«La perception et la représentation du travail de nuit impactent significativement le niveau de qualité de vie au travail», résume Fabienne Marcellin, l'une des deux ingénieures de recherche en santé publique impliquées dans le projet. Une enquête qui a été menée entre juin et septembre 2020, soit en pleine crise du Covid-19.
«Changer cette image du travail de nuit qui prend presque la forme d'une discrimination»
Une perception négative
Interrogés sur les interventions qui pourraient améliorer leur qualité de vie au travail, les soignants citent justement l'amélioration de l'image du travail de nuit, qui apparaît comme une attente prégnante. «C'est la priorité absolue : changer cette image du travail de nuit qui prend presque la forme d'une discrimination», indique Lorraine Cousin-Cabrolier, co-auteure de l'étude. Ainsi, rappellent les chercheuses, prétendre «qu'on ne fait pas grand-chose la nuit», c'est méconnaître le fait que «la nuit, on travaille différemment» et de fait dévaloriser cet exercice. «Aujourd'hui le travail de nuit en 12 heures crée une rupture dans la continuité de l'information, les travailleurs de nuit ont un sentiment d'isolement», poursuit Lorraine Cousin-Cabrolier. Pire encore : ils ont eux-mêmes une image dégradée de leur activité.
Prétendre «qu'on ne fait pas grand-chose la nuit», c'est méconnaître le fait que «la nuit, on travaille différemment» et de fait dévaloriser cet exercice.
Une auto-stigmatisation
L'enquête pointe ainsi un phénomène «d'auto-stigmatisation». La stigmatisation — par «la famille, les collègues, parfois même les patients» — amène en effet les soignants à intérioriser la dévalorisation de leur travail. Près d'un quart des répondants (23,5%) indique que leur mission est «moins importante» ou que la charge de travail est «moindre». «Au-delà des attentes en termes de revalorisation salariale, il faut donc aussi prendre en compte les attentes fortes des soignants en termes de reconnaissance, de valorisation, y compris auprès des collègues qui exercent de jour», considère Fabienne Marcellin. De quoi donner de nouvelles perspectives d'évolution à l'étude Aladdin (cf encadré ci-dessous). «Nous aimerions travailler sur la manière dont cette perception négative peut être renversée», conclut Lorraine Cousin-Cabrolier.
Le point sur l'étude Aladdin
L'étude Aladdin a ciblé entre le 15 juin et le 15 septembre 2020 tous les soignants de nuit, soit 12 000 personnes potentielles. Les médecins n'ont pas été inclus dans ce travail. Réalisée entre les deux premières vagues de l'épidémie, l'étude a impliqué la mise en place d'un questionnaire en ligne auquel 1 585 soignants se sont connectés. Il s'agit majoritairement d'infirmiers (53,5%), d'aides-soignants (37%), puis de sages-femmes (4,3%), et moins de 1% de cadres. Une large majorité effectuait un travail en 10 heures (63%) et un tiers en 12 heures.
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