Vision de la profession, rapport au cadre légal d'exercice, opinions sur les défis et opportunités soulevés par les évolutions technologiques, impact de la crise sanitaire… La 9e édition de l'Observatoire CMV Médiforce des professions libérales de santé prend une nouvelle fois le pouls des libéraux de santé. Chiffres clés et décryptage de l'enquête dans sa globalité, et focus sur les infirmiers libéraux en regard de cette année 2020 si singulière.
Crise sanitaire oblige, l'édition 2020 de l'Observatoire CMV Médiforce des professions libérales de santé (PLS)* est immanquablement corrélée à ce contexte inédit.
Résultats globaux
Pour la grande majorité des PLS, il en ressort une baisse de revenus (61% jugent que leur chiffre d'affaires sera durablement impacté par la crise), avec des besoins importants en trésorerie (pour 87%) afin de payer les charges sociales et pallier, pour certains1, une période d'inactivité. À cet impact financier direct sur leurs revenus s'ajoutent une baisse du moral (pour 58%) et le ressenti d'un manque de soutien des institutions durant cette période délicate, 65% d'entre eux étant notamment mécontents de la gestion de la crise par le gouvernement. Pour autant, le tableau n'est pas totalement noir. Pour preuve, leur fierté d'exercer en libéral est manifeste (87% en 2020 versus 82% en 2019) tout comme celle à l'égard de leur métier, par le biais d'une réelle contribution à la société, qui reste ainsi très élevée (91%). De fait, les soignants libéraux ont une vision malgré tout positive de l'avenir de leur profession excepté toutefois pour les kiné-ostéopathes et les infirmiers (lire ci-dessous plus en détail).
L'année 2020 marque par ailleurs une évolution des pratiques, à commencer par la télémédecine qui a connu un réel essor. La crise de la Covid-19 n'y est bien sûr pas étrangère : 63% des PLS estiment qu'elle en a favorisé le recours. En particulier celui de la téléconsultation qui a véritablement "explosé" du fait du confinement, dans une moindre mesure celui de la télésurveillance ou de la télé-expertise afin d'assurer coûte que coûte la continuité des soins. Et cela va immanquablement se répercuter sur la pratique des PLS qu'il s'agisse de télétravail (avec le développement de la télémédecine, 3 PLS sur 10 exercent depuis leur domicile), ou encore d'exercice regroupé dans un même lieu (75% y sont favorables).
À côté du déploiement de cette pratique, l'usage du dossier médical partagé (DMP), des objets connectés pour le suivi des patients ainsi que la mise à disposition de données via un serveur vont également se pérenniser. Notons toutefois des freins qui demeurent, perçus au même niveau de crainte (63%) : celle d'une déshumanisation de la relation patient, d'une vulnérabilité face aux cyberattaques et d'un risque sur la confidentialité des données.
À cet impact financier direct sur leurs revenus s'ajoutent une baisse du moral (pour 58%) et le ressenti d'un manque de soutien des institutions durant cette période délicate, 65% d'entre eux étant notamment mécontents de la gestion de la crise par le gouvernement
Enfin, en matière de politique de santé, les PLS se montrent impliqués dans le Ségur de la santé alors même qu'il s'agit d'un plan surtout dédié à l'hôpital (seules 7 propositions sur 33 concernent la médecine de ville). Ainsi, la mise en place d'une offre de prise en charge intégrée ville-hôpital-médico-social pour les personnes âgées est pour ces derniers un débat acquis (80% d'opinion favorable). Par ailleurs, ils sont 62% à accepter de contribuer à la réorganisation du système de santé sur des mesures phares comme la création d'une plateforme d'accès numérique pour l'accès aux soins (celle-ci sera expérimentée dès janvier 2021 dans 22 sites pilotes), le développement de l'exercice coordonné pour améliorer l'accès aux soins non programmés (bonus financier pour les CPTS, doublement des maisons de santé pluriprofessionnelles, cadre et missions formalisés pour les équipes de soins primaires et spécialisées), et le développement de la télésanté sur tous les territoires. Les PLS se montrent cependant plus divisés sur le renforcement des missions et de l'indépendance des conférences régionales de la santé et de l'autonomie (CRSA) afin d'en faire de véritables "parlements de santé" ou sur l'évolution des agences régionales de santé (renforcement du niveau départemental et association des élus). Quoi qu'il en soit, ils en appellent à la solidarité de l'État (62% des PLS jugent souhaitable une extension de l'intervention de l'État au nom de la solidarité et de l'accessibilité de tous aux soins versus 55% en 2019), et plus encore aux collaborations locales sur-mesure entre citoyens, élus et acteurs locaux de santé.
L'année 2020 marque par ailleurs une évolution des pratiques, à commencer par la télémédecine qui a connu un réel essor. La crise de la Covid-19 n'y est bien sûr pas étrangère
Focus sur les Idel
Si l'on porte plus spécifiquement la focale sur les infirmiers libéraux, ces quelques chiffres clés et tendances générales sont à nuancer quelque peu. S'agissant déjà de l'impact de la Covid-19, les Idel ont vu leur chiffre d'affaires durablement impacté, mais dans une bien moindre proportion que l'ensemble des PLS (41% versus 61%). Avec les pharmaciens, ils ont en effet été parmi les professionnels de santé libéraux les plus sollicités par la population et leurs honoraires remboursés ont même subi une hausse de +3,1%. Toutefois, les Idel sont davantage demandeurs de trésorerie (89%) et, comme leurs confrères libéraux, ils envisagent très largement de se regrouper dans un même lieu d'exercice avec d'autres professionnels (69% y sont favorables).
Autre enseignement, les infirmiers libéraux déplorent moins de désaccords entre professionnels de santé (33% versus 40% pour l'ensemble des PLS). A contrario, ils ont été, bien plus encore que leurs confrères libéraux, mécontents quant à la gestion de la crise par le gouvernement (80% versus 65% et 62% pour l'ensemble de la population). Et leur moral a chuté durant cette période plus fortement (63% versus 58%) en dépit du fait qu'ils aient, eux aussi, très largement apprécié le mouvement de soutien populaire.
De fait, les Idel, après une opinion plus positive en 2019 quant à la situation actuelle et future de leur profession, sont en 2020 à nouveau plus négatifs, retrouvant ainsi des niveaux de 2017 (24% d'entre eux se sentent plutôt insatisfaits de leur pratique, contre 10% en 2019 et 22% en 2017). Les contraintes administratives et budgétaires plus durement vécues cette année ainsi que le fait de devoir travailler dans l'urgence (+19% entre 2019 et 2020 pour ces deux items) expliquent pour une part leur insatisfaction quand bien même la perception de leurs relations avec les patients et les autres PLS est en hausse. Cette opinion dégradée de leur métier conforte ainsi un pessimisme sur leur vision de l'avenir (idem pour les kinés/ostéopathes), en hausse depuis 2015, 29% envisageant même d'arrêter leur activité (17% en 2019 et contre 18% de l'ensemble des PLS).
A contrario, ils ont été, bien plus encore que leurs confrères libéraux, mécontents quant à la gestion de la crise par le gouvernement (80% versus 65% et 62% pour l'ensemble de la population).
Côté nouvelles technologies, celles-ci sont très largement plébiscitées par les Idel bien qu'ils n'en fassent encore qu'un faible usage hormis pour la transmission de résultats d'examens online (23% au quotidien) et dans une moindre mesure pour la gestion du dossier médical partagé (DMP) de leurs patients (10% au quotidien). Ainsi, un peu plus d'un infirmier sur dix pratique la télémédecine mais, avec ceux qui prévoient de le faire, c'est à l'avenir plus d'un infirmier sur deux qui devrait en faire usage, ce d'autant que la crise sanitaire a permis de confirmer la pertinence des nouvelles technologies pour interagir avec les patients et les autres PLS. Exemple : si les téléconsultations (depuis les cabinets infirmiers ou le domicile) sont encore très minoritaires par rapport aux consultations en présentiel (3%-5% versus 83%-9%), leur développement devrait être très fort dans le futur (9%-10% versus 71%-10%). Téléconsultation, téléassistance, télésurveillance, télé-expertise, recommandations aux patients d'achat d'objets de santé connectés, utilisation d'outils connectés pour le suivi des patients, utilisation de l'intelligence artificielle en aide au diagnostic devraient ainsi petit à petit entrer dans les mœurs des Idel. Néanmoins, une très grande majorité (84%) estime que la logistique et l'équipement nécessaires sont trop importants et onéreux.
Enfin, en matière de politique de santé, les Idel ont plutôt, à l'instar des autres soignants libéraux, une perception globalement positive du Ségur de la Santé, notamment en ce qui concerne la mise en place d'une offre de prise en charge intégrée ville-hôpital-médico-social pour les personnes âgées (84% y sont favorables), l'accélération du déploiement des infirmiers en pratique avancée (71%) ou encore l'évolution des ARS (67% y sont favorables contre 51% des PLS), 90% des Idel souhaitant d'ailleurs avoir de véritables collaborations locales entre élus, citoyens et acteurs locaux de santé afin de trouver des solutions performantes à l'échelon local car adaptées à la situation de leur territoire et non pas "standardisées nationalement". En revanche, ils sont plus encore que leurs confrères libéraux sceptiques sur l'exercice mixte2 (seulement 44% des Idel y sont favorables contre 53% de l'ensemble des PLS) et le renforcement des missions et de l'indépendance des CRSA (43% versus 47%).
Des infirmiers libéraux de nouveau pessimistes sur leur profession et qui par ailleurs plébiscitent l'usage des nouvelles technologies et les collaborations locales
- Les chirurgiens-dentistes, ophtalmologues et kinés-ostéopathes ont vu leur cabinet fermer lors du premier confinement.
- L'exercice mixte serait favorisé grâce à une prime d'exercice territorial pour les hospitaliers et la promotion du statut de fonctionnaire à temps non complet en hôpitaux pour les libéraux.
*Cette étude quantitative par questionnaire en ligne a été menée du 16 septembre au 19 octobre 2020 auprès de professionnels libéraux de santé (PLS) exerçant en France (avec une représentativité nationale et ayant un seuil minimal de patients), répartis en 7 professions : chirurgiens-dentistes, infirmiers libéraux (70), kinésithérapeutes-ostéopathes, médecins généralistes, pharmaciens, radiologues et ophtalmologues. Elle décrypte leur vision de la profession, leur rapport au cadre légal en vigueur, ainsi que leur opinion sur les challenges et opportunités soulevés par l'évolution technologique.
Valérie Hedef
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