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"On est en train d’apprendre, et on trouvera une solution c’est une quasi-certitude"

Publié le 19/05/2020

Récemment, la ministre de la recherche et de l’Enseignement supérieur, Frédérique Vidal a été auditionnée à l’Assemblée nationale notamment pour répondre aux questions de plusieurs élus sur l’avancée de la recherche face au nouveau coronavirus. Les interviews de plusieurs experts dont le Pr Lina ont suivi afin de clarifier la situation en France à l’heure du déconfinement. De nombreuses interrogations portaient sur les tests de dépistage, pilier de la stratégie gouvernementale.

Frédérique Vidal et plusieurs scientifiques ont été auditionnés à l’Assemblée nationale et interrogés par plusieurs élus politiques quant aux découvertes et avancées sur le Sars-Cov-2.

Je voudrais avant toute chose saluer les chercheurs et les étudiants mobilisés dans nos hôpitaux et nos laboratoires publics depuis des semaines, débute Boris Vallaud, député des Landes et vice-président sur la Mission d’information sur l’impact, la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l’épidémie de Coronavirus-Covid 19 . En effet, si les scientifiques sont en première ligne face à la guerre contre le virus, il faut admettre que beaucoup d’inconnues demeurent. Or, les espoirs reposent sur de potentiels traitements et vaccins comme la réussite de la stratégie gouvernementale actuelle dépend de la mise en place de tests de dépistage fiables et en grand nombre.

On compte une centaine de projets de recherches sur ce virus dont le premier essai clinique européen Discovery . D’autres molécules sont testées pour parer l’effet poumon blanc dû à une réponse trop agressive du système immunitaire chez les formes graves. Les spécialistes travaillent donc sur des immuno-régulateurs. Pour l’instant, le tocilizumab semble réduire les risques de complications chez les patients mais l’essai se poursuit, informe la ministre. Actuellement, en France 38 essais cliniques sont lancés et une étude clinique de phase I pour un candidat vaccin devrait débuter dans les prochains mois, ce qui permettrait de développer un vaccin d’ici le premier trimestre 2021.

Un usage trop large et non contrôlé des tests sérologiques risque d’avoir un effet délétère sur la gestion de l’épidémie actuellement

Les tests de dépistage actuellement en phase… de tests

Les majeures questions soulevées durant toute cette séance ont porté sur le sujet des fameux tests de dépistage (virologiques comme sérologiques). En plus de Frédérique Vidal, le Pr Bruno Lina, virologue au CHU de Lyon, membre du Conseil scientifique Covid-19 a apporté de nombreux éclaircissements sur le sujet. Je discute assez fréquemment avec des personnes pour la mise en place des différents outils de diagnostics et des plateformes de PCR en cours de déploiements qui sont un enjeu extrêmement important. C’est un défi pour être opérationnel rapidement. Associé à cela, je suis un des co-responsables du centre National de Référence (CNR), mon équipe travaille d’arrache-pied pour faire les évaluations des tests sérologiques et PCR conjointement avec l’institut Pasteur. C’est un travail astronomique car ce sont des outils très attendus mais il ne faut pas se tromper. Certains ne sont pas bons du tout, et d’autres sont d’une capacité plutôt acceptable voire bonne, explique le praticien.

Quoiqu’il en soit, le gouvernement table à présent sur 700 000 tests virologiques réalisés par semaine soit 100 000 par jour pour le déconfinement. Interrogé sur la montée en puissance nécessaire pour parvenir à un tel chiffre, la ministre est optimiste admettant que s’il y a eu un goulot d’étranglement, la situation s’améliore. Bruno Lina est davantage rentré dans les détails. 20 plateformes PCR ont été acquises suite à un effort de l’Etat. Chacune a une capacité de 2000 à 2500 tests par jour donc une fois opérationnelles ont atteint l’objectif de 100 000 tests quotidiens. Nous allons être en capacité car les approvisionnements ont été sécurisés en terme écouvillons et de réactifs. Le chiffre de 100 000 n’a pas été choisi au hasard. Il repose sur des travaux de modélisation qui estiment que si les comportements des Français ne changent pas lors de la levée du confinement, on aura en France entre 1000 et 3000 cas par jour sur le territoire.  C’est ce que les spécialistes nomment une circulation du virus en bruit de fond. Cela signifie que pour l’instant moins d’une personne sur dix qui présentent des symptômes évocateurs du nouveau coronavirus (en début de maladie) est réellement infectée. Il est donc nécessaire de multiplier par dix voire même par 20 pour être certain de pouvoir diagnostiquer absolument tout individu présentant des signes d’infections respiratoires qui sont 20 à 30 fois plus nombreux que le nombre réel de patients touchés par le Sars-Cov-2.

A propos des tests sérologiques, interrogés sur le rôle qu’ils auraient à jouer par le député du Haut-Rhin Olivier Becht, la ministre a souligné que si les deux types de test étaient importants, ils n’avaient pas la même utilité. Il y a beaucoup d’incompréhension au sujet de ces tests. Le diagnostic repose sur la PCR, le suivi de l’infection se fait par les examens sérologiques, informe le Pr Lina. A l’heure actuelle, les tests sérologiques sont également évalués au CNR. On commence à avoir des données sur la robustesse de ces outils. On commence à avoir des informations sur les réponses anticorps mais sans aucune certitude sur leur caractère protecteur face à une éventuel réinfection. L’utilisation de ces tests sérologiques par la population, en plus de la problématique de leur sensibilité et de leur spécificité pas toujours optimale, n’est pas à recommander. Ils ont, en revanche, un réel intérêt dans les études pour la compréhension de l’épidémie, précise Christophe Denfert, de l’Institut Pasteur. Cependant, leur rôle décrit pour l’instant comme limité peut évoluer selon le chercheur. Dans les mois qui viennent on pourra voir des corrélations entre l’apparition de certains anticorps et une protection et c‘est ce jour-là que ces tests seront utiles pour la population. Et encore, ce sera le cas si on n’est pas confronté à des spécificités relativement faibles car sinon ils s’avéreraient inutilisables, clarifie-t-il. D’ici quelques semaines les scientifiques devraient avoir les résultats des évaluations de fiabilité pour 7 à 8 tests et pouvoir avancer sur le sujet.

Face à ces réalités, la perspective d’un vaccin n’est que plus attendue. Or, il existe plus de 100 projets en cours entre 70 et 80 qui sont crédibles et entre 5 et 7 en études cliniques de phase I voire II avec de nombreuses stratégies vaccinales développées. On peut espérer grâce aux procédures accélérées que l’on puisse avoir des résultats positifs pour l’un de ces candidats d’ici un an, évalue Christophe Denfert. Prenant l’exemple du vaccin Rougeole étudié actuellement par l’Institut Pasteur, les études cliniques devraient démarrer au mois de juillet pour des résultats des phases cliniques au cours du premier trimestre 2021.

Déconfinement et contagiosité : quels sont les risques ?

En parallèle avec le déconfinement, les écoles réouvrent. Pour certains élus, cela semble risqué surtout après la corrélation entre le coronavirus et le syndrome de kawasaki qui touche les enfants. Eric Ciotti, député des Alpes-Maritimes s’inquiète. Ce que l’on remarque là se passe avec d’autres infections virales. Le Sars-Cov-2 a un tropisme vasculaire, il peut entraîner des lésions au niveau des vaisseaux sanguins, dont certaines peuvent être impliquées dans ce syndrome. Mais on reste extrêmement prudent, si des pays identifient des cas d’autres n’ont pas eu de signaux d’alerte (aucun en Allemagne). De même l’impact est difficile à estimer, dans un groupe de patients seuls 30% atteints du syndrome étaient infectés par le coronavirus. Ces indices sont récents mais doivent être surveillés de très près, précise le Pr Lina.

Est-ce que ces signaux même considérés comme faibles auraient dû impacter la décision d’ouvrir les écoles ? Apparemment non. Cette décision aurait été appuyée par des données de terrain observées dans l’Oise et à l’étranger où l’on constate que les enfants de 1 à 10 ans auraient tendance à très faiblement transmettre le virus. En outre, on remarque une incidence de formes cliniques tout aussi basse dans cette tranche d’âge. Une des raisons pour lesquelles on pense que cette transmission est faible, c’est qu’un récepteur cellulaire employé par le virus est peu présent chez les enfants. Il apparait plus tard lors de la maturation des poumons. Donc le virus serait dans l’incapacité de les infecter, suggère l’infectiologue.

En ce qui concerne la transmission chez les adultes pour contrôler l’épidémie, c’est qu’elle se fait par grosses gouttelettes quand un individu tousse, éternue voire parle. Une personne serait particulièrement contagieuse au début de l’infection. Quant aux patients asymptomatiques, s’ils ont la même quantité de virus dans leurs voies respiratoires, ils ne toussent pas et n’éternuent pas mais ils peuvent potentiellement contaminer quelqu’un par la parole. Le problème c’est que l’on ignore quelle est la dose infectante, c’est-à-dire, la quantité minimale nécessaire encore présente chez un individu pour qu’il demeure contagieux.  D’ailleurs, s’il a déjà été observé qu’un virus commence à baisser en virulence lorsqu’il se diffuse abondamment, pour le moment ce n’est malheureusement pas le cas du Sars-Cov-2.

Ainsi, en attendant le vaccin espéré en 2021, il va falloir changer de façon de vivre dans la société tout en surveillant de près l‘épidémie. Si elle repart on en reviendra à un confinement plus rigoureux, juge Christophe Denfert. Effectivement, Aujourd’hui, on a un objectif qui est très clair c’est d’éviter une reprise de l’épidémie sur le très court terme car les hôpitaux ne sont plus en capacité. Malgré tout, si on veut pouvoir contrôler la diffusion de ce virus sur le long terme il va bien falloir qu’une immunité collective soit installée, c’est la seule chose qui permettra de transformer ce virus qui a un effet épidémique important en un virus saisonnier ou qui disparaitra. Mais tout est une question de temporalité. Dans les mois qui viennent il est important d’empêcher la recirculation abondante du virus. D’ici deux ans, c’est l’immunité collective qui jouera, conclut le Pr Lina.

Roxane Curtet Journaliste infirmiers.com roxane.curtet@infirmiers.com  @roxane0706


Source : infirmiers.com