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Don d’organes et transplantations touchés en plein cœur par la crise sanitaire

Publié le 04/05/2021
Don d’organes et transplantations

Don d’organes et transplantations

En 2020, les greffes d’organes ont baissé de 25% (1) par rapport à l’année précédente. Les services de prélèvement d’organes, de tissus et de transplantations figurent parmi les victimes collatérales de la crise sanitaire.

Les transplantations rénales ont accusé une baisse de 29 % en 2020

Les infirmiers coordinateurs de prélèvement de tissus et d’organes recensent les donneurs potentiels ; les infirmiers coordinateurs de greffe gèrent quant à eux la transplantation. Ces deux métiers indissociables ont connu une chute de leur activité depuis le début de l’épidémie. Aujourd’hui, face à la baisse de donneurs et à des règles supplémentaires imposées par le Covid-19, ils apprennent peu à peu à travailler avec cette nouvelle donnée. 

Redéploiement du personnel et suspension temporaire de la greffe rénale

À l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière (Paris) qui a transformé certains de ses services en espace de réanimation, l’unité de Viviane Justice, infirmière coordinatrice de prélèvement d’organes et de tissus depuis vingt ans a fortement été impactée : Nous sommes quatre coordinateurs. Lors de la première vague, deux collègues ont été mobilisés en réanimation. Aux Hospices Civils de Lyon, le service de coordination de prélèvement a aussi connu un redéploiement du personnel : Habituellement, nous sommes sept infirmiers. Au premier confinement, une collègue a été transférée en réanimation et trois autres ont été déployés à la cellule dédiée au Covid-19. Nous sommes restés à trois pour assurer l’activité de notre unité, relate Béatrice Bodet, infirmière coordinatrice de prélèvement. Du personnel réquisitionné dans des services sous tension, des services hospitaliers saturés, mais aussi la chute du nombre de donneurs à cause des confinements ou de la crainte d’une contamination au Covid-19 : On a recensé deux donneurs sur la période du mois d’avril au mois de juin de l’année 2020 contre huit environ avant la pandémie, se souvient Viviane Justice. La nécessité de faire de la place en réanimation constitue aussi un frein pour de potentiels donneurs comme l’explique Sophie Bodet : Il faut prouver par un examen clinique qui peut prendre entre 24 à 72 heures que la personne est en état de mort encéphalique. Pour cela, il faut bloquer un lit. La situation est trop tendue. On ne peut pas se le permettre. Restées à deux dans leur service de quatre personnes lors de la première vague, Viviane Justice et sa collègue Christine Spussia se sont vite rendu compte que leur activité allait chuter : Au tout début, on ne cherchait pas à comprendre, tous les gens qui étaient étiquetés Covid-19 étaient réfutés au prélèvement, se rappelle Christine Spussia. L’Agence de la biomédecine nous a demandé d’arrêter l’activité de greffe rénale, poursuit Viviane Justice. En effet, si toute les greffes d’organes ont baissé depuis le début de l’épidémie, les transplantations rénales ont particulièrement accusé le coup (-29 % en 2020) par rapport à l’année 2019, selon l’Agence de la biomédecine. Pour les organes qualifiés de non vitaux tel que le rein, qui peut bénéficier d’un traitement de suppléance à travers la dialyse séquentielle, la baisse d’activité s’explique par la suspension temporaire de la transplantation rénale (à l’exception des greffes pédiatriques et des greffes combinées) : Cette suspension a eu lieu du 17 mars 2020 au 11 mai 2020. A l’époque, on ne connaissait pas du tout ce virus et des informations en provenance d’Italie nous ont alertés sur la mortalité en post-greffe rénale qui était alors très importante, explique le Pr François Kerbaul, directeur du prélèvement et de la greffe d’organes et de tissus à l’Agence de la biomédecine. Au 1er janvier 2021, 8 912 personnes étaient en attente active de greffes rénales (un candidat à la greffe est « actif » s’il n’est pas en contre-indication temporaire au 1er janvier). La baisse d’activité a été moins sensible pour les organes vitaux. Le cœur a ainsi connu une baisse d’environ 13 %, de 17 % pour le foie et de 26 % pour le poumon.

"On a perdu beaucoup de patients qui étaient sur la liste d’attente"

Julie Gonzalez, infirmière coordinatrice de greffe aux Hospices Civils de Lyon, prend en charge des patients en attente d’une transplantation hépatique. En mars 2020, toutes les hospitalisations alors en cours pour ses patients en pré-greffe ont été annulées. Si au début le virus était une contrainte dans son travail, elle dit aujourd’hui avoir appris à exercer avec : Cela demande une certaine gymnastique. On favorise les patients les plus urgents. On a une centaine de patients à contacter en pré et en post-greffe pour savoir s’ils veulent recevoir leur dose de vaccin. Il faut aussi reconvoquer les personnes immunodéprimées pour une troisième dose. Julie Gonzalez coordonne de moins en moins de greffes et sa liste d’attente ne cesse de s’allonger : On a perdu beaucoup de patients qui étaient sur la liste d’attente. Leur état de santé s’est aggravé et la greffe n’est pas arrivée à temps. Ils sont décédés des suites de leur maladie hépatique, déplore-t-elle.

Rebond et adaptabilité

L’une des activités principales des infirmiers coordinateurs de prélèvement est le prélèvement de cornées en chambre mortuaire. La cornée est le tissu le plus prélevé sur donneur décédé. Là aussi, le Covid-19 était une contre-indication : Il s’est avéré que la majorité des donneurs étaient positifs au Covid-19. Il nous était donc impossible d’effectuer des prélèvements de cornées au début du premier pic épidémique, souligne Viviane Justice. Par mesure de précaution, l’activité de prélèvement de tissus (cornée, épiderme, vaisseaux, valves cardiaques, os) sur décès au funérarium des Hospices Civils de Lyon a été arrêtée entre début mars et début juin. En 2020, l’activité de prélèvement de cornées a reculé de 27 % par rapport à 2019, avec 4 614 cornées prélevées, contre 6 333 l’année précédente. Cette activité a surtout été lourdement affectée au mois d’avril 2020 lors du premier confinement, d’après l’Agence de la biomédecine.

Après un retour à la normale au mois de juin, lorsque l’équipe de Viviane et de Christine s’est retrouvée au complet suite au retour des membres qui avaient été réquisitionnés en service d’urgence ; leur unité connaît aujourd’hui un nouveau chamboulement : A cause de la troisième vague, un collègue est retourné en réanimation. Lors du premier confinement, les gens roulaient moins, il y avait donc moins d’accidents de la route ou du travail. Le confinement actuel est totalement différent. Les gens ont repris la voiture, font des accidents. Nous avons de nouveau des traumas crâniens qui entraînent des décès de personnes qui peuvent être de potentiels donneurs, relève Viviane Justice. Au premier trimestre 2021, 96 greffes supplémentaires ont été réalisées par rapport à la même période en 2020. Grâce à l’expérience acquise au cours des deux premières vagues et à l’évolution des connaissances acquises sur le virus, les équipes de prélèvement et de transplantation se sont adaptées : Si j’ai un patient qui a été positif au Covid-19 et qu’au bout de 14 jours, il présente un test PCR négatif, il peut être éligible au prélèvement, prévient Christine Spussia.

Pour le Pr François Kerbaul, le prélèvement et la greffe constituent une priorité nationale au même titre que d’autres prises en charge : Ce n’est pas un luxe. Les patients qui sont en attente d’une greffe ont le droit, y compris en cette période, d’accéder à des soins de qualité. Pour ce faire, l’Agence de la biomédecine a établi la conduite à tenir vis-à-vis du virus afin de s’assurer que les donneurs potentiels étaient indemnes de Covid-19. Le but étant d’éviter toute transmission entre le donneur et le receveur. Ainsi, les équipes de coordination de prélèvement réalisent systématiquement des tests nasopharyngés auprès des donneurs. Ils s’appuient aussi sur des analyses scanographiques, notamment au niveau des poumons, dans les 24 heures précédant l’entrée au bloc opératoire. L’entourage du donneur est aussi questionné sur la possibilité d’une infection au Covid-19 de la personne décédée. Quant aux receveurs, ils sont aussi surveillés de très près par les équipes de coordination. Depuis le début de l’année 2021, l’activité de greffes à partir de donneurs vivants a atteint des niveaux supérieurs à ceux observés en 2019 et 2020.

Note

  1. Toutes les données chiffrées proviennent de l’Agence de la biomédecine Agence de la biomédecine (agence-biomedecine.fr)

Inès KheireddineJournaliste infirmiers.com ines.kheireddine@gpsante.fr 


Source : infirmiers.com