La prévalence des escarres a doublé chez les patients Covid-19 positifs. Si ces derniers cochent tous les facteurs de risque, des mécanismes seraient aussi propres à cette pathologie. Alors que la seconde vague de l'épidémie est en cours, comment mieux organiser la prévention en la matière ? La Société française de l'escarre (SFE) émet quelques préconisations et propose une check list socle en service de médecine/gériatrie, laquelle peut être par ailleurs déclinée selon les spécificités en réanimation, en Ehpad et à domicile.
À défaut du déroulé de ses Journées nationales 20201, la Société française de l'escarre (SFE) a organisé le 5 novembre dernier un webinaire pratico-pratique sur le thème "Escarre & Covid". Une session plus que d'actualité eu égard à la seconde vague de la crise sanitaire qui sévit toujours mais aussi à la prévalence de cette plaie de pression chez les patients Covid-19 positifs.
Une prévalence doublée
En effet, une enquête2 sur l'épidémiologie et l'étiologie des escarres réalisée lors de la première vague de Covid-19 fait état d'un doublement de cette prévalence chez ces patients. Elle est ainsi de 17,2% (versus 8,6% en moyenne nationale chez les patients hospitalisés), en particulier dans les unités de réanimation, compte tenu notamment de la prise en charge (PEC) spécifique en décubitus ventral (DV), lequel est d'ailleurs parmi les localisations les plus fréquemment constatées avec le sacrum et les talons. Cette hausse de la prévalence des escarres chez ces patients est également constatée hors de l'Hexagone3. À cela, plusieurs hypothèses : il pourrait y avoir un possible lien avec l'inflammation (orage cytokinique et ischémie (hypoxie)), deux des facteurs étiologiques connus de la survenue des escarres. De même, en serait-il des effets secondaires des vasopresseurs à fortes doses (symptômes cutanés de la vasoconstriction : modification aspect cutané mains, pieds, sacrum, oreilles, bout du nez). Pour autant, d'autres causes peuvent expliquer cette augmentation d'escarres chez les patients Covid+. D'une part, ces derniers cochent tous les facteurs de risque : infection, déshydratation, malnutrition, diarrhée, perte de la mobilité, hypoxie, grande fatigue. D'autre part, un personnel soignant en nombre insuffisant, des mesures de protection très chronophages et une organisation des soins différente dans les chambres (précautions Covid, isolement septique) y participent également. De même que l'aggravation rapide des symptômes, la priorité étant donnée à la prise en soins Covid.
Mieux s'organiser sans culpabiliser
Face à ce constat et aux retours du terrain, la SFE s'est interrogée sur la manière d'intégrer la prévention dans la prise en soins des patients Covid+, sans pour autant augmenter la charge de travail des équipes. Objectif : mettre en place une organisation afin d'être meilleurs sur cette 2e vague car c'est là que le bât blesse
a expliqué Martine Barateau, IDE experte au CHU de Bordeaux et vice-présidente de la SFE. Mieux s'organiser donc, mais sans culpabiliser
, les soignants ayant l'expertise de la prévention d'escarres. Et d'abord, en s'appuyant sur les fondamentaux qui ne changent pas, à savoir les moyens de prévention (décharge, mobilisations, nutrition, hydratation, nursing), l'évaluation de la douleur, ainsi que la participation du patient lorsque cela est possible. Également, en ayant conscience de ce qui change : moindre intérêt de l'échelle de risque, patients Covid+ forcément à risque, organisation en amont afin d'intégrer la prévention aux soins directs, adaptation aux changements de pratiques (gants pour effleurage, passages limités des professionnels autres que soignants directs comme kiné et/ou diététicien), appropriation de l'utilisation des équipements de protection individuelle (EPI) et traçage des éléments cliniques (état cutané, douleur) afin de permettre le suivi entre les différents acteurs de soins.
Par ailleurs, la SFE préconise plus que jamais une attention particulière de la peau
, entre autres des lésions cutanées associées à un adhésif ainsi que des dommages cutanés associés à l'humidité parmi lesquels dermites et mycoses. Et ainsi de rappeler la nécessité de laver, hydrater, bien sécher, protéger la peau avec une crème barrière
.
Je crois beaucoup au fait de s'approprier ces mesures de prévention comme du soin de base. On se répartit la tâche et on a plus de chance de réussir. Dr Robineau
Une check-list socle et trois autres déclinées selon les lieux de soins
En pratique, la SFE a élaboré une check-list socle en service de médecine/gériatrie, déclinée également en réanimation, en Ehpad et à domicile, avec pour tous ces lieux de soins une attention particulière à l'organisation de la prévention pour qu'elle s'intègre aux passages, aux dispositifs médicaux et au positionnement en décubitus ventral (DV) ainsi qu'au traçage.
La check-list socle aborde ainsi plusieurs points clés : matériel de décharge, hygiène/nursing, nutrition/hydratation, mobilisations, interaction avec le patient/résident. En Ehpad, on notera l'attention particulière au matériel de décharge (évaluation du matériel dispo/commande…), à la nutrition/hydratation (surveillance alimentaire précoce, compléments nutritionnels si besoin) ainsi que la nécessité de rassurer le résident, qui ne reconnaît plus les soignants avec les EPI. À domicile, il faut examiner la possibilité du télésoin pour le suivi à distance des patients Covid+ mais aussi l'accès différent au matériel sachant qu'il faut essayer de l'upgrader (voir prescription avec médecin traitant) et qu'il convient de changer les appuis sur 24 heures (travail avec les aidants) afin de passer le cap de l'apathie liée au Covid
a indiqué Sandrine Robineau, médecin MPR, pôle MPR Saint-Hélier (Rennes) et membre du CA de la SFE.
Les aidants doivent également être associés à l'hygiène, aux soins de nursing ainsi qu'à l'usage de certains dispositifs médicaux (montrer comment faire). En outre, il faut pointer comme autres spécificités en ville le non-remboursement des pansements hydrocellulaires en prévention ainsi que l'organisation de l'aide aux repas et des courses, laquelle nécessite d'être anticipée.
Enfin, en unité de réanimation, outre l'importance de l'hygiène et du nursing, et de la nutrition/hydratation (cf. prescriptions médicales), une attention particulière doit être portée sur le DV, positionnement du patient plus de 16 heures par jour. Pour ce faire, il convient de redoubler d'attention sur les zones à risque (visage, torse, poitrine, parties génitales, cou/genoux/jambes, face dorsale des pieds) ainsi que sur le maintien et le positionnement des dispositifs médicaux, lesquels doivent être positionnés au-dessus et non sous le patient le plus régulièrement possible
a insisté Martine Barateau. À noter encore la préférence aux matelas à air dynamique (et non statique). Quatre check list4 qui, en cette seconde vague épidémique, devraient être fort utiles aux équipes sanitaires et médico-sociales.
Notes
- Reportées en distanciel en janvier 2021.
- Enquête SFE réalisée auprès des groupes escarres sur un échantillon de 948 patients en avril 2020 dans des hôpitaux publics et privés, en services de médecine et gériatrie.
- Voir congrès EPUAP, sept. 2020
- La diffusion de ces check list est en cours de réflexion ; les soignants intéressés sont invités à consulter régulièrement le site internet de la SFE
À noter : une nouvelle session du webinaire "Escarre & Covid" est programmée le 3 décembre prochain de 14h30 à 15h30 (inscription gratuite sur le site de la SFE).
Valérie Hedef, d'après le webinaire "Escarre & Covid" de la SFE, le jeudi 5 novembre 2020.
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