Entre 1990 et 2023, le nombre de nouveaux cas de cancers a doublé en France, et ce pour les hommes et les femmes et toutes localisations confondues. Ce sont les conclusions croisées du dernier « Panorama des cancers en France » de l’Institut national du cancer (INCa)1.
En tout, 433 136 nouveaux cas de cancers devraient être déclarés en France au cours de cette année 2023, dont 57% chez l’homme et 43% chez la femme. Ainsi, depuis les années 1990, l’incidence2 a ainsi augmenté de 98% chez les uns (245 000 nouveaux cas en 2023, contre 124 290 en 1990), et de 104% chez les autres (187 000 nouveaux cas contre 91 840 en 1990). Des chiffres en « forte augmentation » et qui appellent à une « mobilisation de tous les acteurs de la lutte contre les cancers, bien sûr, mobilisation de tous les Français aussi », s’inquiètent les autorités sanitaires. À noter que l’âge médian à laquelle ils sont diagnostiqués diffère entre les deux sexes : 70 ans chez l’homme et 68 ans chez la femme.
Les cancers du sein et de la prostate parmi les plus fréquents
En France, les cancers les plus fréquents sont ceux du sein, de la prostate, du poumon, du côlon et du rectum. La maladie reste la première cause de mortalité prématurée chez les hommes, et la deuxième chez les femmes (après les maladies cardio-vasculaires). Elle était ainsi responsable en 2018 de 157 400 décès. Et parmi les 19 cancers ciblés par le panorama (dont 17 tumeurs solides et 2 hémopathies), certains demeurent plus mortels que d’autres. Cancers du pancréas, de l’œsophage, du foie, des poumons et du système nerveux central sont de « mauvais pronostics ». « Pour eux, et malgré les progrès de la recherche, le taux de survie à 5 ans reste plus faible », détaille le document : 26% pour le système nerveux central, 20% pour le poumon ou encore 11% pour le pancréas. En revanche, cancers de la prostate et mélanome cutané (93%), du sein (88%) ou encore colorectal et du col de l’utérus (63%) présentent des taux de survie plus importants, dès lors qu’ils sont diagnostiqués tôt.
- Le cancer du poumon : Deuxième cancer le plus fréquent chez l’homme (33 438 nouveaux cas en 2023, soit -0,5% par an depuis 2010) et troisième chez la femme (19 339 nouveaux cas, soit +4,3% par an depuis 2010), il est la première cause de décès par cancer. L’âge médian du diagnostic se situe à 68 ans pour les hommes et à 66 ans chez les femmes.
- Le cancer du sein : Il est le cancer le plus fréquent (33%) et la première cause de décès par cancer chez les femmes. 61 214 nouveaux cas ont été déclarés en 2023, soit une augmentation de 0,3% par an depuis 2010. L’âge médian du diagnostic est de 64 ans.
- Le cancer de la prostate : Il représente 24% des cancers masculins, ce qui le place en tête en termes de nombre, et il est la troisième cause de décès par cancer chez les hommes. Son incidence est toutefois en baisse : -1,1% par an entre 2010 et 2018, avec une diminution de la mortalité de 3,7% par an. Âge médian du diagnostic : 69 ans.
- Le cancer colorectal : Il représente le troisième cancer le plus fréquent (-0,5% par an entre 2010 et 2023) et la deuxième cause de décès par cancer chez l’homme, pour un âge médian de diagnostic de 71 ans, et le deuxième plus fréquent (+0,4% par an) et troisième cause de décès chez la femme, pour un âge médian de 72 ans. 47 582 nouveaux cas ont été détectés en 2023.
Une hausse inquiétante chez les femmes
Globalement, chez les hommes, on note « beaucoup d’évolutions favorables pour beaucoup de cancers, à l’exception de ceux du pancréas, du mélanome de la peau et du rein, qui continuent d’augmenter. Chez la femme, les évolutions sont défavorables pour davantage de localisations », résume le Dr Florence Molinié, Présidente de Francim, lors de la présentation du panorama. Avec une inquiétude particulière sur le cancer du poumon, en forte augmentation chez les femmes. Alors que l’incidence de ce cancer baisse légèrement chaque année chez les hommes (-0,2%), elle connait en revanche une explosion chez les femmes (+5%). « Il y a un très gros signal d’attention sur le cancer du poumon. Sa mortalité chez les femmes dépassera dans 2 ou 3 celle du cancer du sein », prévient Norbert Ifrah, le président de l’INCa. 19 339 nouveaux cas seraient ainsi attendus pour l’année 2023 (contre 33 438 tout de même chez les hommes). Même constat pour le cancer du pancréas (+3,3% chaque année). Pour autant, le nombre de ces cancers demeurent plus importants chez les hommes que chez les femmes.
Le facteur majeur de la différence d’incidence entre les hommes et les femmes est la consommation de tabac.
Évolutions démographiques et comportements en cause
Comment expliquer ces augmentations ? Par une évolution démographique, dans une large mesure, répondent les autorités sanitaires. Croissance démographique et vieillissement de la population expliquent 78% de la hausse du nombre de cas de cancer chez l’homme, et 57% chez la femme. Car plus l’on vieillit plus augmentent « les risques intrinsèques de cancer », rappelle Norbert Ifrah. N’en reste pas moins que 40% des nouveaux cas de cancers déclarés en France sont évitables, soit près de 173 000 en 2022, car dus à des facteurs de risques liés aux comportements individuels et encore trop mal perçus par les Français.
À commencer par la consommation du tabac, qui est responsable à elle seule de l’apparition de près de 20% des cancers évitables – dont 80% des cancers du poumon. « 68 000 nouveaux cas de cancer seraient attribuables au tabac en 2015 », observe ainsi le panorama de l’INCa, et ceux pour 17 cancers de localisations différentes (poumon, bouche, pharynx, larynx, œsophage, vessie, sein…). « Le facteur majeur de la différence d’incidence entre les hommes et les femmes est la consommation de tabac », qui a augmenté chez les femmes, précise d’ailleurs Florence Molinié. Or « la sensibilité des femmes aux toxiques est plus importante », alerte Norbert Ifrah, avec des risques spécifiques et accrus pour elles.
Viennent ensuite la consommation d’alcool, mise en cause dans les cancers du sein, du foie, de l’estomac ou encore du côlon-rectum et à l’origine de 8% des cancers évitables, suivi d’une alimentation déséquilibrée et du surpoids, dans les mêmes proportions (5,4% chacun). Enfin, l’exposition aux ultraviolets est pointée dans 3% des cancers évitables. « L’incidence du mélanome chez l’homme rattrape celle de la femme en raison de cette exposition aux UV », constate ainsi le président de l’INCa.
Chez les enfants de 0 à 16 ans, les leucémies sont les cancers les plus fréquents, à hauteur de 28%, suivis des tumeurs du système nerveux central (26%), puis des lymphomes (10%) ; 1 843 nouveaux cancers pédiatriques sont déclarés chaque année. Les taux de survie à un an et 5 ans sont toutefois bons, 92% et 83% respectivement. Chez les adolescents de 16 à 17 ans, les lymphomes passent en première position (27%), suivis là aussi des tumeurs du système nerveux central (17%), les leucémies arrivant en troisième place, à hauteur de 14%. Quant aux taux de survie, ils sont de 94% à un an, et de 82% à 5 ans.
L’urgence de mettre l’accent sur la prévention
Les avancées en termes de traitements permettent désormais une meilleure prise en charge des cancers et favorisent l’augmentation des taux de survie. « Des médicaments efficaces sont de plus en plus employés », relève Norbert Ifrah. « Ils peuvent l’être dans des situations qui étaient jusqu’à présent fréquemment sans solution. » La chirurgie demeure le premier mode de traitement (419 000 patients en 2018), suivie de la chimiothérapie (363 160 personnes) et de la radiothérapie (129 200 patients en établissement public, et 113 000 en libéral). Les traitements par immunothérapie, particulièrement prometteurs pour certains cancers, sont quant à eux en constante augmentation : « En 2021, 62 633 patients ont été traités par des inhibiteurs de points de contrôle (+ 21 % par rapport à 2020) et 505 par des cellules CAR-T (+ 36 % par rapport à 2020) », précise ainsi le document.
La prévention des facteurs de risques évitables de cancers et les dépistages […] sont deux armes essentielles dans la lutte contre la maladie.
Pour autant, « la prévention des facteurs de risques évitables de cancers et les dépistages, objectifs prioritaires de la stratégie décennale de lutte contre les cancers, sont deux armes essentielles dans la lutte contre la maladie », insiste l’INCa. Trois programmes de dépistage généralisé existent : pour les cancers du sein, du col de l’utérus, et colorectaux. La participation au dépistage du cancer du sein accuse une légère baisse depuis 10 ans pour toutes les tranches d’âges ; 47,7% des 10,8 millions de femmes âgées de 50 à 74 ans éligibles y ont eu recours en 2021-2022. « Il faut toutefois y ajouter 11 % de la population cible qui effectue des dépistages individuels », nuance le document. Les chiffres sont un peu meilleurs pour celui du col de l’utérus, puisque 58,8% des femmes de 25 à 65 ans en ont bénéficié – même si le niveau de dépistage tend à diminuer avec l’âge. « Dépisté très tôt, ce cancer, qui cause environ 1 100 décès par an, pourrait être évité dans 90 % des cas », est-il précisé. En revanche, pour le cancer colorectal, l’adhésion est encore jugée trop insuffisante : seuls 34,3% des personnes éligibles y ont recours, bien en deçà des 45% recommandés par l’Union européenne. « On commence à observer dans la durée une diminution de l’incidence des cancers du côlon-rectum. On évite ainsi des apparitions » grâce au dépistage précoce, souligne Nobert Ifrah. Mais pour déplorer immédiatement après : « donc on regrette d’autant plus cette adhésion plus que mesurée aux actions de dépistage.»
Quid du programme de dépistage généralisé du cancer broncho-pulmonaire, dont le pilote a été engagé par la Haute autorité de santé (HAS) ? Il est en cours de réflexion, répond-il. « Il faut l’associer à une aide au sevrage du tabac. » Il embarque également un certain nombre de questions : à quelle fréquence faut-il le réaliser, et à quel âge ? La réflexion est d’autant plus complexe que l’exemple venu des États-Unis présente des résultats mitigés : le taux de réponses aux convocations est de l’ordre de 6%, et le programme dépistage peut même avoir un effet inverse. « Un trop grand nombre de personnes inquiètes ont répondu à la première convocation, ont reçu des résultats d’examens rassurants et ont pensé qu’elles pouvaient continuer à fumer. » En 2021, les « dépenses hospitalières liées au diagnostic, au traitement ou au suivi des personnes atteintes de cancer » atteignaient 6,3 milliards d’euros, soit « +6,6% par rapport à 2020 », assène le document en conclusion.
Pour en savoir plus : consulter le panorama de l'INCa
1 Réalisés en partenariat avec Santé Publique France, les Hospices civils de Lyon et le Réseau français des registres des cancers (Francim)
2 Soit le nombre de nouveaux cas de cancers au sein d’une population ou d’une zone géographique
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