Alors que les professionnels de santé ne cessent d’alerter sur l’état du système de santé, à bout de souffle, le Collège de la Haute Autorité de Santé a diffusé une lettre ouverte dans laquelle il fait part de ses inquiétudes. Mais propose aussi des solutions pour tenter d’améliorer la situation.
C’est une démarche suffisamment inhabituelle pour être pointée : la Haute Autorité de Santé (HAS), plutôt habituée aux recommandations de bonnes pratiques à destination des professionnels de santé, a publié une lettre ouverte à tous ceux qui ont à cœur de se mobiliser pour une meilleure qualité des soins et des accompagnements
. Elle y pointe les difficultés que rencontre le système de santé et formule un certain nombre de propositions pour y remédier.
Une crise multifactorielle
Fuite des soignants, manque de temps à consacrer aux patients, financements inadaptés... la litanie des maux qui frappent les secteurs sanitaire, social et médico-social est bien connue, et la crise s’avère multifactorielle. La HAS dénonce ainsi des pénuries de personnels qui s’accentuent
- 5 à 10% des postes d’infirmiers en établissement de santé seraient aujourd’hui vacants – et qui compromettent inévitablement la qualité des soins et des accompagnements
. Une hémorragie qui entraîne par ailleurs une dégradation des conditions de travail, avec également des fermetures de lits ou de services, ou encore des suspensions de certaines activités. Et la situation en ville n’est pas meilleure, loin de là, juge-t-elle. En ville, la répartition inégale des professionnels de santé sur le territoire compromet l’accès aux soins.
Un cinquième de la population vivrait ainsi dans des territoires sous-dotés en personnels soignants. Quant aux délais d’attente aux soins, souvent urgents, ils demeurent élevés. En résulte une perte de chance pour les patients, qui peut s’avérer dramatique
.
À cela viennent s’ajouter des modes d’organisation et de financement qui ne garantissent pas la pertinence des soins
. Les recommandations dans la prise en charge des patients atteints de certaines pathologies se heurtent encore trop souvent à des problèmes d’applicabilité ou ne sont pas suffisamment prises en compte. Les traitements non-pertinents, observe-t-elle parallèlement, ne sont, quant à eux, pas rares
. Et de donner en exemple la consommation d’antidépresseurs chez les résidents en EHPAD, alors même qu’elle est à éviter chez les personnes âgées. Tous ces dysfonctionnements ont de multiples causes, notamment le manque de coopération et de coordination entre secteurs ambulatoire et hospitalier, et entre secteurs sanitaire et médico-social ; mais aussi les modes de financement qui rémunèrent l’activité plutôt que la qualité ou la pertinence des soins
, dénonce-t-elle.
Agir pour les professionnels
Ces difficultés appellent des réponses urgentes, d’autant plus que la tendance démographique – le vieillissement de la population et son cortège de pathologies chroniques, notamment – menace de faire peser une pression croissante sur le système et les professionnels de santé. D’un point de vue ressources humaines et pour favoriser l’attractivité des métiers, la HAS propose ainsi de :
• rendre attractifs les métiers du social et du médico-social par une revalorisation des métiers et des carrières, de poursuivre les efforts engagés lors du Ségur, notamment auprès des infirmiers et des aides-soignants.
• assurer une bonne utilisation des ressources humaines, qui suppose un élargissement des compétences des paramédicaux. À cet égard, la HAS préconise d’étendre les champs d’action des infirmiers de pratique avancée (IPA) pour intégrer, en plus de la nouvelle mention « Urgences »
, celui de la gériatrie. Elle se dit également favorable au déploiement des assistants médicaux, mis en place par le gouvernement d’Emmanuel Macron et qu’il entend poursuivre.
• donner aux professionnels les moyens de dispenser des soins de qualité, en renforçant notamment les formations initiales et continues et en évaluant les pratiques grâce à la mise en place d’indicateurs simples et efficaces sur la pertinence et la qualité des soins.
Et revoir l’organisation en profondeur
S’ajoute un volet organisationnel et financier pour améliorer l’accès aux soins. Elle recommande de :
• confier plus de moyens financiers et de leviers opérationnels aux Agences régionales de santé (ARS) afin qu’elles répondent mieux aux spécificités de leur territoire. Il s’agirait aussi de leur permettre de s’appuyer plus fortement sur leurs délégations départementales, pour être au plus près des acteurs sur le terrain.
• développer les téléconsultations, d’augmenter le nombre de structures mobiles d'urgence et de réanimation (SMUR), à intégrer dans les équipes hospitalières, et de restructurer les urgences en instaurant des consultations de médecine générale, qui prendraient en charge 10 à 20% des personnes n’ayant pas besoin d’examen et libèreraient ainsi du temps pour les médecins urgentistes.
• repenser l’organisation globale au sein des établissements, en faisant en sorte que les médecins chefs de service s’impliquent plus amplement dans l’organisation et la gestion des ressources humaines de leurs unités.
• reposer la question des normes d’encadrement pour assurer un niveau de qualité et de sécurité des soins le plus élevé possible. Actuellement, à l’exception de quelques champs d’activité spécifiques (obstétrique, réanimation, hémodyalise…), il n’existe pas de textes réglementaires fixant un nombre obligatoire d’infirmiers dans les services.
• ajuster les modes de financement des établissements et des professionnels, avec la possibilité de généraliser ceux qui, en expérimentation, paraissent prometteurs.
Enfin, elle rappelle l’importance de porter une attention accrue à la prévention et à la santé publique. Une démarche qui reposerait sur la définition de plans pluriannuels, assortis d’un suivi régulier et de la mesure des impacts visibles pour le grand public. Il est également primordial d’aider les professionnels de santé à intégrer les mesures de prévention dans leur exercice quotidien
, ajoute-t-elle. Et de conclure en insistant sur l’importance de prendre en compte les préférences des patients, des personnes accompagnées et des usagers, et de profiter de leur expérience
, meilleur moyen pour construire une démocratie en santé qui soit accessible à tous.
Audrey ParvaisJournaliste audrey.parvais@gpsante.fr
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