Que propose Valérie Pécresse, la candidate du parti Les Républicains, pour le métier infirmier et le système de santé en général ? Réponse avec Philippe Juvin, son conseiller santé, qui est passé sur le grill de 6 associations représentant la profession.
Après les référents santé de Nicolas Dupont-Aignan , Marine le Pen et Emmanuel Macron, Philippe Juvin, médecin-anesthésiste et conseiller santé de Valérie Pécresse, candidate des Républicains à la présidentielle, a répondu aux questions de Brigitte Lecointre, présidente de l’ANFIIDE, Brigitte Prévost, de l’ANPDE, Richard Leroux, le président de l’AIFIBODE, et Amandine Duval, la trésorière de la FNESI*. Formation des infirmiers à renforcer, interprofessionnalité mais aussi problématique de fermeture de lits et politique de prévention en santé font partie des sujets qui ont été notamment abordés.
Faire évoluer la profession via la formation
Le rôle des infirmiers doit être complètement revu ; ils ne peuvent pas avoir demain le même rôle qu’aujourd’hui
, a défendu Philippe Juvin face à ses interlocuteurs. Un constat qui s’impose après la crise sanitaire, durant laquelle les infirmiers ont été en première ligne et ont su démontrer pleinement leurs compétences. Le conseiller santé de Valérie Pécresse se dit notamment favorable à la prescription infirmière
, qui répondrait à un certain nombre de besoins et problématiques, à commencer par celle du maintien à domicile des personnes âgées et de celle posée par les déserts médicaux. C’est une manière moderne de faire de la médecine, adaptée au terrain et qui répond aux besoins des territoires
, a-t-il plaidé. Car s’il y a beaucoup de déserts médicaux, il y a peu de déserts infirmiers
. Plus spécifiquement, il a également estimé que la création des infirmiers de pratique avancée n’avait pas été suffisamment préparée et accompagnée. On a créé le principe des IPA, qui est très bon, mais on n’a pas réfléchi à la formation, et on n’a pas revu le décret de compétences ni les financements
, s’est-il agacé.
Côté formation, justement, a-t-il noté, l’ouverture de Parcoursup aux écoles de santé draine de nombreux étudiants dans les filières du soin, mais 25% de ceux qui s’inscrivent en études infirmières les utiliseraient désormais comme passerelles pour obtenir ensuite un Master. Un chiffre qu’il s’agirait de confirmer, a-t-il nuancé, mais aussi d’analyser, car il serait alors nécessaire d’avoir une vraie réflexion sur les conséquences d’une universitarisation qui ne serait pas bien pensée
. Même s’il a affirmé vouloir soutenir ce processus d’universitarisation, que défend aussi de son côté la FNESI
. De manière plus générale, toute nouvelle mission confiée aux infirmiers devrait faire l’objet d’une formation, a-t-il souligné.
Favoriser l’interprofessionnalité
Repenser le rôle de l’infirmier, c’est aussi l’inclure plus étroitement dans le cadre de l’exercice coordonné. Demain, l’infirmier doit être un acteur de santé dont le rôle a été redéfini et qui travaille de façon coordonnée avec d’autres professionnels
, a défendu Philippe Juvin. Dans ce contexte, ce soignant pourrait ainsi gagner en autonomie, et le médecin remplirait un rôle de coordonnateur
, plutôt que de décider de tout
. Mais quid des résistances qui pourraient surgir chez certaines professions ? Le système est tellement en train de s’écrouler, avec des millions de personnes qui n’ont plus de médecins traitants, que les professionnels de santé sont prêts à rediscuter des missions de chacun
, a-t-il répondu. Là encore, la révolution pourrait s’enclencher grâce à la formation, avec des unités d’enseignement communes entre différentes professions. Lorsque les futurs professionnels se croisent quand ils sont jeunes, le suivi se fait mieux ensuite.
Une vision qu’a également partagée Sébastien Mirek
, l’un des référents santé de LREM et du président-candidat Emmanuel Macron.
[En EHPAD], nous voulons passer à un ratio de 8 soignants pour 10 résidents.
Moins d’administratifs, plus de prévention
Quant au système de santé en général, Philippe Juvin a exposé plusieurs pistes pour le transformer. À commencer par une réduction du personnel administratif par rapport aux professionnels de santé. En France, nous mettons beaucoup d’argent dans la santé, mais il ne va pas au soin. Selon la DREES, nous comptons un administratif pour un médecin
, a-t-il déploré. Il faut dégraisser le mammouth. Je préfère avoir un sous-directeur en moins et deux aides-soignants de plus dans un service.
Vient aussi la nécessité de mettre fin aux fermetures de lits pour des raisons administratives de reconfiguration de la carte hospitalière en réfléchissant « aux vrais besoins de la population » et de revoir les ratios entre patients et soignants, notamment dans les EHPAD. Nous voulons passer à un ratio de 8 soignants pour 10 résidents
au sein des maisons de retraite médicalisées. Sur le volet de la prévention, Philippe Juvin a fait part de la volonté de la candidate des Républicains de réinvestir dans la santé scolaire et de remobiliser l’éducation à la santé dès le plus jeune âge. L’objectif étant ici de limiter l’apparition des maladies chroniques, qui coûtent cher. Il faut un plan massif pour faire comprendre que l’on peut réaliser des économies en ayant des gens en meilleure santé. Grâce à une politique de prévention, nous pouvons faire en sorte que certaines maladies ne se déclenchent pas
, a-t-il expliqué, prenant l’exemple du tabac aux risques desquels les enfants doivent être mieux sensibilisés.
Enfin, sur les questions d’attractivité et de fidélisation des professionnels de santé, il a rappelé que de nombreux facteurs entraient en compte : la revalorisation, certes, mais aussi les moyens informatiques mis à disposition, qu’il faut améliorer, les facilités de logement, et, surtout, le temps disponible à consacrer pour chaque patient. L’une des causes de la démotivation des professionnels provient de leur sentiment de ne pas avoir assez de temps à donner à ceux qu’ils prennent en charge
, a-t-il ainsi regretté. Philippe Juvin n’a toutefois pas avancé de chiffres quant aux financements de ces propositions, mais il est d’ores et déjà établi que Valérie Pécresse entend présenter un programme fondé sur 42 milliards de dépenses contre 82 milliards d’économies, portées notamment par la suppression de 200 000 postes de fonctionnaires.
Audrey ParvaisJournaliste audrey.parvais@gpsante.fr
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