« Le passage en phase épidémique pour la dengue » a été acté mi-novembre par communiqué commun de la préfecture, de l'association des maires de Guadeloupe et de l’Agence Régionale de Santé (ARS) de Guadeloupe et des îles du Nord. Les autorités ont lancé «un appel à la mobilisation (...) pour tenter de minimiser l'impact de cette maladie» dans ce territoire d'environ 380 000 habitants.
Cette année, «un sérotype du virus de la dengue qui a peu circulé ces vingt dernières années», le DENV3, fait redouter des «risques de forme grave» et «un nombre élevé de cas» si des «actions résolues de lutte ou de prévention ne sont pas mises en œuvre», selon le communiqué. Parmi 62 échantillons analysés entre fin septembre et mi-octobre, «97% sont DENV3», selon le dernier bulletin de Santé Publique France et le seuil saisonnier des cas cliniques (80 cas hebdomadaires) est très largement dépassé. Fin octobre, il était estimé à 540 en médecine de ville, soit plus du double qu’en septembre.
Les autorités de Guadeloupe ont rappelé qu'il était «primordial» de lutter contre les eaux stagnantes qui permettent aux larves de moustique de se développer. Ces eaux stagnantes sont souvent «situées autour ou dans les habitations» et peuvent avoir été «alimentées par les fortes pluies récentes». Les autorités préconisent par ailleurs «le port de vêtements couvrants et amples», l’utilisation d'«un produit répulsif homologué» et le recours à des moustiquaires pré-imprégnées. Le territoire fait en outre face à l'émergence d'un nouveau type de moustique «hautement compétent pour transmettre toutes les arboviroses (dengue, chikungunya, Zika)», selon un communiqué de la Collectivité et l'Agence de Santé.
Des bactéries à la rescousse
L'une des approches prometteuses pour combattre la dengue consiste à introduire dans la nature des moustiques infectés par une bactérie bloquant la capacité de l'insecte à transmettre le virus. Des moustiques infectés par la bactérie Wolbachia ont ainsi été introduits il y a cinq ans dans la majeure partie de la ville brésilienne de Niteroi, rapporte une autre étude présentée à la réunion annuelle, non évaluée par des pairs.
En 2024, alors que le Brésil affrontait sa plus grande épidémie de dengue, cette ville proche de Rio de Janeiro n'a connu qu'une légère augmentation des cas, dont le nombre est cependant resté inférieur de 90% à ce qu'il était avant cette expérimentation et sans commune mesure avec le reste du pays.
Preuve que la bactérie «Wolbachia peut fournir une protection durable contre les poussées de plus en plus fréquentes de dengue à l'échelle mondiale», selon Katie Anders, l'une des responsables du Programme mondial contre les moustiques, citée dans un communiqué. D'ores et déjà, le programme «s'est associé au gouvernement brésilien pour construire un site de production de moustiques Wolbachia, qui permettra un déploiement simultané dans plusieurs villes pour protéger plusieurs millions de personnes», a indiqué le chef de projet brésilien Luciano Moreira.
Transmise par les piqûres de moustiques tigres infectés, cette maladie virale, qui peut provoquer une forte fièvre et des courbatures, est généralement bénigne mais parfois grave, voire mortelle. La dengue est déjà endémique dans plus de 130 pays et avec la hausse des températures, les moustiques vecteurs se propagent au-delà des zones tropicales et subtropicales où ils étaient généralement cantonnés.
Un cinquième des cas de dengue imputables au changement climatique
Pour mesurer combien le dérèglement climatique affecte la santé, «la dengue est une très bonne maladie à étudier car elle est très sensible au climat». Cette réflexion d'Erin Mordecai, écologiste spécialiste des maladies infectieuses à l'université de Stanford fait écho à une nouvelle étude, présentée à la réunion annuelle de la Société américaine de médecine tropicale et d'hygiène (même si celle-ci n'a pas encore été évaluée par des pairs). Une équipe de chercheurs s'est penchée sur l'incidence de la dengue et les variations climatiques dans 21 pays d'Asie et des Amériques. Ils ont estimé qu'environ 19% des cas actuels de dengue en moyenne dans le monde «sont attribuables au réchauffement climatique», a résumé Erin Mordecai, auteure principale de l'étude dévoilée alors que se déroule, en Azerbaïdjan, la 29e conférence sur le climat de l'ONU. Les températures entre 20 et 29 degrés Celsius sont les plus propices à la propagation de la maladie et des zones endémiques dans cette configuration - certaines parties du Pérou, du Mexique, de la Bolivie et du Brésil - pourraient subir une hausse de 150 à 200% des infections dans les prochaines décennies.
Globalement, au moins 257 millions de personnes vivent actuellement dans des zones où le réchauffement climatique pourrait faire doubler l'incidence de la dengue les 25 prochaines années. Sur les 8 premiers mois de 2024, il y a eu près de 13 millions de cas de dengue, selon l'Organisation mondiale de la santé, presque le double du record enregistré sur tout 2023, un chiffre néanmoins sans doute très sous-estimé selon les chercheurs. Outre le changement climatique, la mondialisation des échanges commerciaux et des voyages ainsi que l'avancée de l'urbanisation favorisent la propagation des moustiques tigres.
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