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"En soins palliatifs, des malades donnent beaucoup de vie avant de mourir"

Publié le 14/10/2020
Les équilibristes

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Les Equilibristes

Les Equilibristes

"On ne vient pas pour guérir mais pour vivre pleinement ses derniers jours". Le 14 octobre sort dans les salles de cinéma un documentaire qui s’attaque à un sujet difficile et délicat : la fin de vie. Si une partie du film est consacrée à une unité de soins palliatifs, une autre se déroule sur un tatami dans un salle obscure. A travers la voix de sa réalisatrice Perrine Michel, qui partage ses impressions au cours de la maladie de sa mère, et ce jusqu’à son décès, le spectateur assiste à des scènes de danse improvisées par des mouvementistes. Une manière originale d’évoquer la mort, quoique quelque peu déroutante…

"Apprendre que ma mère avait un cancer agressif et l’accompagner en fin de vie alors que je préparais un film sur les soins palliatifs m’a plongée dans un violent déséquilibre" - CP : Docks 66

Si vous lisez ces lignes, c’est que vous êtes vivants ! C’est la bonne nouvelle ! Si vous êtes vivants, c’est que vous allez mourir. C’est une moins bonne nouvelle... On le sait, c’est la seule chose qui soit vraiment universelle. Et qui fasse peur à tout le monde… s’amuse la réalisatrice à l’occasion de la sortie de son film Les Equilibristes, dont la mort est bien un des thèmes principaux. Elle est présente tout au long de ce documentaire qui, d’un côté, met en lumière l’exercice soignant dans l’unité de soins palliatifs des Diaconesses et, d’un autre, dévoile quatre danseurs contemporains improvisant des mouvements, pendant que l’on entend la voix de l’une d’entre deux. La narratrice est aussi la réalisatrice du film. A travers des conversations téléphoniques enregistrées, on l’écoute raconter la maladie de sa mère. Le spectateur apprend la découverte du cancer, les complications, et la fin inéluctable de cette ancienne sage-femme qui n’apparaitra jamais à l’écran. Il ne saura ce qui lui arrive qu’à travers cette voix où il perçoit l’inquiétude, la colère - voire parfois la culpabilité. Le sujet abordé est compliqué, ce documentaire est très personnel et original dans sa structure. Cependant, il arrive qu’en suivant notre narratrice funambule, on perde un peu l’équilibre.

Ce film révèle une grande humanité de la part des soignants pour une fin de vie digne

Copyright Docks 66

Un beau projet

C’est un accouchement difficile car ce projet de film, au départ uniquement centré sur les soins palliatifs , Perrine Michel a mis du temps à le concrétiser. Cette idée lui est venue à l’annonce de la maladie de son père, alors condamné ; une infirmière lui avait dit : il aurait été bien là-bas. Elle a longtemps imaginé ce que pouvait être un tel service, un lieu énigmatique, où les malades de cancer ne sont pas guéris, mais où ils sont bien. De là lui est venu son intérêt, mais ce n’est que bien plus tard qu’elle arrive aux Diaconesses, caméra sous le bras.

Cependant, alors qu’elle travaille sur son film, elle apprend le cancer rare et grave de sa mère et décide de l’enregistrer quand elle est au téléphone avec elle ou avec ses proches. Mes interlocuteurs n’étaient sont pas audibles. Je ne savais pas vraiment ce que je faisais, ni pourquoi, mais cela m’a aidée à accompagner ma mère, explique la cinéaste. Celle qui avait fait le choix de ne pas filmer les patients et leurs proches dans le service, décide d’utiliser sa propre vie. En réécoutant les enregistrements, une évidence est apparue. Je ne pouvais pas ne pas utiliser cette matière (elle était tellement en lien !) Et il a fallu que je m’autorise à l’exploiter. Elle recourt également à sa passion pour la danse pour incarner ses propos.

J’ai voulu représenter cet espace-temps unique, l’état dans lequel on se trouve quand on accompagne un proche en fin de vie

CP : Docks 66

Un film qui prend son temps

Le film prend son temps et amène progressivement le spectateur vers les scènes les plus délicates. Certes, c’est un long métrage, très contemplatif. Être lent au cinéma n’est pas forcément un défaut. Le temps est utilisé pour que le réalisateur passe un message et que le spectateur le saisisse. Toutefois, le montage de notre danseuse parait parfois aussi désarticulé que ses mouvements.

Les scènes impliquant les soignants rythment un peu le film, mais sont répétitives. Il ne s’agit quasiment que de réunions de transmissions entre les professionnels de santé. Le changement est abrupt entre l’hôpital à la blancheur immaculée et l’univers de la narratrice, obscur et sombre. Les soignants sont ancrés dans le réel, nos mouvementistes semblent émerger dans un monde à part. Dans cette espace filmique porté par des scènes dansées, j’ai cherché à construire un ailleurs. C’est une scène mentale, un lieu symbolique et métaphysique, raconte la cinéaste. Toutefois, si certaines de ces séquences se prêtent aux conversations et on perçoit leur intérêt, d’autres semblent inopportunes. De même, il n’y a qu’à la fin que la mère malade rejoint les services de soins palliatifs, l’essentiel du scenario se fixe dans sa lutte contre la maladie. On ne peut que féliciter Perrine Michel de se mettre ainsi à nu racontant son parcours d’aidante de la manière la plus objective possible mais elle se perd peut-être en longueur. Certains passages auraient peut-être mérité d’être plus ramassés afin que le spectateur soit plus enclin à entrer dans son univers et à suivre le fil de son histoire. Ou plutôt de ses histoires car, finalement, qui sont les équilibristes ? Les soignants ? La narratrice aidante ? Sa mère ? Très probablement un peu des trois.

Ce long métrage révèle, quoi qu’il en soit, de beaux moments de partage. Du partage entre des professionnels du soin qui essaient d’interpréter les non-dits de leurs patients, du partage entre une mère et une fille qui cherchent à se retrouver et à se connaître durant le peu de temps qui leur reste. Il met en exergue les questionnements des aidants qui veulent soutenir mais qui peuvent flancher et culpabiliser pour cela. Au fond, il soulève le tabou de la mort. Or, ne sommes-nous pas tous des équilibristes ? Des funambules dont le fil finit par s’user à force de marcher dessus. Ne vit-on pas tous avec l’espoir surtout qu’il se casse d’un coup ?

Les Equilibristes
Date de sortie : 14 octobre 2020
Durée : 1h39
De Perrine Michel
Distribution : Les Alchimistes

Roxane Curtet Journaliste infirmiers.com roxane.curtet@infirmiers.com  @roxane0706


Source : infirmiers.com