Dans le service d’oncologie pédiatrique du CHU de Toulouse, des enfants soumis à un protocole de soin induisant un isolement prolongé gardent le lien avec leur famille grâce à un robot de télé présence surnommé Buddy. Un projet pilote en partenariat avec l’association "The Hope of Princess Manon".
Rémi Izoulet, infirmier en pratique avancée de l’équipe de liaison pédopsychiatrique de l’hôpital pédiatrique de Toulouse et investigateur principal de ce projet de recherche qualitative descriptive et exploratoire, a répondu à nos questions.
Comment ce projet s’est-il concrétisé au sein de l’hôpital ?
Ce projet est né de la collaboration entre des professionnels du service d’hémato oncologie pédiatrique et l’association The Hope of Princess Manon. Ce partenariat existe depuis plusieurs années. Mr Gauthier, le président de l’association, a présenté en 2018 un prototype de robot qu’il souhaitait mettre en place à l’hôpital. Nous avons alors réalisé une étude de terrain auprès des familles pour évaluer les attentes et les besoins et pour permettre aux enfants d’imaginer leur robot idéal
. L’association s’est alors tournée vers la société robotique Blue Frog
qui fabriquait le robot Buddy : celui-ci correspondait en grande partie à nos attentes. Enfin, un projet de recherche a été adjoint afin d’étudier l’impact psycho relationnel de l’utilisation d’un robot de téléprésence dans une population d’enfants soumis à un isolement prolongé.
Quelles sont les difficultés rencontrées par ces enfants ?
Les enfants hospitalisés dans les services d’hémato-oncologie pédiatrique suivent des protocoles de soins pouvant induire un isolement protecteur prolongé qui peut durer plusieurs semaines, voire plusieurs mois. Ces périodes sont difficiles pour beaucoup d’enfants, notamment parce qu’elles induisent une rupture avec l’environnement familial et amical. Notre espoir était donc que l’utilisation d’un robot de télé-présence pourrait permettre de diminuer les difficultés induites par ces mesures d’isolement.
Comment se passe en pratique la mise en présence avec le robot ?
Tout d’abord, un membre de l’équipe propose à l’enfant et à sa famille l’utilisation du robot. Si tous tombent d’accord, l’enfant apprend à manipuler le robot dans sa chambre pendant deux jours, pour se familiariser avec lui, avant que ses parents ne l’amènent à la maison. Le robot est alors installé au domicile familial et l’enfant peut le manipuler depuis sa chambre d’hôpital à partir d’une tablette tactile. Grâce à Buddy, il peut se déplacer dans la maison et interagir avec les membres de sa famille.
Les parcours de soins en hémato-oncologie pédiatrique sont caractérisés par l’imprévisibilité. La survenue d’effets indésirables durables, la longue durée du traitement ainsi que l’alternance entre phases d’hospitalisation et phases de soins à domicile sont impossibles à prévoir : conserver un juste équilibre entre la vie hors de l’hôpital et la vie à l’hôpital représente donc un défi constant pour l’enfant et sa famille. Dans le contexte de ces maladies, le domicile familial peut perdre sa fonction de refuge. La maladie cancéreuse d’un enfant va induire des bouleversements dans le fonctionnement de sa famille. Dans ce contexte, les mesures d’isolements protecteurs peuvent générer chez les enfants des sentiments confus et complexes : vécus d’enfermement, d’exclusion, de solitude, de culpabilité ou encore de honte.
Pourquoi avoir fait le choix d’un robot de téléprésence ?
L’utilisation de robots de télé-présence dans le domaine médical s’est particulièrement développée ces dernières années. Ces robots de télé-présence sont équipés d’écrans numériques, de caméras, de microphones et de hauts parleurs. Les enfants peuvent passer ou recevoir des appels vidéos. L’utilisation d’un robot de télé-présence pourrait ainsi permettre de diminuer le sentiment d’isolement de ces enfants hospitalisés. Leur utilisation permet une réponse novatrice à ces contextes dont on sait qu’ils induisent de la souffrance chez l’enfant et des troubles dans la dynamique familiale.
Quelles sont les premières constatations ? Les premiers retours des familles ?
Pour l’instant la plupart des enfants ont été ravis de pouvoir utiliser ce robot. Il apporte une vraie plus-value en offrant de l’autonomie aux enfants, qui décident ou non de se connecter, de se déplacer…Concernant les fratries (dont on sait que les liens ont tendance à se distendre dans ces contextes), il permet d’avoir un lien plus privilégié et régulier indépendamment des parents. Beaucoup de familles utilisent le robot au moment des repas et beaucoup trouvent que cela permet d’avoir un peu plus de moments partagés ensemble.
Ce projet pilote s’appuie sur une démarche de recherche ?
Ce projet pilote est corrélé à un projet de recherche** sur l’impact socio-psychologique de l’utilisation d’un robot de téléprésence dans une population d’enfants soumis à un isolement prolongé. Ce projet de recherche vise à évaluer l’effet de l’utilisation du robot de téléprésence sur le vécu de l’hospitalisation par l’enfant, la relation parents/enfants, les relations au sein de la fratrie et la place des parents dans le parcours de soin. Le financement du projet de recherche est actuellement en attente de validation.
**L’équipe de recherche :
Investigateur principal : Rémi Izoulet, MSc en Sciences Infirmières, Infirmier en pratique avancée de l’équipe de liaison pédopsychiatrique de l’hôpital pédiatrique
Co-investigateurs : Sébastien Couarraze, PhD en Sciences de l’Education, Infirmier anesthésiste, Formateur à l’IFSI de Toulouse
Mélanie Salesses, Infirmière puéricultrice dans le service d’hémato oncologie pédiatrique de l’hôpital pédiatrique du CHU de Toulouse
Propos recueillis par Susie Bourquin
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