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Lait maternel et soins douloureux chez le prématuré

Publié le 07/08/2020
nouveau-né prématuré

nouveau-né prématuré

Une étude taïwanaise publiée récemment a permis de remettre en lumière le rôle des méthodes non médicamenteuses dans la gestion de la douleur chez le nouveau-né prématuré .

Le lait maternel associé à une succion non nutritive a ainsi permis une réduction significative de la douleur évaluée chez le bébé prématuré, de plus de 87 %.

Cette étude, réalisée par une équipe infirmière, et publiée dans le International Journal of Nursing Studies1, avait pour but de démontrer l’intérêt de l’administration de lait maternel lors d’un soin douloureux chez le prématuré, en l’occurrence le prélèvement capillaire sanguin au talon. L’équipe a alors étudié les effets de plusieurs méthodes chez des prématurés nés entre 29 et 37 semaines d’aménorrhée :

  • le « Tucking » : maintien de l’enfant en position physiologique, « par des mains chaudes », en gardant ses membres supérieurs et inférieurs près du corps, en le contraignant le moins possible ;
  • succion non nutritive, d’une tétine, débutant 2 minutes avant le soin ;
  • administration orale de lait maternel, entre 0.5mL et 2mL à la seringue.

Le maintien en position physiologique et la succion non nutritive ont déjà montré leur intérêt pour diminuer la douleur chez le nouveau-né à terme et prématuré, notamment en association avec l’administration d’une solution de glucose. Toutefois l’association avec l’administration de lait maternel était encore peu étudiée, notamment chez le prématuré.

Dans cette étude, ces méthodes non médicamenteuses, maintien de l’enfant, succion non nutritive et administration de lait maternel, ont ainsi été comparées à des soins incluant uniquement un réconfort verbal et des gestes apaisants.

La douleur était mesurée grâce à l’échelle PIPP (Premature Infant Pain Profile), via des enregistrements vidéos réalisés à différents moments, avant, pendant et après l’acte douloureux. Cette échelle est spécifiquement utilisée chez le prématuré, et évalue la douleur grâce à des items comportementaux et physiologiques : faciès, saturation en oxygène, âge gestationnel, état de veille, fréquence cardiaque.    

Le lait maternel associé à une succion non nutritive a ainsi permis une réduction significative de la douleur évaluée, de plus de 87 %. Lorsqu’on inclut également le maintien de l’enfant en position physiologique, la diminution de la douleur évaluée atteint plus de 95 %. Ce maintien a également pour effet de favoriser un retour au calme plus rapide des prématurés.

Cette étude permet ainsi d’ajouter des preuves supplémentaires concernant l’intérêt du lait maternel dans la gestion de la douleur du nouveau-né, et plus particulièrement des prématurés.

D’autres études ont montré ce lien2, 3 et se sont également intéressées à la comparaison de l’administration de lait maternel par rapport à l’administration d’une solution sucrée4. L’efficacité des deux méthodes semble alors similaire.

Enfin le peau-à-peau et l’allaitement ont aussi été étudiés comme des moyens non médicamenteux pour réduire la douleur chez l’enfant. Les effets sont bien réels et permettent de proposer des moyens complémentaires de prise en charge de la douleur chez les nouveaux-nés5.

Toutes ces études permettent de rappeler l’importance d’une prise en charge adaptée de la douleur, et notamment chez le nouveau-né. La plupart des études menées en France notent une prise en charge insuffisante de la douleur chez le nouveau-né. En 2016, une étude dirigée par une infirmière puéricultrice et menée dans 16 unités de soins intensifs néonataux avait montré que 25 % des nouveaux-nés ne bénéficiaient d’aucune stratégie analgésique lors des prélèvements capillaire au talon6. Il est donc primordial que les professionnels présents dans ces services soient sensibilisés à cette problématique et qu’ils aient reçu une formation spécifique. Aujourd’hui, alors que les soins se technicisent toujours davantage et avec l’essor des soins de développement, des connaissances de haut niveau et une pratique basée sur les preuves peuvent être les garants d’une prise en charge de qualité par les soignants.

Charles EURYInfirmier puériculteur eury30@gmail.com  Président ANPDE

Notes

  1. Peng H-F, Yin T, Yang L, Wang C, Chang Y-C, Jeng M-J, et al. Non-nutritive sucking, oral breast milk, and facilitated tucking relieve preterm infant pain during heel-stick procedures: A prospective, randomized controlled trial. Int J Nurs Stud. 8 oct 2017;77:162‑70.
  2. Ou-Yang M-C, Chen I-L, Chen C-C, Chung M-Y, Chen F-S, Huang H-C. Expressed breast milk for procedural pain in preterm neonates: a randomized, double-blind, placebo-controlled trial. Acta Paediatr Oslo Nor 1992. janv 2013;102(1):15‑21.
  3. Carbajal R, Gréteau S, Arnaud C, Guedj R. [Pain in neonatology. Non-pharmacological treatment]. Arch Pediatr Organe Off Soc Francaise Pediatr. févr 2015;22(2):217‑21.
  4. Shah PS, Herbozo C, Aliwalas LL, Shah VS. Breastfeeding or breast milk for procedural pain in neonates. In: Cochrane Database of Systematic Reviews [Internet]. John Wiley & Sons, Ltd; 2012 [cité 19 déc 2017]. Disponible sur: onlinelibrary.wiley.com
  5. Nanavati RN, Balan R, Kabra NS. Effect of kangaroo mother care vs expressed breast milk administration on pain associated with removal of adhesive tape in very low birth weight neonates: a randomized controlled trial. Indian Pediatr. 8 nov 2013;50(11):1011‑5.
  6. Courtois E, Droutman S, Magny J-F, Merchaoui Z, Durrmeyer X, Roussel C, et al. Epidemiology and neonatal pain management of heelsticks in intensive care units: EPIPPAIN 2, a prospective observational study. Int J Nurs Stud. 1 juill 2016;59:79‑88.

Source : infirmiers.com