Pour les pays moins développés, c’est la double peine : frappés d’une pénurie mondiale d’infirmiers, ils voient également leurs professionnels de santé émigrer vers les pays plus riches (dont le Royaume-Uni, les États-Unis, le Canada, l'Australie et certains États du Golfe), eux aussi en recherche de personnels. Un phénomène qui inquiète le Conseil international des infirmières, qui alerte depuis régulièrement depuis plusieurs mois sur ce qu’il associe à une nouvelle forme de colonialisme.
Un infirmier africain sur 10 travaille en dehors du continent, et les îles Fidji et les îles Tonga perdent chaque année 10 à 20% de leurs infirmiers
Un infirmier africain sur 10 travaillerait ainsi en dehors du continent, et les îles Fidji et les îles Tonga perdraient chaque année 10 à 20% de leurs infirmiers, selon les données sur la mobilité infirmière avancée par le CII. « La crise mondiale de la migration des infirmières s'intensifie rapidement et prive les systèmes de santé les plus fragiles du monde d'une expertise et d'une couverture infirmières vitales », a-t-il rappelé, dans le sillage de l’Assemblée mondiale, qui s’est tenue fin mai à Genève. Pour endiguer cette migration qui creuse les inégalités d’accès aux soins, le CII appelle avec insistance à une « action rapide et résolue » à l’échelle mondiale.
Il entend également profiter du futur G20, qui se tiendra en novembre 2024 au Brésil, pour demander aux dirigeants des pays membres de faire de ce sujet un point prioritaire du sommet. « Sans résolutions audacieuses et concertées pour freiner l'épuisement des effectifs infirmiers dans les pays vulnérables, les écarts d'accès aux soins de santé dans le monde continueront de se creuser, sapant les engagements déclarés du G20 en faveur de l'amélioration de l'équité en matière de santé », prévient Pamela Cipriano, la présidente du CII dans une lettre ouverte. Le schéma actuel de la migration infirmière compromet en effet les luttes contre les pandémies – alors que les pays membres de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) ont repris les négociations pour parvenir à un accord mondial sur la prévention, la préparation et la riposte aux pandémies – la sauvegarde des personnels de santé ou encore les déterminants sociaux qui ont un impact sur l’accès à la santé et aux soins. Le CII pointe notamment le sous-investissement « systémique » dans la formation ou encore le chômage des infirmières dans certains pays, qui contribuent à leur fuite.
Le besoin d'une gestion "éthique" des recrutements
Elle plaide notamment pour « un gel temporaire du recrutement d'infirmières en provenance des pays figurant sur la liste » de l’OMS qui recense les nations souffrant d’une grave pénurie de personnels et « d’infrastructures sanitaires vulnérables ». Elle réclame également « un renforcement considérable du code de pratique mondial de l’OMS », dont l’objectif est d’instaurer une gestion éthique du recrutement des personnels au niveau international. Celui-ci supposerait notamment des mesures de responsabilisation plus contraignantes, des systèmes de contrôles mondiaux plus efficaces et des « compensations significatives pour les pays qui perdent des infirmières au profit de pays plus riches. » « Le recrutement non éthique par les pays riches » des personnels de santé n’est pas une solution viable, martèle le CII. Elle ne fait que « détourner l'attention des causes profondes de la pénurie mondiale de personnel infirmier ».
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