De nos jours, la blouse des soignants porte des enjeux qui vont au-delà du simple rôle hygiénique, lui-même pouvant être questionné quelquefois. Elle est différente selon les services et les soignants et tient son origine du Moyen-Âge. Ses fonctions et ce qu’elle symbolise mettent en exergue une réelle ambivalence sur ce que la blouse représente pour les soignants et les patients et son intérêt dans la pratique quotidienne.
L’habit fait-il le moine ? Depuis son apparition, la blouse soignante est en lien avec des fonctions diverses et est chargée d’une symbolique à la fois pour les professionnels et pour les patients. D’aspect différent en fonction du professionnel qui la porte mais aussi d’autres facteurs, le sentiment qu’elle inspire – chez les soignants comme chez les patients - mérite d’être pris en compte pour en comprendre l’impact.
Origine de la blouse et de ses couleurs
La médecine naît avec l’Antiquité et dès le Moyen-Age ; les femmes, et notamment les nonnes, s'y illustrent particulièrement. Dès lors, celles-ci se drapent dans de larges blouses blanches portées par-dessus leurs vêtements, afin d’éviter les projections de sang et d’autres fluides corporels. Son coloris évoque la pureté mais permettait également un nettoyage plus facile des blouses sans qu’elles soient abîmées par les désinfectants. Cette couleur est de nos jours synonyme d’hygiène et est la plus répandue dans les établissements de soin, bien que d’autres couleurs de blouse aient complété le blanc au fil des années. Le vert, par exemple, a été créé durant la Première Guerre Mondiale pour atténuer l’impact visuel des tâches de sang. Les blouses bleues sont nées grâce aux films mettant en scène des soignants dans les années 60, le blanc étant trop éblouissant sur les écrans de cinéma.
Les couleurs et les formes des blouses ont servi à distinguer les fonctions de chaque membre du corps médical
Symboles et fonctions
Cette blouse a pour but premier de différencier le personnel soignant des patients. Elle est un outil identitaire des soignants et son port est plus demandé par les pairs que par les patients. De plus, d’après l’expérience du psychologue social américain Adam Galinski, le port de la blouse influencerait les processus psychologiques et les comportements des soignants. Elle permettrait de mettre distance professionnelle entre patients et soignants, ou encore d’augmenter l’attention de celui qui la porte. Au fil du temps, les couleurs et les formes des blouses ont servi à distinguer les fonctions de chaque membre du corps médical. La blouse blanche était réservée aux médecins. L’ensemble tunique/pantalon bleu ou vert était privilégié par les équipes intervenant au bloc opératoire, le rose s’adressait aux sages-femmes et infirmières. La blouse blanche symbolise la propreté et a pour fonction de promouvoir l’hygiène. Le but est de remplacer la tenue civile afin de limiter les risques infectieux liés à la transmission des micro-organismes, omniprésents dans l’environnement, et de protéger ainsi le patient et les professionnels de santé. Néanmoins, une étude datant de 2011 a analysé la propreté des blouses : il en ressort que 40 % des soignants ne changent pas de blouses quotidiennement et qu’1/3 des personnes changeant de blouse tous les deux jours, ont une blouse porteuse de germes. Les soignants sans blouse, qui travaillent "en tenue civile" et changent normalement de vêtements quotidiennement, pourraient-ils être "moins contaminants" ?
Effets sur les patients
Bien que la blouse ait des fonctions d’hygiène et de représentativité, le port de celle-ci n’est pas anodin. En effet, une étude a montré que le port d’une blouse blanche par un médecin influence favorablement la confiance du patient en celui-ci. A contrario, une autre étude a montré que la satisfaction des patients à l'égard des soins ou de sa relation avec le médecin ne semble pas liée au port d'une blouse blanche et que le lien entre port de blouse blanche et professionnalisme reste à déterminer. Par exemple, le port de la blouse blanche ne semble pas impératif dans un contexte médical où les patients sont suivis régulièrement par le même médecin. Un autre effet très répandu est le "syndrome de la blouse blanche". Il se traduit par une hypertension artérielle chez un patient lorsqu’il se trouve en présence d’un soignant, notamment d’un médecin, alors qu’il a une tension artérielle normale en dehors d’un contexte de soin. Ce syndrome peut être expliqué par une réaction au stress ou à un réflexe conditionné par une expérience négative antérieure du milieu médical.
Quelle blouse pour quel infirmier ?
La blouse est donc un outil représentatif important dans les services hospitaliers mais n’est portée que rarement par les professionnels de santé de ville. De plus, la blouse n’est pas mise systématiquement dans tous les services, notamment en psychiatrie où le fait de ne pas porter la blouse peut être signifiée dans le contrat de travail afin d’améliorer la relation de confiance
entre patients et soignants. De même, bien que les recommandations du CCLIN soient le port d’une tunique et d’un pantalon au sein des EHPAD, de nombreux établissements engagent une réflexion quant à l’intérêt de porter un uniforme, afin que les résidents de ces établissements "ne se sentent pas malades".
La blouse permet d’identifier le soignant qui la porte mais aussi le service dans lequel il travaille. C’est un code vestimentaire qui varie selon des codes sociaux entre soignants en fonction du type de patientèle, du lieu d’exercice et du type de spécialisation. Par exemple, les puéricultrices portent une tenue composée d’une tunique et d’un pantalon de couleur rose, les infirmiers en soins généraux portent une tunique et un pantalon blanc alors que les IPA, les cadres de santé et les infirmiers de consultations portent plutôt une blouse blanche.
La blouse ne fait pas la professionnelle que je suis
Pour les infirmiers qui se spécialisent dans le métier de cadre de santé ou d’IPA, le changement de type de blouse a-t-il un impact, positif ou négatif ? Infirmière en soins généraux, puis infirmière coordinatrice et aujourd’hui infirmière étudiante en pratique avancée, j’ai dû changer ma tenue vestimentaire au gré des fonctions et lieux d’exercice successifs. Néanmoins, il me semble que la blouse n’influence aucunement mes compétences et la professionnelle que je suis, quel que soit le lieu où je travaille. Bien qu’il paraisse probable que la blouse ait un impact sur les relations interpersonnelles, ma relation avec mes pairs et les patients semble rester la même. De plus, j’enlève volontiers ma blouse quand la situation de soin ne s’y prête pas, par exemple lors d’une consultation avec un patient pouvant être anxieux à la vision d’une blouse blanche. La blouse ne fait pas la professionnelle que je suis et il faut, à mon sens, être attentif à ne pas être "sous l’emprise" de la blouse que l’on porte. Bien que le rôle hygiénique soit au premier plan, il apparait que le rôle de la blouse est beaucoup plus complexe et ne peut être réduite qu’à sa fonction d’hygiène. Quelle que soit la tenue professionnelle portée, elle ne semble pas avoir d’influence sur les compétences du soignant qui la porte. Il serait intéressant néanmoins de faire des études plus approfondies sur les processus psychologiques et comportementaux en jeu chez les patients et soignants quant au port de la blouse.
Marine Bourgninaud
M. Sc
Infirmière étudiante en pratique avancée
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