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GRANDS DOSSIERS

Journée mondiale de lutte contre le VIH : vigilance et combat restent de mise

Publié le 01/12/2020
120 battements minute film

120 battements minute film

Près de quarante ans après sa découverte par des chercheurs de l'Institut Pasteur en 1983 - qui valut à Françoise Barré-Sinoussi et Luc Montagnier d'obtenir le Nobel de médecine en 2008 - le virus de l'immunodéficience humaine (VIH) touche environ 38 millions de personnes dans le monde selon les derniers chiffres de l'Organisation Mondiale de la Santé et était encore responsable de 6 200 nouvelles contaminations en 2018 en France. Bilan sur les données épidémiques et sur les évolutions sociétales à l'occasion de la  journée mondiale 2020 de lutte contre le VIH.

La crise sanitaire du Covid-19 confirme que les épidémies se nourrissent de la précarité, de la fragilité et des discriminations, autant qu’ils contribuent à les renforcer. AIDES

En trois décennies de lutte contre le virus, les progrès de la recherche médicale et de la prise en charge ont été considérables : développement de médicaments anti-rétroviraux, accès aux traitements, prophylaxie pré-exposition (PrEP), traitement post-exposition, voire même "guérison", titrait fièrement la presse généraliste encore récemment après la publication d'un article scientifique sur le patient de Londres dans la très prestigieuse revue The Lancet. Sur le plan humain comme sur celui de la lutte contre les dicriminations et de la sérophobie, les avancées sont-elles également au rendez-vous ? La journée mondiale 2020 de lutte contre le VIH est l'occasion de faire un état des lieux.

Le dépistage est un élément-clé qui permet aux personnes infectées d'accéder précocément aux traitements et de réduire les risque de transmission.

Pouls de l'épidémie en France

Alors qu'était diffusé hier soir le film 120 battements par minute réalisé par Robin Campillo sur les débuts de l'épidémie en France et la lutte choc d'Act Up-Paris, prendre le pouls de la situation en France s'avère nécessaire et montre que l'épidémie se développe différemment depuis quelques années. Pour des raisons d’accès à des données fiables dont la remontée a été perturbée par la crise du coronavirus, Santé publique France n’a pas pu communiquer le nombre global de découvertes de séropositivités pour 2019 mais propose une description des personnes ayant découvert leur séropositivité entre le 1er janvier 2019 et le 30 septembre 2020. Elle révèle que, pour les personnes nées en France, plus de la moitié des découvertes de séropositivité concernent des personnes hétérosexuelles (51 %), loin devant celles relevées chez les hommes ayant des relations sexuelles avec les hommes, ou HSH (43 %), tandis que les personnes transgenre et les usagers de drogues injectables passent aujourd'hui presque sous les radards du système de surveillance (2 % par an pour chaque catégorie). Cela étant, le dépistage est un élément-clé qui permet aux personnes infectées d'accéder précocement aux traitements et de réduire les risques de transmission. Là aussi, la pandémie de Covid-19 a mis à mal cette course contre la montre (26 % des diagnostics en France sont posés à un stade avancé de la maladie). Si l’activité de dépistage a progressé de 10 % entre 2014 et 2018 puis de 6% entre 2018 et 2019, la crise sanitaire a entraîné une forte diminution du dépistage et du nombre de sérologies entre février et avril 2020 lors du premier confinement (-56 %) sans que les niveaux observés en début d'année ne soient atteints à nouveau depuis.
Pour les migrants aussi, il faut mettre en place un dépistage précoce et permettre l’accès aux traitements le plus rapidement possible. Il en va du bénéfice individuel et collectif. Nathalie Lydié (Santé publique France)

Découverte de séropositivité et grande précarité

De même que pour l’épidémie de Covid-19, le fait d’avoir un emploi ou encore d’avoir un logement décent pèse sur le risque de contracter le virus. Les conditions de vie ont en effet un poids très fort dans la dynamique de l’épidémie au sein des populations de migrants, souligne Nathalie Lydié, Responsable du pôle santé sexuelle de Santé publique France. Même si l’exposition peut être antérieure à l’arrivée en France et avoir eu lieu dans les pays d’origine – où la tolérance à la différence et à la maladie est parfois nulle –  les conditions d’exil sont parfois très compliquées et peuvent être marquées, entre autres, par des violences sexuelles qui favorisent la transmission du VIH, constate-t-elle. Voilà pourquoi en 2019-2020, 73 % des découvertes de séropositivité chez les personnes hétérosexuelles ont concerné des personnes nées à l’étranger - des femmes en écrasante majorité. Alors que les découvertes chez les HSH en provenance de l’étranger s’élèvent à 32 %, elle caracole à 69 % chez les usagers de drogues injectables et 83 % des transgenres. L’enjeu, rappelle Nathalie Lydié, c’est d’améliorer les conditions de vie de ces populations. Pour les migrants aussi, il faut mettre en place un dépistage précoce et permettre l’accès aux traitements le plus rapidement possible. Il en va du bénéfice individuel et collectif.

A l'international, de "90-90-90" à "95-95-95"  

Dans un rapport publié le 26 novembre et alors que la pandémie de Covid-19 aggrave le retard pris dans la riposte face au VIH, l'Onusida appelle les pays à intensifier leur action mondiale de lutte, avec de nouveaux objectifs ambitieux mais réalisables pour 2025. Les objectifs de 2020 ne seront pas atteints, concède l'Organisation. Des objectifs qui se résument par la formule 90-90-90 : que 90 % des personnes vivant avec le VIH connaissent leur statut, que 90 % de ces dernières soient sous traitement, et que parmi elles, 90 % aient une charge virale indétectable. Aujourd’hui, parmi les 38 millions de personnes qui vivent avec le VIH dans le monde, 26 millions de personnes sont sous traitement contre le VIH (+ 2,4 % par rapport à fin 2019), et plus de 12 millions attendent un traitement. Pour remettre la riposte mondiale sur les rails, il faudra donner la priorité aux personnes et lutter contre les inégalités sur lesquelles les épidémies se développent, affirme Winnie Byanyima, Directrice exécutive de l'Onusida. Toujours selon l'Onusida, il pourrait y avoir de 123 000 à 293 000 nouvelles infections à VIH supplémentaires et de 69 000 à 148 000 décès supplémentaires liés au sida entre 2020 et 2022.
 
Les objectifs proposés pour 2025 visent en particulier les personnes les plus à risque et les plus marginalisées - les jeunes femmes et filles, les adolescents, les professionnel(le)s du sexe, les transgenres, les consommateurs de drogues injectables et les homosexuels, explique l'Agence de l’ONU. Les objectifs sont encore plus ambitieux : cette fois, "95-95-95" doivent être atteints dans les sous-populations et tous les groupes d'âge. 95% des personnes à risque (au moins) devront avoir accès à des options de prévention appropriées (préservatifs, médicaments...), 95% des femmes séropositives enceintes ou allaitantes devront avoir une charge virale sanguine indétectable grâce au traitement et 95 % des enfants exposés au VIH devront être testés d'ici 2025. Sur le plan social, ce programme implique des objectifs anti-discrimination afin que moins de 10 % des pays aient des lois et des politiques punitives, moins de 10 % des personnes vivant avec et affectées par le VIH subissent stigmatisation et discrimination et moins de 10 % soient victimes d'inégalités entre les sexes et de violences. Enfin, l'accès d'au moins 90 % des séropositifs et des personnes à risque accru d'infection VIH à des services de prise en charge d'autres maladies transmissibles (par exemple la tuberculose) ou non (diabète, cardiovasculaires…), ainsi qu'à la prise en charge des troubles mentaux et des violences sexuelles fait partie des objectifs principaux.

Où en est-on d'un potentiel vaccin ?

Depuis la découverte du virus dans les années 1980, de nombreux candidats-vaccins ont été testés à des stades précoces de développement, mais aucun n'a révélé d'efficacité suffisante à long terme contre l'infection. Nous sommes contraints de travailler sur l'enveloppe du virus car il mute beaucoup, ce qui rend la recherche d'un vaccin plus difficile, précise Elisabeth Menu (CEA - Institut Pasteur), viro-immunologiste spécialiste des infections sexuellement transmissibles. Depuis l'arrêt en février dernier de l'essai Uhambo, débuté en 2016 sur la base d'un essai américain dont les premiers résultats en 2009 avaient pourtant montré 31 % d'efficacité, les perspectives ne sont hélas pas légion. Parmi les plus abouties, l'essai Imbokodo, piloté depuis 2017 par les Etats-Unis en Afrique sub-saharienne et en Afrique du Sud, mise sur un vaccin préventif et livrera ses premiers résultats courant 2021. Plus récent et sous leadership américain lui aussi, l'essai Mosaico a débuté en 2019 au sein des communautés transgenre et gay. Complémentaire d'Imbokodo, il porte sur plusieurs sites du continent américain et d'Europe. Malgré une reprise active des travaux de recherche ces dernières années, humilité et clairvoyance restent de mise. Restons lucides : personne ne sait à quelle échéance un vaccin sera disponible ; et il ne faudrait pas oublier qu'à l'heure actuelle, on ne guérit pas du SIDA, rappelle Elisabeth Menu.

Les inégalités et discriminations, déjà inacceptables en soi car elles brisent des vies, nourrissent l'épidémie de VIH. AIDES

#PourtantJeMappelle

On ne guérit toujours pas du SIDA. Ni des coups psychologiques portés par les inégalités et la discrimination à tous âges de la vie, y compris dans le cadre d'une prise en soins . Face à cette réalité, l'association Aides diffuse sa nouvelle campagne sous le hashtag #PourtantJeMappelle. On m'appelle la folle ; parfois la pédale. Pourtant, je m'appelle Eric. Une campagne qui affiche clairement son parti pris : mettre un visage sur les violences vécues par les minorités, déjà marginalisées, que sont les LGBTQI+, les migrants-es, les travailleuses-eurs du sexe, les usagers-ères de drogue et les personnes séropositifs-ves grâce aux témoignages d'Eric, Fatou, Karine, Jonathan et Erwan. Cela permet de rappeler en quoi ces inégalités et discriminations, déjà inacceptables en soi car elles brisent des vies, nourrissent l'épidémie de VIH. Signe, donc, que l'ostracisation perdure, la plupart du temps par méconnaissance, voire par ignorance. Le combat continue.

Anne Perette-FicajaDirectrice des rédactions paramédicalesanne.perette-ficaja@gpsante.fr @aperette

Susie BOURQUINJournaliste susie.bourquin@infirmiers.com @SusieBourquin


Source : infirmiers.com