Le président de la mission Patrick Ollier (Hauts-de-Seine) et son rapporteur Hervé Novelli (Indre-et-Loire) ont présenté, lors d'une conférence de presse, le rapport de cette mission sur les conséquences économiques et sociales de la législation sur le temps de travail.
Ils ont indiqué que des établissements sanitaires avaient été visités lors de leurs 7 déplacements. Le rapport fait mention de l'hôpital d'Evry-Corbeil (Essonne), de l'hôpital de Cannes (Alpes-maritimes), de la polyclinique privée de Courlancy à Reims (Marne) et de la maison de retraite de la fondation Cognacq-Jay de Rueil-Malmaison (Hauts-de-Seine).
Plusieurs responsables hospitaliers ont été auditionnées, dont le directeur de l'hospitalisation et de l'organisation des soins (DHOS) Edouard Couty, le délégué général de la Fédération hospitalière de France (FHF) Gérard Vincent, le président de la Fédération de l'hospitalisation privée (FHP) Max Ponseillé ainsi que l'ancien directeur des hôpitaux Jean de Kervasdoué.
"La réduction du temps de travail est venue déstabiliser une situation déjà préoccupante", conclut le rapport de la mission. "A chacun de nos déplacements, nous avons vu des gens désemparés en plein désarroi, au bord de la rupture, lié à des conditions de travail qui ont créé artificiellement une pénurie d'emplois qui n'a pas été comblée", a déclaré Hervé Novelli lors de la conférence de presse.
APPLICATION "IRRESPONSABLE"
Le rapporteur critique le fait que la réforme ait été appliquée à compter du 1er janvier 2002, alors que la Direction des hôpitaux et de l'organisation des soins avait averti le gouvernement des difficultés de recrutement des 45.000 postes non médicaux et de 3.500 postes médicaux sur 3 ans.
"Je considère qu'il était totalement irresponsable d'avoir appliqué tout de suite, par décret, les 35 heures à l'hôpital, sans avoir prévu les personnels complémentaires et sans que l'autorité de tutelle ait réagi aux interpellations de la haute administration" sur les difficultés prévisibles de recrutement, a déclaré Hervé Novelli.
Le rapport souligne que les augmentations de quotas dans les écoles d'infirmières n'ont commencé à produire des effets qu'en 2003 et que le relèvement du numerus clausus complété par la titularisation de médecins aux statuts précaires ne sont pas suffisants pour l'instant pour assurer les nouveaux recrutements.
La mission souligne que la pénurie en emplois a contribué à créer un "marché parallèle", avec le développement de l'intérim médical, comme l'ont attesté l'hôpital d'Evry-Corbeil et la polyclinique de Courlancy.
Selon le syndicat des entreprises de travail temporaire, le nombre de salariés intérimaires en équivalents temps plein dans le secteur sanitaire et social a progressé de 30% de 2000 à 2001, de 17% de 2001 à 2002 et de 11% en 2003 (estimation).
Des infirmières, en plus de leurs 35 heures, effectueraient une ou deux vacations, rémunérées environ 1.500 euros la vacation, selon le témoignage de Jean de Kervasdoué.
Hervé Novelli regrette que la mise en place des 35 heures a été "une occasion manquée" pour lancer une réflexion sur l'organisation du travail, la gestion des effectifs et le renouvellement des politiques de recrutement.
UNE DÉMOTIVATION DES PERSONNELS
La mission fait le constat que les 35 heures, considéré comme une avancée sociale, s'est traduite chez les personnels hospitaliers par une démotivation, en raison d'un sentiment de "dégradation des conditions de travail".
En effet, les jours de RTT accordés, principal avantage aux yeux des personnels, ne peuvent pas être entièrement pris, d'où une frustration.
La mission relève les propos tenus par les personnels hospitaliers de "travail à flux tendu", "stress augmenté", "effectifs minimums, effectifs de sécurité" et note une hausse de l'absentéisme. Cette situation a entraîné une diminution du nombre des formations.
Plusieurs responsables hospitaliers ont aussi témoigné d'une démotivation des personnels, avec une réduction de l'investissement professionnel, notamment chez les jeunes cadres hospitaliers. Ils ont aussi témoigné du mauvais accueil fait aux "badgeuses" mises en place pour décompter le temps de travail et de la méfiance envers le compte-épargne-temps.
En termes d'organisation du travail, la RTT s'est traduite par une réduction du chevauchement entre les équipes, qui nuit à la transmission d'informations entre agents.
La mission d'information s'interroge aussi sur le fait de savoir si les 35 heures ont abouti à une diminution de l'offre de soins et à une baisse de la qualité. Elle conclut qu'il est difficile de donner une réponse affirmative, mais que c'est certainement le cas.
En termes de coût, la mission chiffre le dispositif à 1,5 milliards d'euros pour les personnels non médicaux et à 330 millions d'euros pour les personnels médicaux en 2005.
Le rapport reprend les estimations de la Fédération hospitalière de France sur le coût de la mise en place des 35 heures : 512 millions d'euros en 2002 (un quart de l'évolution budgétaire) ; 721 millions d'euros en 2003, avec l'application de la directive sur le temps de garde ; 496 millions d'euros en 2004, soit un quart de l'évolution budgétaire./hm
* Rapport de la mission d'évaluation des conséquences économiques et sociales de la législation du temps de travail, 300 pages. Disponible sur le site www.assemblee-nationale.fr
INFOS ET ACTUALITES
Les 35 heures ont aggravé les difficultés d'organisation du travail à l'hôpital
Publié le 27/05/2004
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Source : infirmiers.com
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