribuer. Fait intéressant, les infirmiers semblent plus à risque que les médecins. D’ailleurs, si les membres du personnel ont aussi exprimé leur frustration quant à l'effet des mesures de précaution sur leur capacité à faire leur travail, les infirmiers s’avéreraient davantage susceptibles d'adhérer aux procédures de contrôle de l’infection.

A l’inverse, d’après les données, certains facteurs ont été évalués comme protecteurs pour les spécialistes. Une communication claire avec le personnel est essentielle avec des consignes précises sur la pratique clinique. Il est important de mettre en place des mesures de précaution adaptées au sein des services, de former les professionnels de façon appropriée au vu de la situation et de rendre disponibles les équipements de protection personnels en nombre suffisant . Le soutien pratique de l'employeur demeure nécessaire comme, par exemple, le fait de fournir des vêtements de travail adéquats.

En parallèle, aider au bien être des professionnels de santé permet de limiter leur stress. De fréquentes pauses, un environnement de travail propice et la possibilité pour eux de garder un contact avec leurs proches. L’accès à des interventions psychologiques et l’élaboration de protocoles de soutien à la personne s’avèrent bénéfiques. Bien entendu, voir ses collègues infectés en rémission et une baisse générale de la transmission engendraient une amélioration de l’état psychologique des participants aux différentes études.

L’Académie de médecine a émis des recommandations sur le suivi des soignants

Le 8 juin dernier, l’Académie de médecine a publié un communiqué rappelant les conditions très difficiles dans lesquelles les professionnels de santé ont exercé et la tension psychologique qui y est associée. « Cette activité sous forte tension s’est déroulée dans un climat d’angoisse, sous la menace permanente d’un manque de lits, de locaux, de médicaments, de professionnels qualifiés et de dispositifs de protection pour les malades aussi bien que pour le personnel soignant. Médecins, infirmiers et aides-soignants étaient conscients des risques encourus pour eux et pour leurs proches, certains devant vivre en hôtel pour protéger leur famille », souligne le communiqué. Dans la phase actuelle de fin d’épidémie, l’accompagnement des soignants qui ont été confrontés au virus requiert « une attention particulière » surtout après les semaines qu’ils viennent de vivre.

Hyperémotivité, niveau d’anxiété élevé, insomnies, plusieurs troubles psychologiques sont observés. Se manifestant chez de nombreux soignants lors de la période de décompression, ces troubles peuvent aller jusqu’au syndrome de stress post-traumatique avec des cauchemars, des souvenirs pénibles et une angoisse de mort. « Méconnaitre cette complication ferait le lit de troubles psychiques ultérieurs, entrainant l’incapacité à rester dans une profession de soins, jusqu’à des troubles dépressifs et addictifs avec leur contingent de conduites suicidaires », argumente l’Académie.

C’est pourquoi elle préconise la prescription de mesures thérapeutiques telles que des aménagements transitoires du temps de travail, que celles-ci soient de toute façon réévaluées et améliorées dans les structures de soins intensifs. Elle demande aussi aux employeurs de montrer leur attention aux besoins de soutien en mettant en place des outils de promotion de la santé mentale. Elle cite par exemple des groupes de paroles ou de l‘activité physique. Enfin, le communiqué réclame « une prise en charge rapide au titre des accidents imputables au service pour les agents de l’État ou au titre des accidents du travail pour les autres salariés ou indépendants ».

Des pistes d’améliorations simples

Les employeurs peuvent mettre en œuvre plusieurs étapes pratiques pour minimiser le fardeau imposé au personnel, et les recommandations étaient similaires quelle que soit la qualité de l'étude, expliquent les auteurs de la méta-analyse. De manière générale, la réorganisation des soins doit permettre à la fois d’éviter tous contacts entre patients atteints et patients sains, mais doit aussi viser à protéger les soignants en diminuant la densité des patients dans les différents services. Ces changements devraient être complétés, selon les chercheurs, par de simples modifications pratique, comme des stations de dépistage ou la refonte des procédures qui présentent des risques élevés de propagation des infections.

Les auteurs évoquent également l’accès  impératif à des aides psychologiques. Toutefois, ils ne préconisent pas les debriefings prévus à cet effet, notamment ceux centrés sur les expériences traumatiques. Ils estiment qu’ils se révèlent inutiles dans l’instant et pourraient interférer avec le processus naturel de réparation.

Autre recommandation des scientifiques, les directions des hôpitaux devraient baser le redéploiement des personnels face à la demande croissante de soins sur le volontariat. En outre, les soignants devraient bénéficier de pauses régulières où leur seront fournis des boissons, de la nourriture et d’autres fournitures de la vie quotidienne. Lors de ces moments de détente, il est primordial de leur donner accès à de l’équipement informatique pour qu’ils puissent prendre contact en vidéo avec leur proches afin de réduire leurs inquiétudes. D’ailleurs, il serait légitime de leur offrir la possibilité d’être hébergés dans d’autres locaux s’ils souhaitent ne pas prendre le risque de contaminer leur famille, comme cela a été le cas en France lors de l’épidémie de Sars-Cov-2 .

Plus largement, les auteurs soulignent une stigmatisation, voire de la discrimination de ces professionnels de la part du grand public et la nécessité impérieuse de la combattre. Ce phénomène a malheureusement été identifié dans de nombreuses études, constatent les scientifiques. En effet, lors du confinement, de nombreux soignants ont rapporté des actes intolérables notamment de la part de leur voisinage à cause de leur profession. L’impact psychologique de ce type de comportement est sûrement non négligeable comme l’est toute attitude discriminatoire. Quoi qu’il en soit à présent, il est important que les soignants prennent soin d’eux après avoir pris soin des autres.

Roxane Curtet Journaliste infirmiers.com roxane.curtet@infirmiers.com  @roxane0706


Source : infirmiers.com