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La gériatrie, glamour or not glamour ? Révélations de la crise sanitaire

Publié le 02/11/2020
ehpad, personne âgée

ehpad, personne âgée

L'attractivité du secteur pourrait a priori laisser perplexe : prendre soin de nos aînés, de plus en plus nombreux dans les pays occidentaux, c'est se heurter à nos représentations collectives du grand âge. Des représentations souvent négativement connotées par la dépendance, le déclin cognitif, la solitude, le manque d'interactions, la fin de vie parfois... Même si c'est oublier un peu vite l'expertise infirmière - en particulier en pratique avancée - et le flot de décès en excès charrié par la crise sanitaire du Covid-19 n'aidant pas à réhabiliter l'image de la discipline, certains s'interrogent. C'est le cas du Secrétariat international des infirmières et infirmiers de l’espace francophone (SIDIIEF), organisateur le 26 octobre dernier d'un débat d'experts de terrain. Objectif : réfléchir aux changements qui nécessitent d'être apportés à la pratique en gériatrie, a fortiori depuis l'intrusion du virus dans les établissements hébergeant des personnes âgées. Tour d'horizon des usages en France, au Canada, en Belgique et en Suisse.

Grand révélateur des enjeux qui n'avaient pas trouvé de réponse jusque-là, la crise sanitaire fait émerger les changements qui s'imposent en gériatrie

"Les problématiques spécifiques à la gériatrie, nous les connaissons bien ; la pandémie de Covid-19 n'a fait que les révéler au grand jour et les rendre plus pressantes", s'accordent à dire les intervenants connectés depuis les quatre coins du monde francophone. Globalement - hors Suisse, singulièrement épargnée au printemps dernier - la première vague de l'épidémie avait déjà durement touché les structures d'accueil des aînés et mis à mal l'endurance des soignants. Même si les causes de la surmortalité sont multiples (Covid-19, syndrome de glissement, mortalité naturelle attendue...) et que les chiffres qui s'y rapportent divisent encore les experts, l'insuffisance de formation spécifique, le manque de personnel, de matériel, la vétusté des locaux et les failles d'hébergement ont entamé la qualité des soins. Sous pression, il fallait faire la toilette d'une personne âgée dépendante en quinze minutes ; c'était humainement impossible, s'indigne Richard Renaudin, IDE au sein du pôle de gériatrie clinique du CHU de Nantes. En France on s'en rappelle, le gouvernement avait opté en première intention pour un confinement durci pour les plus de 65 ans, et pour un maintien en chambre pour les résidents en Ehpad. De fait, l'isolement et la perte de lien social les avaient touchés de plein fouet ; certains d'entre eux étaient entrés en dépression et avaient perdu le goût de vivre. Chez nos aînés, le confinement a été particulièrement difficile, se souvient l'infirmier, et les difficultés organisationnelles ont très vite émergé. Ont immédiatement suivi les questions éthiques, multiples : malgré les restrictions, comment préserver au mieux la liberté de mouvement à laquelle les patients ont droit et rompre la solitude dans laquelle ils ont été brutalement placés ? Comment continuer à apporter la proximité et le réconfort nécessaires, en gériatrie peut-être plus qu'ailleurs ?

Passer un temps fou au téléphone pour détecter des cas-contacts est une négation de l'expertise infirmière. Il faut absolument mettre à jour les niveaux de soins dans un pays où les résidents ont en moyenne 89 ans. Philippe Voyer (Canada)

Pratique avancée

Le secteur requiert une coordination pointue, insiste Gora Da Rocha, infirmière clinicienne spécialisée et déléguée de Palliative Genève. Dans ce dispositif, le rôle de l'infirmière est central ; particulièrement en Suisse, où 80 % des personnes âgées bénéficient de soins à domicile. Là-bas, les masters spécialisés se développent dans différents domaines du soin ; dans le canton de Lausanne, la pratique avancée en gériatrie a été récemment mise en place. Des évolutions qui témoignent de la prise de conscience de la nécessité d'assurer une prise en soins complexe en gérontologie ou en soins palliatifs par exemple. La France est certes en retard en matière de pratique avancée, regrette Richard Renaudin, qui se réjouit pourtant qu'un Master IPA en gériatrie soit mis en place depuis deux ans. En Ehpad, il est essentiel de resserrer les liens. Pour faire sourire les patients et remplacer les expressions habituelles que le masque leur cachait en pleine crise, il m'est arrivé d'entrer en chambre en dansant, s'amuse-t-il. Outre-Atlantique, le constat est le même : la profession déplore que ses activités de soins directs soient "diluées" et que le temps infirmier soit amputé au détriment du patient. Passer des dizaines d'appels téléphoniques pour détecter des cas-contacts est une négation de l'expertise infirmière ; il faut absolument mettre à jour les niveaux de soins dans un pays où les résidents ont en moyenne 89 ans, réclame Philippe Voyer, expert québecquois en soins infirmiers gériatriques.

L'attractivité de la gériatrie mérite d'être améliorée ; il y a encore du chemin à parcourir, mais on a gagné du respect ! Repenser la façon d'entrer en contact avec nos aînés est une nécessité. Il faut une équipe soudée et s'appuyer sur les aide-soignants, dont le rôle doit être valorisé. Richard Renaudin (France)

Culture des soins en gériatrie

Aux difficultés de terrain se sont ajoutées celles d'ordres institutionnel et politique. En Belgique par exemple, où l'épidémie a fait 10 000 morts (dont 60 % en maison de repos et de soins), le fonctionnement fédéral a rendu la prise en charge des patients encore plus complexe. Les problèmes de communication et de coordination ont fait que les soignants se tenaient - ou pas, en fonction des moyens cantonnaux - aux directives des autorités. Ici, nous avons 9 ministres de la santé pour 10 millions d'habitants, rappelle Olivier Gendebien, Président de l'Association Belge des Praticiens de l'Art Infirmier. La cartographie de l'épidémie a connu de fortes disparités, sans compter que nos normes d'encadrement n'ont pas été revues depuis des décennies, renchérit-il. L'homme est lucide mais convaincu : certes, l'attractivité de la gériatrie mérite d'être améliorée ; il y a encore du chemin à parcourir, mais on a gagné du respect !. Un sentiment que partage Richard Renaudin, pour qui repenser la façon d'entrer en contact avec nos aînés est une nécessité. Il faut une équipe soudée et s'appuyer sur les aide-soignants, dont le rôle doit être valorisé. Allons vers une véritable culture des soins en gériatrie qui part d'en bas. Une voix de terrain qui mérite d'être entendue.

Une initiative française pour reconnaître l'activité en Ehpad

La question de la reconnaissance des acteurs de santé en Ehpad n'est pas nouvelle - ni résolue. Chantal Mornet-Périer, sociologue, s'intéresse au secteur médico-social dans la promotion de la qualité de vie au travail (QVT) et de la prévention des risques psychosociaux. En Nouvelle-Aquitaine, elle a mis sur pied un dispositif expérimental de reconnaissance non-monétaire dans une douzaine d'établissements. Fondé sur des questionnaires d'évaluation, ce dispositif vise à détecter préventivement les difficultés rencontrées dans le cadre de son activité (manque de temps, de priorisation des urgences, de reconnaissance ; difficultés relationnelles, organisationnelles...). De quoi valoriser les métiers du secteur et espérer fidéliser celles et ceux qui le font vivre.

Anne Perette-FicajaDirectrice des rédactions paramédicalesanne.perette-ficaja@gpsante.fr @aperette


Source : infirmiers.com