La France n'a pas rattrapé son retard dans le domaine de la prise en charge de la douleur malgré les mesures prises par les pouvoirs publics, avec la mise en place de deux plans successifs de lutte contre la douleur (1998-2001 et 2002-2005) et malgré les progrès thérapeutiques, ont estimé plusieurs spécialistes lors d'un colloque organisé à l'Assemblée nationale par l'association "Hôpital 2000, pour vaincre la douleur en France".
Le Dr Jean-Pierre Estebe, du CHU de Rennes (Ille-et-Vilaine) a estimé que l'arsenal thérapeutique restait sous-exploité, appelant à un travail de formation et d'information à la fois des patients et du personnel soignant.
Bien que les professionnels de santé soient, à présent, "tous convaincus" de l'efficacité de l'analgésie auto-contrôlée par le patient, via une pompe à morphine, cette approche n'est pas encore suffisamment utilisée.
Des études ont montré que le degré d'utilisation des pompes à morphine dans les hôpitaux dépend du niveau de formation des équipes, a ajouté le Pr Francis Bonnet de l'hôpital Tenon (AP-HP, Paris, XXème arrondissement).
L'analgésie auto-contrôlée par le patient, principalement destinée à la prise en charge des douleurs post-opératoires et cancéreuses, laisse au
patient le choix de décider du moment d'administration de l'analgésique en fonction de l'intensité de la douleur qu'il ressent. De plus, les pompes
d'auto-administration de morphine, de petite taille et programmables, offrent la possibilité aux patients de déambuler voire de retourner au
domicile.
FORMER LES ÉQUIPES POUR MIEUX SOULAGER LES PATIENTS
Selon un bilan réalisé par la DHOS (Direction de l'hospitalisation et de la direction des soins) en 2000, on comptait quelque 5.000 pompes dans les hôpitaux français. Quant à l'association Hôpital 2000, elle estime qu'en 2004, 5.000 autres pompes faisaient défaut.
Pour illustrer les besoins, le Pr Bonnet a précisé qu'alors que 90% des patients opérés sont susceptibles de développer des douleurs
post-opératoires, actuellement, seuls 10% à 30% d'entre eux bénéficient d'une analgésie auto-contrôlée par le patient ou d'une analgésie péridurale.
Dans plusieurs établissements, les pompes "restent dans les placards", car la méconnaissance d'une seule personne de l'équipe peut empêcher la mise en place de l'analgésie contrôlée par le patient, a rapporté Pascale Thibault, cadre infirmier membre du Centre de lutte contre la douleur (CLUD) de l'hôpital Trousseau à Paris (AP-HP, XIIème arrondissement).
Le CLUD de l'hôpital Trousseau a développé un programme d'aide technique destiné aux infirmières, utilisant le multimédia (CD-Rom, cassettes vidéo, intranet et Internet) pour inciter les équipes à utiliser l'analgésie contrôlée par le patient, notamment chez les enfants.
Des discussions sont en cours avec l'association Sparadrap, qui aide les familles et les professionnels à gérer l'hospitalisation d'un enfant, afin
de diffuser ces outils, dont l'utilisation doit s'inscrire dans de vrais programmes de formation, a indiqué Pascale Thibault.
DES OBJECTIFS CONCRETS
Par ailleurs, la prise en charge de la douleur peut être améliorée en combattant les idées reçues, a fait remarquer le Dr Estebe, qui a cité comme
exemple le tabou lié à la consommation d'antidépresseurs chez les patients, alors que ces médicaments possèdent une action antalgique spécifique. Le médecin a également balayé "le mythe de l'EVA (échelle visuelle analogique permettant l'évaluation de la douleur) zéro" : le plus important est de réduire la douleur, car un score nul est quasiment impossible à obtenir.
Il est "indispensable" qu'"un travail d'application sur le terrain" soit effectué pour que les professionnels de santé apprennent à utiliser les
outils d'évaluation de la douleur, a également plaidé le Dr François Bourreau de l'hôpital St-Antoine (AP-HP, Paris, XIIème arrondissement).
Parmi les problèmes qui "restent à régler à l'hôpital", il a pointé notamment les manques dans le report systématique des mesures de la douleur
dans le dossier médical, la transmission des informations entre les différents membres de l'équipe soignante.
Des progrès doivent également encore être réalisés dans l'élaboration de protocoles de prise en charge en amont et dans leur diffusion.
A cette liste d'objectifs à atteindre a été ajoutée une révision de la classification commune des actes médicaux (CCAM). "Certains gestes ont été oubliés, notamment l'analgésie post-opératoire. Il est nécessaire que ce soit corrigé dans les mois à venir car sans moyens économiques, il n'est pas possible de continuer", a souligné le Pr Bonnet."Les tutelles doivent nous donner un signal fort, les moyens de
fonctionner", a ajouté le Dr Estebe, réclamant également la création de postes d'infirmières spécialisées dans la douleur et un meilleur financement de la recherche et de l'enseignement.
La douleur est le premier motif de consultation, a rappelé le Dr Estebe./ld/mr
INFOS ET ACTUALITES
La prise en charge de la douleur
Publié le 13/10/2004
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Source : infirmiers.com
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