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La radio, une centenaire qui aime parler santé

Publié le 28/07/2021
La radio, une centenaire qui aime parler santé

La radio, une centenaire qui aime parler santé

Question professionnelle par excellence pour tous les soignants, la santé concerne aussi le grand public (patients, aidants…). En parler implique des connaissances, des études scientifiques et fait appel aux sciences humaines et aux sciences dites dures. Dans cette masse d’informations en santé, les sciences de l’information et de la communication sont souvent oubliées. Un maillon à ne pas négliger pourtant ; la radio, entre autres, a bien compris l’importance de la diffusion des connaissances dans ce domaine.

A l’occasion du centenaire de la naissance du média, retour sur la manière dont la radio a fait une place à la santé sur ses ondes

Véritable bien public, la santé revêt des enjeux pédagogiques, sociétaux mais aussi politiques, d’où l’intérêt de sa médiatisation à grande échelle. Les médias s’en sont emparés et lui consacrent de nombreuses émissions. Et depuis des mois, la thématique fait grand débat dans l’actualité médiatique en raison de l’épidémie de Covid-19. Sur les ondes du service public, certaines émissions radiophoniques constituent de précieuses ressources. Focus sur ce média et la place qu’il prête à la santé à l’occasion du centenaire de sa naissance.

Du diktat de l’Etat aux représentations collectives

En 1921, la tour Eiffel est devenue l’émetteur de programmes radiophoniques jusqu’en 1940. Les Français écoutaient des émissions radiophoniques avec des récepteurs TSF (transmission sans fil). Plus de 3 millions de foyers étaient équipés de postes radio dans les années 1930. La radio était un organe à part entière de la vie politique communicant directement dans les foyers, a fortiori lors de la deuxième guerre mondiale avec la propagande et la censure (armistice annoncée par Pétain en 1940, appel de De Gaulle la même année). Par ordonnance du 23 mars 1945, le gouvernement provisoire révoque toutes les autorisations accordées avant-guerre et établit de fait le monopole absolu de l’Etat en matière de radio (et télévision). Après la guerre, Paris Inter (1947) apparaît avant l’Office de radiodiffusion-télévision française (ORTF, 1949). L’état affirme son pouvoir central, les postes régionaux perdent leur autonomie et les programmes sont parisiens (1). La radio émet sur les grandes ondes en 1952 avec émetteur spécifique pour couvrir toute la France ; plus de 65 % des ménages sont alors équipés de postes. Le virage publicitaire change la donne : la publicité sans marque se développe sur les radios privées et publiques à partir des années 1950, et avec elle débarque indirectement les préoccupations sanitaires (boire du lait ou de l’eau pétillante pour digérer, donner un vermifuge aux enfants...). L’ORTF s’ouvre à la publicité de marque en 1968, mais seuls les messages d’intérêts collectifs continuent à être autorisés sur les ondes de la radio publique (2). A partir d’une publicité contributive vantant les bienfaits de produits divers, des représentations se dessinent (la mère exemplaire qui veille à l’hygiène de son enfant, le nourrit à heures fixes avec un lait spécialement conçu pour lui (3)…).

Vulgariser la santé, une mission évolutive

Les pratiques soignantes étant clairement interdites de publicité dans les médias (4), l’information santé est véhiculée par la publicité jusqu’en dans les années 60, positionnant les patients et futures personnes soignées comme des consommateurs de biens.  Avec le concours de la publicité, le corps est devenu une science accessible et très à la mode. Au cœur de l’information, la santé est synonyme de modernité, d’hygiène, de bien vivre et fait aussi appel aux progrès techniques et technologiques. Écouter les affaires qui y sont liées permet aux individus de s’informer, mais aussi de s'interroger sur des pratiques en santé publique – un enjeu gouvernemental – et en santé mentale, à l’exemple de l’affaire Minamata. L'hygiène, la maternité sont alors des sujets émergeants. Les autorités publiques, mondiales (création de l’OMS en 1948) s'emparent de l’image, du son, en provoquant des débats et des campagnes pour promouvoir la santé. C’est essentiellement avec la presse indépendante que les scandales permettent de s’interroger sur les conflits d’intérêts entre politique et finance. Les premières émissions de radio ayant marqué les esprits relèvent de la prise en compte de la psychologie dans la famille ("Lorsque l’Enfant paraît"). Novatrice, Françoise Dolto a sans aucun doute contribué à démocratiser des savoirs en les rendant accessibles à un grand public peu averti, et fut aussi la seule voix radiophonique en psychologie pour exposer des points de vue.

Des ondes qui forgent l’opinion

Du scandale du sang contaminé en 1992 au Covid19, les crises sanitaires (6) passionnent les journalistes de radio, qui invitent spécialistes et politiques pour faire vivre le débat… et les controverses.  Sur les ondes, certaines émissions se sont fixé l’objectif de représenter la diversité intellectuelle, d’évoquer des sujets de santé publique comme l'obésité, la légalisation du cannabis ou l'alimentation, ou des sujets éthiques et sensibles (Là-bas si j’y suis, 1989-2014 ; Le téléphone sonne, 1978-). Les écouter permettait d’interroger les sources, les diversités politiques, d’apprendre en écoutant pour se forger une opinion construite sur un raisonnement actualisé en santé à la radio publique, sur la foi de sources fiables et vérifiées. Bref, éveiller l’esprit critique. Nicolas Demorand, Laure Adler, Claire Servajean, Thomas Legrand, Daniel Mermet… : autant de voix qui ont participé à animer les débats autour de la santé, et même d’en faire un sujet culturel.

Le podcast, facilitateur d’accès

Des émissions santé d’intérêt, il y en a. Mais lorsqu’elles sont diffusées très tôt ou très tard, elles sont difficilement compatibles avec l’emploi du temps de chacun, et surtout celui de soignants exerçant à l’hôpital. A la manière de ce qu’avait permis le magnétoscope avec la télévision il y a quelques décennies, les podcasts donnent une liberté totale à l’auditeur et facilitent son accès à l’information, quand il veut et d’où qu’il soit, y compris aux archives des émissions (Ma vie de patient de Véronique Julia ? ), même si elles n’existent plus, comme la  Chronique santé de Danielle Messager. Et si vous ne connaissez pas l’émission ? Qu’à cela ne tienne : il suffit d’entrer quelques mots clefs sur le site de Radio France (France Inter, France Culture, RFI et les autres). Les questions de santé publique occupent une place non-négligeable à la radio et quelques émissions lui sont consacrées. Sur RFI, il existe l’émission Priorité santé. Caroline Paré y reçoit des invités pour évoquer divers sujets dont certains sont dédiés aux femmes. Les podcasts sont utiles pour réécouter des rubriques, comme celle de Baptiste Beaulieu avec Alors voilà et se saisissent de sujets peu traités ou qui bousculent les représentations, comme celui de la mort (Traverse est une invitation à la mort disponible sur le site de France Inter).

Apprenants actifs et responsables

Le traitement de l’information en santé s'organise aujourd’hui – et depuis quelques années - avec Internet. La multiplicité des sources disponibles mais aussi de leurs sources de financement, en santé comme dans d’autres domaines, nécessitent vigilance, croisement des données et esprit critique. Car via la radio ou d’autres médias, la qualité de l’information repose sur son indépendance, sa fiabilité, sa fraîcheur, et le fait qu’elle soit exploitable par celui qui la reçoit. L‘esprit critique favorise le développement des savoirs, auquel les émissions radiophoniques participent. Elles offrent des voix, des opportunités d’apprendre, de s’auto former et proposent aujourd’hui une incroyable quantité d’informations que le patient, l’usager, le consommateur se doit d’organiser. Les écoutants y sont aujourd’hui des apprenants actifs et responsables : c’est la petite révolution du centenaire.

Notes

  1. Cazenave, Elizabet et Ulman-Mauriat, Caroline. Presse, radio et télévision en France de 1631 à nos jours. Paris:  Hachette supérieur. 1994
  2. Cheval Jean-Jacques. Invention et réinvention de la publicité à la radio, de l'entre-deux-guerres aux années 1980. Le Temps des médias, 2004/1 (n° 2), p. 75-85. DOI : 10.3917/tdm.002.0075.
  3. Strumeyer, Catherine et Lion, Agnès.L’image de la mère dans la publicité. Soins Pédiatrie/Puériculture.Vol 27, N° 233. décembre 2006.pp. 28-30.
  4. Pellegrain, Véronique.Publicité et professions de santé. Revue Francophone d'Orthoptie. Vol.7, n°1. 2014. pp.89-90.
  5. Remondière, Rémi. Évolution historique de la publicité et vulgarisation de l’électrothérapie au XIXe et au XXe siècles. Kinésithérapie, la Revue. Vol. 18, n° 202.2018. pp.  29-35
  6. Zylberman Patrick. Crises sanitaires, crises politiques. Les Tribunes de la santé. 2012/1 (n° 34), p. 35-50. DOI : 10.3917/seve.034.0035.

Pour aller plus loin

Christine PaillardLexicographe, documentaliste, formatrice, auteure du Dictionnaire des concepts en sciences infirmières


Source : infirmiers.com