En amont des 62èmes Journées de l’ingénierie hospitalière, qui se tiendront du 22 au 24 juin 2022 au Palais des congrès de la Porte Maillot, Paris XVIIème, nous retrouvons le Président de l’Association des Ingénieurs Hospitaliers de France (IHF) pour présenter cet événement. Au cours de cet entretien, il nous explique comment la crise sanitaire a changé les standards de construction des établissements de Santé et tevient,entre autres, sur la nécessaire décarbonisation des installations hospitalières.
Cadredesante.com : Nous avions échangé en février 2020 pour présenter les Journées des Ingénieurs Hospitaliers de France (IHF) de juin 2020, qui, bien entendu, n’ont pas eu lieu. Comment avez-vous maintenu le lien avec vos adhérents et sympathisants depuis ?
Bruno Cazabat : La décision de l’annulation des journées 2020 a été très dure à prendre, eu égard à l’énergie déployée par le comité d’organisation et à la qualité des présentations qui étaient prévues de faire à cette occasion. Mais il n’y avait pas de discussion possible étant donné le contexte sanitaire du moment. Nous avons tout de même distribué à tous les inscrits le livre des actes rassemblant toutes les interventions du programme 2020. De plus quelques présentations ont été diffusées en mode vidéo. C’est la session 2021, entièrement digitale, qui nous a permis d’entretenir le lien entre l’association et les acteurs de terrain. Nous avons d’ailleurs enregistré presqu’autant d’inscrits pour cette session qu’en pour les congrès en présentiel. Et comme nous sommes certifiés Qualiopi avec contrôle des acquis nous avons mis en place un QCM en fin de congrès et l’évaluation a été très bonne.
CDS.com : J’imagine que vous voyez arriver le congrès 2022, qui se déroulera cette fois en présentiel, avec satisfaction ?
B.C. : Effectivement, nous serons heureux de nous retrouver. Les webinaires apportent un contenu pédagogique et scientifique indéniable, mais l’essence de ces manifestations est aussi de se rencontrer et d’échanger, souvent de façon informelle, sur nos pratiques. Cette année, les Journées IHF seront orientées vers la neutralité carbone. Nous allons mettre en lumière les leviers que les ingénieurs hospitaliers doivent actionner pour rendre les bâtiments plus performants. Nous parlerons ainsi d’emplacement des sites hospitaliers, de la rénovation, des matériaux, ainsi que de la maîtrise de l’énergie et de la consommation. L’idée est d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2050, ce qui est un objectif assez ambitieux je l’avoue.
CDS.com : Revenons un instant sur la période de pandémie de COVID. Les soignants étaient bien entendu en première ligne, mais tous les acteurs ont œuvré dans la lutte contre la propagation du virus. Quel a été le rôle des ingénieurs hospitaliers dans ce contexte ?
B.C. : Notre action, dans cette période troublée où il a fallu faire preuve de réactivité, s’est portée sur deux thématiques majeures : la gestion des flux des patients et des matériels tout d’abord, et l’augmentation de la capacité des locaux aux pratiques de soins intensifs. Nous avons fait en sorte d’adapter certains locaux existants, notamment unités de soins, salles de bloc opératoire et salles de réveil, en les transformant pour accueillir des lits de soins intensifs. Nous avons aussi monté une offre innovante d’unités de réanimation modulaires mobiles. Cette offre n’a pas eu le succès escompté du fait de la pénurie de soignants. Les Journées IHF feront d’ailleurs l’objet de la présentation d’une autre innovation, un kit de transformation d’une unité de soins ordinaire en unité de soins intensifs avec sas d’entrée, filtration de l’air H14, dépression des chambres et processus d’entrée sécurisé. Les soignants pouvant ainsi travailler sans risque de contamination. Ce kit testé aux Hospices Civils de Lyon a fait l’objet d’améliorations sensibles grâce aux remarques des soignants.
CDS.com : Cette pandémie a-t-elle fait évoluer les standards architecturaux pour les établissements hospitaliers ?
B.C. : Elle a en effet placé des critères au premier plan. Nous venons d’en parler succinctement : la séparation des flux, le traitement d’air ailleurs que dans les blocs opératoires et réa, ainsi que la flexibilité de la conception des unités de soins pour pouvoir les adapter à une crise sanitaire sont désormais des passages obligés dans le processus architectural. Les chambres individuelles sont également préconisées, au-delà des 80% minimum habituels dans les projets hospitaliers neufs. Nous devons cependant tenir également compte du souhait de certains patients d’avoir de la compagnie lors de leur hospitalisation.
CDS.com : Justement, les patients seront également pris en compte lors des Journées IHF. Ont-ils vraiment leur mot à dire pour la conception de l’environnement hospitalier ?
B.C. : Effectivement, nous aurons une session dédiée à la démocratie sanitaire et aux attentes des patients. Ces derniers sont désormais acteurs de leur Santé et l’environnement hospitalier fait partie de ce processus. Une expérience intéressante sera d’ailleurs décrite aux Journées IHF sur le thème du patient actif dans son processus de guérison, qui montrera l’impact qu’il peut avoir sur la conception des bâtiments. Nous parlerons également de l’intégration de l’hôpital dans la ville, un campus vert, avec une composante économie d’énergie, d’une conception de rupture des bâtiments, par un cabinet d’architectes belges. D’autres approches comme la co-conception ou le design thinking seront traités avec des retours d’expérience.
CDS.com : Pour finir, comment le métier d’ingénieur hospitalier évolue-t-il à la lumière des expériences récentes ?
B.C. : Notre métier évolue, mais pas tout seul, il est partie prenante d’un collectif qui œuvre à la conception, à la construction, à l’exploitation et à la maintenance des hôpitaux. C’est une chaîne comprenant des ingénieurs et architectes, des entrepreneurs, des logisticiens, des professionnels de Santé et des patients. Il faut donc avoir une vision très large sur l’ensemble de l’hôpital et son fonctionnement. Et rassembler des compétences spécialisées dans de nombreux domaines pour répondre aux objectifs de qualité des soins, de sécurité et de bien être des patients. Et l’objectif de décarbonation et de maitrise de l’énergie, vital pour le climat, devient d’autant plus urgent que l’environnement international s’aggrave.
Propos recueillis par Bruno BenqueRédacteur en chef www.cadredesante.com bruno.benque@cadredesante.com@bbenk34
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