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Le confinement serait efficace mais jusqu’à quand ?

Publié le 09/04/2020

Les mesures prises pour lutter contre la propagation du nouveau coronavirus ne sont pas vaines selon une étude britannique. Des chercheurs ont estimé les effets du confinement et les données s’avèrent très positives. D’autant plus que le rythme des hospitalisations en réanimation semble enfin ralentir en France. Alors que prévoit-on pour la suite ?

Le confinement n’est pas forcément facile à vivre pour tout le monde. Néanmoins, cette mesure porte ses fruits, les études le montrent et l’expérience aussi : le nombre de décès et d’arrivées en réanimation commence à baisser en France. Alors jusqu’à quand encore serons-nous amenés à rester chez nous ?

La barre symbolique des 10 000 morts est atteinte . Mardi, la France a comptabilisé 597 décès supplémentaires en une journée. A ces décès s’ajoutent 3 237 morts dans les EHPAD, ce qui fait un bilan de 10 328 décès en totalité. Indice encourageant, contrairement aux décès, le nombre de nouveaux patients en réanimation demeure positif mais est de plus en plus bas puisqu’ils n’étaient que 59 ce mardi contre 94 lundi et 140 dimanche, ce qui démontre néanmoins un ralentissement. Mais, nous ne sommes pas encore au pic, a répété Jérôme Salomon, le directeur de la DGS. Ainsi, il ne faut pas baisser la garde, surtout si le confinement commence à porter ses fruits. C’est d’ailleurs pour cela que les mesures ont encore été renforcées dans la capitale et dans cinq autres départements franciliens, où toute activité sportive individuelle est désormais prohibée à compter du 8 avril, de 10h à 19h. Pour ceux qui ont des doutes, des recherches récentes ont estimé l’intérêt du confinement durant l’épidémie, et il est loin d’être négligeable !

Une étude Britannique chiffre l’impact des mesures restrictives en Europe

Selon une étude publiée par une équipe de chercheurs de l'Imperial College de Londres, entre 21 000 et 120 000 morts ont pu être évités jusqu’au 31 mars dans 11 pays d’Europe (dont la France, l’Italie et l’Espagne) grâce aux mesures de confinement. Les spécialistes ajoutent que beaucoup plus de décès seront évités en maintenant les interventions en place jusqu'à ce que la prévalence chute à des taux faibles. Pour obtenir ces résultats, ces experts en épidémiologie et en mathématiques ont modélisé la dynamique de l’épidémie en Europe et ainsi estimé l’évolution de la transmission du coronavirus à la suite des dispositions prises dans les pays étudiés.

Afin d’établir leur modélisation, les auteurs ont pris en considération les procédures d’isolements des patients atteints, la fermeture des établissements scolaires et de l’enseignement supérieur, l’interdiction des rassemblements, les mesures de distanciation sociale et bien entendu le confinement de la population, et ce, à la date où ces dispositions ont été mises en application selon les Etats.

Sans surprise, c’est sur le territoire le plus touché par le Covid-19 que l’impact de mesures strictes a été le plus fort : l’Italie aurait épargné 38 000 vies grâce aux dispositifs de précautions dont le confinement général de la population. Ainsi, toujours selon les spécialistes l’Espagne aurait sauvé la vie de 16000 citoyens, suivie par la France (2500), puis la Belgique (560), l'Allemagne (550), le Royaume-Uni (370), la Suisse (340)…

Même si le nombre de morts continue d'augmenter, nous voyons suffisamment de signaux dans les données pour conclure que des actions soutenues et drastiques prises par les gouvernements européens ont déjà sauvé des vies et permis de diminuer le nombre de nouvelles infections, soutient le Dr Seth Flaxman premier auteur de l’étude. En effet, leurs travaux estiment qu’entre 7 et 43 millions d’individus ont été infectés par le Sars-Cov-2 jusqu’au 28 mars dans ces mêmes pays, ce qui représente entre 1,88% et 11,43% de la population vivant sur ces territoires. On peut noter les divergences du taux d’incidence calculé entre les divers Etats : les chiffres oscillent entre environ 5,9 millions d'Italiens infectés et seulement 600 000 Allemands où les taux de propagation du virus restent les plus bas.

Le différentiel entre les cas rapportés par les différents Etats et les chiffres des chercheurs peut s’expliquer par les méthodes de dépistage mises en place. Dans plusieurs pays, les cas suspects ne sont pas systématiquement testés, les infections asymptomatiques ou bénignes ne sont pas prises en compte. De même, ce travail de modélisation est intéressant mais demeure théorique. Il admet notamment qu’une mesure identique a un impact comparable dans les 11 pays examinés.

Toutefois, nos résultats suggèrent que des interventions telles que l'éloignement social ou le confinement ont déjà épargné de nombreuses vies et continueront a en sauver, argumente le Pr Axel Gandy, directeur des statistiques au Département de mathématiques. L'impact de la pandémie est extrême - mais aurait été bien pire sans les interventions. Le maintien des mesures en place est crucial pour contrôler la transmission du virus.

C'est bien sûr une période difficile pour l'Europe, mais les gouvernements ont pris des mesures importantes pour s'assurer que les systèmes de santé ne soient pas submergés. Il existe des preuves solides que ceux-ci ont commencé à fonctionner et ont aplati la courbe - le Dr Samir Bhatt, maître de conférences de l'École de santé publique et un des auteurs de l’étude.

Des données qui tombent à pic…

En France, d’après les données, s’il est impossible de savoir avec exactitude quand aura lieu le pic épidémique, apparemment on s’en approche d’après Jérôme Salomon. Même si nous n’y sommes pas encore : nous ne sommes qu'à la phase ascendante même si elle ralentit un peu, donc aborder le déconfinement aujourd'hui n'a aucun sens, renchérit le directeur général de la Santé. Le pire n'est pas derrière nous, pas du tout, on est au contraire dans une phase extrêmement périlleuse où il faudrait ne pas se tromper et commencer à déconfiner et à faire n'importe quoi, a mis en garde de son côté le Pr Philippe Juvin, chef des urgences de l'hôpital parisien Georges-Pompidou, interrogé sur CNews. En Île-de-France, le pic pourrait être atteint dans les prochains jours selon l'Agence régionale de santé. Cependant, les hôpitaux restent soumis à très rude épreuve, on est probablement juste à la limite, estime Jean-François Delfraissy, Président du Conseil scientifique Covid-19. Il faut être extrêmement prudent là-dessus, mais on a l'impression que le système de soins (…) a tenu le choc et va tenir le choc en région parisienne, grâce à l'effort de l'ensemble des soignants, aux transferts.

Dans le Grand-Est, le pic épidémique est prévu aux alentours du 10 au 25 avril. Néanmoins comme, beaucoup l’ont souligné, atteindre le pic ne veut pas dire que nous sommes à la fin de l’épidémie mais juste qu’elle arrive à une phase de plateau. Pour le directeur général de l’ARS Île-de-France, Aurélien Rousseau, il faut être extrêmement prudent.

 On voit un ralentissement de la croissance du nombre de cas qui arrivent en réanimation, cela ne veut pas dire que ce nombre de cas baisse, mais qu'il augmente moins vite, indique le directeur général de Santé interviewé par France Info. Il ne faut donc pas que ce pic créé un relâchement dans le confinement car au niveau des hôpitaux la situation reste tendue : On n'est pas en situation de prendre la moindre petite vague de plus. Pour l’instant, le confinement doit rester absolument la règle, sinon on mettra en danger le système de santé tout entier. Ce pic n'est pas qu'un pic et derrière cela redescend, c'est un pic qui annonce un plateau et un plateau, ça peut être très long.

De son côté, le directeur de l’AP-HP, Martin Hirsch, a martelé que le confinement de devait pas être levé trop tôtSi on voit les choses se stabiliser, c’est parce que le confinement a été mis en place, a-t-il insisté. Relâcher le confinement trop tôt, craquer en ce moment, si je puis dire, cela conduirait […] à créer ce que nous avons évité jusqu’à présent, le vrai débordement, a-t-il prévenu. Cependant, il suggère qu’il est possible que le confinement devienne plus subtil au fil du temps. Un pic ça monte vite et ça descend vite. Là, ça monte vite et ça descendra […] lentement, a-t-il affirmé. Un plateau, en montagne, ça peut-être un plateau entre deux montagnes, et l’objectif c’est qu’il n’y ait pas la deuxième montagne qui arrive ou qui arrive trop vite. Belle image surtout quand on sait que dernièrement la Chine commence à craindre un rebond de l’épidémie sur son territoire.

Le déconfinement, d'un point de vue scientifique, est lié à notre capacité à fournir des outils de prévention dont le masque, il y aussi les solutions hydroalcooliques, la distanciation sociale, et surtout du dépistage à très haut niveau - le Pr Gilles Pialoux chef de service de l'unité des maladies infectieuses et tropicales à l'hôpital Tenon

Le jour d’après

C’est pourquoi le gouvernement est en train de réfléchir à différents scénarios de sortie de crise. Plusieurs critères sont à prendre en considération avant d’envisager la fin du confinement : déjà que l’épidémie régresse mais aussi s’assurer de la capacité de programmer des dépistages en masse.

Plusieurs hypothèses sont envisageables, la première est de lever les mesures de confinement région par région vu qu’elles ne sont pas toutes au même stade de l’épidémie (c’est d’ailleurs ce que recommande l’Académie de médecine). Pour que cela soit efficace, des dispositions restrictives seront toujours d’actualité entre les régions. Autre possibilité envisagée : de donner la priorité aux personnes immunisées c’est-à-dire qui ont déjà été confrontées au virus. Une option qui dépend de deux choses : qu’une majorité de la population soit immunisée et aussi qu’une grande quantité de tests sérologiques puisse être effectuée. En parallèle, un déconfinement par secteur est aussi évoqué : les personnes pourraient tout d’abord retourner au travail, puis les bars et les cinémas pourraient rouvrir. Des possibilités qui peuvent bien entendu être combinées les unes avec les autres. Dans tous les scénarios potentiels, le déconfinement sera progressif. Il ne se fera pas en une fois, partout et pour tout le monde, a prévenu mercredi le Premier ministre. Nous avons demandé à plusieurs équipes de travailler sur des hypothèses de déconfinement régionalisé ou dépendant de campagne de tests ou de classes d'âges, a expliqué Edouard Philippe.

Néanmoins, il a été très clair lors des questions au gouvernement le 7 avril : L'heure du confinement va durer. C'est tout à fait difficile à supporter pour beaucoup de Français, j'en ai parfaitement conscience, mais c'est indispensable si nous ne voulons pas nous retrouver dans une situation qui serait pire encore que celle que nous connaissons aujourd'hui

Effectivement, le but est d’éviter un éventuel rebond de l’épidémie et selon Mircea T. Sofonea, maître de conférences en épidémiologie et évolution des maladies infectieuses à l’Université de Montpellier, qui travaille avec son équipe actuellement sur la dynamique de l’épidémie, cela n’est pas impensable. Il est probable qu’en mai, la situation épidémique soit provisoirement contrôlée. La levée de confinement devra s’accompagner de mesures ciblées selon le territoire et les populations à risque. (..) Mais tout cela nécessitera une logistique importante. La levée sera nécessairement accompagnée d’une grande vigilance sinon il y aura un nouveau rebond avant l’hiver, informe -t-il dans la Gazette de Montpellier. Celui-ci n’est pas forcément optimiste sur l’avenir car, d’après lui, il est possible qu’il y ait plusieurs vagues de confinement. Un maintien de certaines mesures de distanciation sociale et un isolement systématique des personnes infectées pourrait permettre un répit pour l’été. Mais au-delà, un rebond épidémique reste difficilement évitable en l’absence d’un vaccin. Nous aurons probablement un été pour souffler un peu mais il faut s’attendre ensuite à voir apparaître de nouveaux pics épidémiques. Nous travaillons actuellement sur des scenarii de rebonds épidémiques qui pourraient nécessiter de nouveaux confinements périodiques. Une sorte de système ON/OFF qui serait déclenché dès que l’afflux dans les hôpitaux deviendra trop important. Et ce, jusqu’à atteindre une proportion de personnes immunisées suffisante pour faire obstacle à la circulation du virus en France. 

Roxane Curtet Journaliste infirmiers.com roxane.curtet@infirmiers.com  @roxane0706


Source : infirmiers.com