La crise de la Covid-19 a permis l’essor en urgence de la télémédecine en France. Cette innovation dans la cybersanté et le métier émergent d’infirmier de pratique avancée (IPA) répondent aux nouveaux besoins en santé des individus. Ces deux nouvelles pratiques doivent se combiner afin de proposer une avancée incontournable dans le système de santé français.
Le système de santé français doit répondre à l’évolution des besoins de la population en matière de santé et à la manière d’y avoir accès aujourd’hui. L’une de ces évolutions est le métier d’infirmier de pratique avancée, encadré par la loi en France depuis 2018, qui participe à la performance en soins à l’instar de la cybersanté1. En effet, l’IPA accompagne un changement de paradigme dans l’offre de soins en France : il effectue le suivi clinique de patients avec maladies chroniques stabilisés, il coordonne leur parcours de soins et l’équipe multidisciplinaire en lien avec le patient et il offre une réponse à l’inégalité territoriale de l’accès aux soins2. Bien que la première téléconsultation ait eu lieu à la fin des années 1950 aux États-Unis, ce n’est qu’en janvier 2020 que l'Organisation Mondiale de la Santé a inclus les nouvelles technologies, et notamment la télémédecine, parmi les "13 défis sanitaires mondiaux de cette décennie"3.
Faciliter l’accès de la population à des soins de proximité, pallier le manque de personnel médical et renforcer les missions des établissements isolés tout en maîtrisant les dépenses de santé et en luttant contre les déserts médicaux
Une pratique encadrée boostée par la Covid-19
L’essor des maladies chroniques entraîne de plus en plus de besoin en santé chez les patients. Les consultations médicales sont surchargées. En France, les délais d’attente sont en moyenne de 60 jours pour un spécialiste libéral et d’une semaine pour un médecin généraliste4. De plus, d’après un rapport de la DREES en 2017, l’inégalité territoriale d’accès aux soins concerne 17,94% de la population française5. De même, 0,55 % des Français vivent dans un désert médical, c’est-à-dire un territoire où les patients doivent parcourir plusieurs kilomètres pour accéder à une pharmacie et à un service d’urgence et ont un délai d’attente supérieur à une semaine pour consulter un médecin généraliste6. Les soins de santé à distance constituent une partie importante de la réponse, accélérant la tendance à la télémédecine. En effet, celle-ci a pour but de faciliter l’accès de la population à des soins de proximité, pallier le manque de personnel médical et renforcer les missions des établissements isolés tout en maîtrisant les dépenses de santé et en luttant contre les déserts médicaux7. La crise de la Covid-19 a renforcé logiquement cette tendance : une personne présentant des symptômes possibles de ce virus peut consulter, de son domicile, un médecin en téléconsultation en évitant tout risque potentiel de contamination d’autres personnes8. En France, l’essor est spectaculaire : la CPAM a déclaré environ 40 000 téléconsultations en février 2020, contre 1 million en avril de la même année9. Néanmoins, bien que la cybersanté soit en plein essor actuellement, la télémédecine est règlementée en France depuis plus de 10 ans. En effet, la loi Hôpital, Patient, Santé, Territoire (HPST) de juillet 2009 définit pour la première fois la télémédecine en France par cinq actes médicaux: la téléconsultation, la télé-expertise, la télésurveillance médicale, la téléassistance et la régulation. La télémédecine doit respecter les règles déontologiques liées à l’exercice médical avec notamment le consentement libre et éclairé du patient et l’accès sécurisé au dossier médical. De plus, l’assurance maladie rembourse depuis 2018 les actes de télémédecine.
La télémédecine est utilisée notamment en dermatologie, en oncologie et en cardiologie
La télémédecine : domaines de prédilection
La télémédecine est utilisée notamment en dermatologie, en oncologie et en cardiologie depuis plusieurs années10. En cardiologie, elle permet par exemple la télésurveillance par une infirmière d’un patient atteint d’une insuffisance cardiaque. Le patient remplit quotidiennement, sur son application informatique, ses données de poids, de tension artérielle, etc. Les données sont envoyées virtuellement à une infirmière en Cardiologie. Si des données sont anormales, l’infirmière déclenche alors une demande de consultation avec un médecin généraliste11. De surcroît, les usagers sont plutôt favorables à l’utilisation de la télémédecine: 70 % des patients interrogés sont partisans de cette nouvelle pratique et 88 % des patients l’ayant expérimenté en sont satisfaits12. Néanmoins, bien que la cybersanté apparaisse très adaptée aux générations hyperconnectées, il faut continuer à offrir des consultations classiques pour les personnes ne pouvant pas participer à des téléconsultations, et pour les situations cliniques ne s’y prêtant pas. Il faut bien sûr continuer à se questionner sur le caractère éthique, confidentiel et social de ces nouvelles pratiques afin qu’elles n’aient pas un effet antagoniste à leur mission principale et ne nuisent pas aux individus.
L’IPA peut utiliser comme outils de travail la télésurveillance et la téléconsultation afin d’exercer leur pratique clinique mais aussi la télé-expertise
IPA et télémédecine: au cœur des nouvelles pratiques
En France, le métier d’IPA a émergé en janvier 2016 grâce à la Loi de Modernisation du Système de Santé pour répondre aux exigences et aux problématiques de santé actuelles. Les IPA ont, entre autres, une mission de prévention, de coordination, d’éducation et d’évaluation clinique13. Ces missions peuvent totalement se réaliser dans le cadre de la télémédecine, contrairement à d’autres professionnels de santé pour qui la télémédecine paraît moins adaptée à leur prise en charge comme par exemple les kinésithérapeutes, les orthoptistes ou les assistants dentaires. Concrètement, l’IPA peut utiliser comme outils de travail la télésurveillance et la téléconsultation afin d’exercer leur pratique clinique mais aussi la télé-expertise pour échanger avec un autre professionnel de santé, facilitant ainsi la collaboration interprofessionnelle. En effet, une étude canadienne, faite en 2018 à propos des IPA en Oncologie, a montré que la cybersanté permettait de renforcer l’éducation au patient, de faire gagner du temps et de l’énergie au patient et à l’infirmière et d’assurer l’accès rapide à des informations fiables14. Les IPA canadiennes ont expliqué également que dans leur pratique, la cybersanté était un complément essentiel au maintien des liens de collaboration et des occasions de perfectionnement professionnel14. En France, des infirmières spécialisées en cardiologie ou en diabétologie utilisent la télésurveillance dans leur pratique15. Il parait cohérent d’intégrer désormais l’ensemble des actes de télémédecine à la pratique des IPA.
Notes
- Définition de la Cybersanté par l’OMS: « utilisation sécurisée et économiquement avantageuse de technologies de l'information et de la communication en appui à la santé et aux domaines sanitaires »
- Ordre Infirmier, Infirmière de Pratique Avancée en France, 2017, https://www.ordre-infirmiers.fr/assets/files/000/publications/oni_pratique_avancee_2017d%C3%A9f.pdf
- OMS, 13 défis sanitaires, https://www.who.int/fr/news-room/photo-story/photo-story-detail/urgent-health-challenges-for-the-next-decade
- Enquête de l’Observatoire de l'accès aux soins réalisé par l'Ifop pour le cabinet Jalma, publiée dans Le Figaro, mars 2017
- DREES, Déserts médicaux : comment les définir ? Comment les mesurer ?, Mai 2017, https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/etudes-et-statistiques/publicat… (consulté le 16/01/2021)
- Le Guide Santé, Déserts médicaux : état des lieux et solution, Novembre 2020, https://www.le-guide-sante.org/actualite/633-deserts-medicaux-etat-des-lieux-et-solutions.html
- Direction de l’Information légale et Administrative, La Télémédecine : une pratique en voie de généralisation, 7 septembre 2020, https://www.vie-publique.fr/eclairage/18473-la-telemedecine-une-pratique-en-voie-de-generalisation
- Topol E., Telemedicine is essential amid the covid-19 crisis and after it, The Economist, 31 mars 2020, https://www.economist.com/open-future/2020/03/31/telemedicine-is-essential-amid-the-covid-19-crisis-and-after-it
- CNAM, Rapport au Ministère des Solidarités et de la Santé « Améliorer la qualité du système de santé et maîtriser les dépenses », Juillet 2020, https://assurance-maladie.ameli.fr/sites/default/files/2020-07_rapport-propositions-pour-2021_assurance-maladie.pdf
- Remillieux M., La télémédecine: une application de choix pour la dermatologie, Mars 2017, https://www.elsevier.com/fr-fr/connect/dermatologie/la-telemedecine-une-application-de-choix-pour-la-dermatologie
- Ministère des Solidarités et de la Santé, La télémédecine, Mars 2020, https://solidarites-sante.gouv.fr/soins-et-maladies/prises-en-charge-specialisees/telemedecine/article/la-telemedecine
- Odoxa, Sondage télémédecine, http://www.odoxa.fr/sondage/telemedecine-multipliee-3-1-an-francais-parmi-plus-enthousiastes-deurope-a/
- Hamric A et al, Advanced Practice Nursing : An Integrative Approach, Elsevier, 2013
- Lau, G. J., & Loiselle, C. G. (2018). Les outils de cybersanté et les soins infirmiers en oncologie : perceptions infirmières et contributions aux soins des patients et à la pratique avancée. Canadian oncology nursing journal, 28(2), 125–131. https://doi.org/10.5737/23688076282125131
- Manager Santé, Comment devenir IPA en télémédecine ?, Mars 2018, https://managersante.com/2018/03/19/en-attendant-le-decret-comment-deve…
Marine Bourgninaud
Infirmière M. Sc.
Coordinatrice de parcours de santé
Etudiante en pratique avancée
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