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Épuisement professionnel : "On voit aujourd’hui des IDEL qui enlèvent leur plaque"

Publié le 03/11/2022
Association "Mots"

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Épuisement professionnel

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L’épuisement professionnel n’est pas l’apanage des soignants hospitaliers. Depuis la crise sanitaire, il est aussi bien plus souvent exprimé et éprouvé chez ceux du domicile. Des constats et repérages aux pistes d’action possibles pour tenter de l’éradiquer ou le contenir, l’URPS "Infirmiers" Nouvelle Aquitaine s’est penchée sur le sujet à l’occasion de son 2e forum mi-octobre à Bordeaux.

De plus en plus sujets à  l’épuisement professionnels, 6 infirmiers libéraux sur 10 disent travailler plus de 12 heures par jour

On le sait depuis longtemps déjà, les métiers du soin sont parmi les plus exposés au risque d’épuisement professionnel comme à celui du risque suicidaire. Un état de fait qui s’est hélas encore accentué en cette période post-Covid comme l’a rappelé pour l’occasion Cédric Weis-Brutier, président du conseil départemental de l’ONI 33 citant quelques chiffres issus de la consultation nationale menée fin 2021 par l’Ordre : 85% des infirmiers jugeaient leurs conditions de travail dégradées depuis le début de la crise, 42% d’entre eux estimaient alors ressentir un syndrome d’épuisement professionnel de type burnout, 72% se disaient las de leur travail, 15% affirmaient encore vouloir changer de métier dans les douze mois à venir, 30 % d’ici cinq ans, tandis que 37 % ne savaient pas où se positionner. Et le Dr Jean Thevenot, à l’origine de la création de l’association d’entraide confraternelle “Mots”1, qui, depuis 2018 propose un accompagnement global, confidentiel et confraternel à l’ensemble des professionnels de santé, d’enfoncer le clou : Le nombre d’appels nationaux à l’aide à l’association a été multiplié par 260 % entre 2021 et 2022, sachant que celui émanant d’infirmiers a augmenté de plus de 50 % depuis janvier 2022 en Nouvelle Aquitaine.

Des causes communes mais aussi spécifiques au secteur libéral

Les causes sont connues : un manque de reconnaissance au niveau des instances et de la société dans son ensemble, les exigences accrues des patients (engendrant des violences physiques/verbales), une confrontation à la maladie et à la mort, une intensification du travail… D’autres facteurs sont par ailleurs propres au secteur libéral : 60 % des IDEL déclarent travailler plus de 12 heures par jour2 rappelle Aurélien Brunet, secrétaire de l’URPS Infirmiers Nouvelle Aquitaine. À cette accumulation de temps de travail qui conduit à l’épuisement professionnel s’ajoutent encore la charge administrative, parfois des difficultés à concilier vie perso/vie professionnelle, d’éventuels problèmes financiers liés entre autres aux indus, des difficultés avec les associés, les remplaçants, les patients… poursuit l’IDEL et élu landais qui exerce en zone semi-rurale.  Résultat : On en arrive parfois à des situations de burn-out. On voit aussi aujourd’hui des IDEL qui enlèvent leur plaque. On a du mal à trouver des remplaçants. Le libéral est moins attrayant qu’avant. Un changement est en train de s’opérer un peu comme chez les médecins, avec des départs d’IDEL qui ne sont pas remplacés

Et deux IDEL participantes de témoigner : On est dans l’administratif au détriment du soin, dans l’e-learning pour savoir comment coter un collyre ! On ne comprend plus rien aux cotations (BSI, BSA…), en plus on doit faire de la coordination sans qu’elle ne soit véritablement ni officielle ni financée raconte ainsi Chantal3 (58 ans) qui, à quelques années de la retraite et après 25 ans de libéral, se demande si elle ne va pas se reconvertir. Ces deux dernières années ont été très difficiles. J’ai fait un burn-out, et mes remplaçants ont été un peu “raides”, ajoute Anne3, partie en retraite en juin dernier après 30 ans de libéral et qui espère que les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) feront du lien et que des projets sur l’entraide entre professionnel y seront menés.

Des pistes pour prévenir et agir

Face à l’épuisement professionnel des soignants, dont le point commun réside dans le fait que le métier rêvé n’est pas celui exercé dans la réalité de la pratique, comment dès lors redonner l’envie de soigner, de faire du soin pour nos patients s’interroge le Dr Thevenot. Comment également faire pour prévenir en amont cet épuisement et travailler en bonne santé ?

« Il faut que nous ayons un changement structurel sur nos organisations de soins. Cela doit passer par les professionnels de santé et non les politiques ou hauts fonctionnaires » a plaidé Cédric Weis-Brutier.

Un avis également partagé par Élodie Guillevin, chargée de mission au sein de l’association Mots en Nouvelle Aquitaine : Les solutions (dispositifs, projets…) viendront de nous ; il faut aussi être force de propositions avec les tutelles, notamment les ARS via les projets de CPTS, les certifications des professionnels de santé (formations spécifiques à créer pour les soignants), les ordres professionnels et les UPRS. Par exemple, en travaillant sur la problématique de l’arrêt des soins (droit de retrait) qui, en libéral, conduit parfois certains IDEL au bout du bout souligne Agnès Pariente, élue du Bureau du CDOI 33. Les textes protègent les patients mais pas les soignants et l’on arrive à des situations catastrophiques renchérit à ce propos Aurélien Brunet, son collègue de l’URPS. Par exemple encore, selon ce dernier, en développant des initiatives dans les CPTS, le bon échelon pour créer des soutiens et des solidarités.

Où et comment demander de l’aide ?

Lorsque l’épuisement est déjà installé, demander de l’aide est fondamental. Et le Dr Thevenot de pointer pour ce faire la pertinence et le rôle des associations d’entraide confraternelle dans le repérage précoce, la non-dégradation des situations difficiles, ou encore dans l’accompagnement à toutes les étapes de la crise, pré et post-hospitalisation si nécessaire, dans la durée et la globalité, soit aller au-delà d’un soutien isolé ou sporadique et favoriser l’accès aux soins et à un accompagnement bienveillant, en toute confidentialité et indépendance.

En pratique, le soignant en difficulté peut notamment appeler 24h/24 l’association Mots au 0 608 282 589. Il échangera alors avec un médecin-effecteur qui analysera les problématiques, coconstruira avec lui un parcours de soin personnalisé, bénéficiant ainsi d’un suivi global et d’une orientation vers les ressources à prioriser. Un avis médical est en effet indispensable pour les accompagnements complexes et spécifiques des soignants.Élodie Guillevin, précise en outre que l’association a contractualisé avec l’ARS Nouvelle Aquitaine concernant le projet de prévention individuelle de l’épuisement professionnel, du suicide des professionnels soignants au sein de la stratégie multimodale de prévention du risque suicidaire : On s’incrémente sur les dispositifs déployés sur la région, avec le déploiement du 3114, numéro national de prévention du risque suicidaire, et de la formation nécessaire pour les professionnels de santé.

Autre projet encore évoqué : la création d'une cellule d'entraide avec la mise en place d'une ligne téléphonique – 01 86 70 85 70 ouverte 7j/7 depuis le 26 septembre dernier – à l'initiative du CROI Nouvelle Aquitaine, qui a sollicité Mots pour un partenariat, mais aussi des professionnels de la région, tels que psychologues, sophrologues, hypnothérapeutes, réflexologues plantaires... Nous avons créé un maillage territorial car la problématique, c’est le “après” et nous rappelons ultérieurement les soignants concernés pour avoir un suivi. L’association Mots est notre pilier pour l’à-côté (formation des élus ONI et accompagnement et suivi personnalisé des IDE réorientés suite à leur appel au dispositif), précise Agnès Pariente.

Enfin, sur un axe plus préventif, on retiendra la suggestion évoquée par le secrétaire de l’URPS Nouvelle Aquitaine de sensibiliser les étudiants en soins infirmiers aux signes avant-coureurs d’épuisement professionnel. Un apprentissage à la bienveillance entre pairs qui serait sans aucun doute salutaire lorsque ces derniers en viendront à exercer le métier en établissement ou en ville. Et plus globalement toutes les méthodes/approches à disposition de tout un chacun permettant la relaxation, le bien-être, telle la méditation, la naturopathie, l’aromathérapie, l’hypnose, la sophrologie, le zen shiatsu… afin d’exercer autant que possible dans la sérénité.

Pour en savoir plus

  1. Créée en 2010 à l’initiative du conseil départemental de l’Ordre des médecins de Haute-Garonne, l’association est présente dans 8régions, dont la Nouvelle Aquitaine depuis 2021. Elle a déjà suivi plus de 2 000 professionnels. Pour en savoir plus : association-mots.org
  2. Selon une enquête de l’ONI
  3. Prénoms modifiés

Les professionnels socio-sanitaires bienvenus à la Villa de l’accompagnement

Lieu ressource inscrit dans un projet sociétal, la Villa de l’accompagnement, située à Bordeaux, vise à répondre aux difficultés des personnes atteintes de maladies graves, chroniques évolutives. Ouvert également aux proches aidants ainsi qu’aux professionnels socio-sanitaires, tous peuvent y bénéficier d’un temps de répit et participer à divers ateliers (dispensés par des professionnels diplômés en activité ou retraités ou des accompagnants bénévoles formés aux activités proposées) dédiés au bien-être (Reiki, yoga du rire, toucher-massage, sophrologie, shiatsu) ou créatifs-plaisirs des sens (porteplume, récit de vie, goûts et saveurs). Une parenthèse non-médicale gratuite pour mieux vivre le quotidien.

Pour en savoir plus : 06 64 42 84 95 - lavilladelaccompagnement@gmail.com - lavilladelaccompagnement.org

Valérie Hedef


Source : infirmiers.com