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Laïcité : quels droits pour les personnels en établissement de soins ?

Publié le 13/01/2021

Depuis le 9 décembre 1905, date à laquelle la loi sur la séparation des Églises et de l’État a été votée, la France est une république laïque. Concrètement, quels sont les droits et les devoirs en la matière des personnels (de tous statuts et de toutes professions), dans les établissements de santé ?

Tout acte de prosélytisme, même non-violent (discours, tracts…), doit être sanctionné.

En France, le cadre juridique et politique qui régit la laïcité repose sur deux principes : tout d’abord la liberté de conscience et de religion. Chacun est libre de croire ou non, de se convertir à une autre religion, de pratiquer ou non son culte. Peu importe son choix, les lois de la République se conforment à la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789, selon laquelle nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi (Art. 10). S’ajoute à cela que l’État respecte toutes les croyances, assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion1 et que les institutions publiques doivent afficher une neutralité absolue envers les différentes communautés religieuses ; que tout citoyen enfin, croyant ou non, de nationalité française ou autre, résident ou de passage en France, a l’obligation de respecter les règles de laïcité.

Liberté de conscience

Tout agent public bénéficie de la liberté de conscience et la pratique d’une religion ne doit en aucun cas constituer un critère discriminant à l’encontre d’un candidat lors du recrutement, de la titularisation et du déroulement de sa carrière. Des aménagements du temps de travail (changement d’équipe) et des autorisations d’absence pour participer à une fête religieuse sont autorisés (pose de repos2) s’ils restent compatibles avec les nécessités du bon fonctionnement du service. L’ensemble des personnels (médecins, paramédicaux, administratifs, techniciens), des établissements publics, indépendamment du statut dont ils relèvent, sont tenus à l’obligation de neutralité religieuse. Quant aux personnels du secteur privé, ils doivent se conformer strictement au règlement intérieur de leur lieu d’exercice.

Tous les personnels des établissements publics, relevant d’un statut public ou privé, et de toutes les catégories professionnelles, sont tenus sur leur lieu de travail de respecter plusieurs obligations

Personnels et étudiants : obligation de neutralité

Tous les personnels des établissements publics, relevant d’un statut public ou privé, et de toutes les catégories professionnelles, sont tenus sur leur lieu de travail de respecter plusieurs obligations. La première consiste à afficher une neutralité religieuse absolue dans leur tenue vestimentaire (ni kippa, ni voile islamique ou substitut3,4, ni manches longues…) ; leurs bijoux (ni croix, ni étoile de David, ni Bouddha…5), leurs propos (avec les usagers comme les personnels) et leur comportement. Vient ensuite l’engagement à n’avoir aucune pratique religieuse individuelle (prière ou lecture de textes sacrés…) ou collective (assister à un rite…), même à la demande expresse de patients ou de leurs proches. S’ajoute le devoir de ne refuser d’effectuer aucun soin pour motif religieux6 (servir un plat à base de viande, effectuer une toilette funéraire, prendre en charge un patient du sexe opposé…) et enfin celui de respecter les convictions des usagers en observant à leur égard une totale neutralité et à ne faire aucun prosélytisme.

Tout agent public a un devoir de stricte neutralité. Il doit traiter également toutes les personnes et respecter leur liberté de conscience. Le fait pour un agent public de manifester ses convictions religieuses dans l’exercice de leurs fonctions constitue un manquement à ses obligations. Il appartient aux responsables des services publics de faire respecter l’application du principe de laïcité dans l’enceinte de ces services.
Charte de la laïcité des services publics, 13 avril 2007

En exercice, la religion reste au vestiaire

L’interdiction de manifester sa croyance pour tout agent public est motivée par la légitime nécessité de protéger les usagers de tout risque d’influence ou d’atteinte à leur propre liberté de conscience. Elle doit s’appliquer avec une rigueur particulière dans les services publics dont les usagers sont dans un état de fragilité ou de dépendance7. Si les étudiants conservent durant leur formation universitaire théorique (et non pas dans les mises en situation professionnelle) la possibilité de porter des signes religieux, ils sont soumis à l’obligation de neutralité lorsqu’ils sont en stage ou en formation professionnelle au sein d’un établissement public de santé car ils exercent alors des fonctions médicales ou paramédicales et peuvent être, à ce titre, assimilés à des agents du service public. Toutes ces règles s’appliquent aussi à tous lors des temps de pause en interne (sessions de formation…) comme à l’extérieur (salons professionnels, colloques…).

Les principes de neutralité et de laïcité du service public sont applicables à l’ensemble des services publics, y compris ceux assurés par des organismes de droit privé

Neutralité des établissements publics de santé

Les établissements publics de santé ne peuvent ni montrer une préférence ni faire preuve d’une attitude discriminatoire selon l’appartenance ou la non-appartenance religieuse, réelle ou présumée, de ses usagers ; ni non plus arborer une décoration à caractère religieuse dans leurs locaux8, exception faite pour le lieu de culte mis à la disposition des usagers, conformément à la législation. Si les crèches de Noël n’ont pas leur place dans l’espace public (donc dans les établissements de santé), le sapin de Noël reste autorisé car il n’est pas considéré comme un symbole religieux mais comme celui d’une fête laïcisée tirée d’une tradition païenne. Les établissements doivent disposer d’une équipe d’aumônerie pluriconfessionnelle à l’image de leur patientèle. Ces renseignements peuvent être affichés à l’attention des usagers dans les services, ce qui n’exonère pas les établissements de les faire figurer dans leur livret d’accueil ainsi que l’emplacement du lieu multicultuel, les horaires d’ouverture... Les principes de neutralité et de laïcité du service public sont applicables à l’ensemble des services publics, y compris ceux assurés par des organismes de droit privé (entreprise de ménage, société de travaux, agence d’intérim…). Ainsi, les salariés de ces derniers, même s’ils relèvent du droit privé, sont soumis au respect de ces principes résultant du fait qu’ils participent à une mission de service public. A ce titre, ils doivent s’abstenir de manifester leurs croyances religieuses (ou leurs convictions politiques) par des signes extérieurs, en particulier vestimentaires9 et respecter les règles énoncées plus haut.  

Notes

    1. Constitution du 4 octobre 1958
    2. Bien entendu, ils leurs seront décomptés de leur quota de jours disponibles
    3. Saisie de la question de l’interdiction du port du voile, la Cour Européenne des Droits de l’Homme a jugé que la neutralité exigée pour les agents du service public hospitalier français était proportionnée au but recherché et qu’ainsi elle n’était pas contraire à l’article 9 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme (arrêt du 26 novembre 2015)
    4. Le port de la charlotte est réservé au seul usage professionnel lorsque les règles d’hygiène l’exigent, il ne doit jamais être toléré (ni un foulard ni un bandana) pour dissimuler une chevelure pour des raisons religieuses, culturelles ou personnelles
    5. Sauf les aumôniers. Ils sont aussi tenus de porter un badge sur lequel sont précisés leurs nom, prénom et fonction, par exemple « aumônier catholique » ou « aumônier musulman ». Ils doivent toujours se présenter à leurs interlocuteurs en annonçant préalablement leur titre
    6. Un médecin a le droit de refuser la réalisation d’un acte médical autorisé par la loi mais qu’il estimerait contraire à ses propres convictions personnelles, professionnelles ou éthiques (par exemple, IVG). Sauf urgence vitale, le médecin n’est pas tenu de pratiquer l’acte demandé ou nécessité par des conditions particulières. S’il se dégage de sa mission, il doit en avertir clairement le patient, dès la première consultation, et lui donner tous moyens et conseils pour qu’il puisse obtenir une prise en charge adaptée
    7. Tribunal administratif de Paris, 17 octobre 2002, n°0101740/5, Mme Christine E.
    8. Sur les murs comme dans les bureaux ou les guichets, par exemple. Néanmoins, cela est autorisé dans les appartements privés des personnels. En ce qui concerne les chambres de garde, l’agent a le droit d’y entreposer ses effets personnels (dont cultuels) le temps de sa garde mais se doit de ne strictement rien y laisser dès sa relève
    9. Cour de Cassation, Caisse primaire d’assurance maladie de Seine-Saint-Denis, 19 mars 2013

 Isabelle Levy, conférencière - consultante spécialisée en cultures et croyances face à la santé, elle est l’auteur de nombreux ouvrages autour de cette thématique.
@LEVYIsabelle2


Source : infirmiers.com