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COVID-19 : comment sont soignés les patients atteints de pneumonies sévères ?

Publié le 09/03/2020
coronavirus chine

coronavirus chine

Les coronavirus constituent une grande "famille" de virus, habituellement responsables de banals "rhumes". Parfois, cependant, des coronavirus responsables de pneumonies sévères émergent. Ce fut le cas en 2002-2003, avec l’épidémie de syndrome respiratoire aigu sévère causée par le SARS-CoV (Severe Acute Respiratory Syndrome-CoronaVirus), qui prit naissance en Chine, ou en 2012 avec l’épidémie de MERS (Middle East Respiratory Syndrome), qui a touché le Moyen-Orient. Aujourd’hui, nous faisons face à une troisième épidémie de ce type, due au coronavirus SARS-CoV-2 responsable de la maladie dénommée COVID-19, qui a émergé en Chine à la fin de l’année dernière. Si ce nouveau coronavirus est bénin dans la majorité des cas, il peut s’avérer mortel en particulier chez certains patients à risque. Intéressons-nous à la façon sont soignés les patients atteints de la forme la plus grave de pneumonie due au COVID-19.

Le nouveau coronavirus infecte un nombre de patients beaucoup plus important que les précédents : alors que le SRAS n’avait touché qu’environ 8 000 patients, plus de 95 000 cas de COVID-19 ont déjà été confirmés, dont plus de 80 000 en Chine (et 423 en France au 05 mars). Près de 3300 décès ont été recensés, dont plus de 3000 en Chine. Le nombre de pneumonies dues au SARS-Cov-2 pourrait donc encore augmenter dans les semaines à venir. Quels sont leurs symptômes ? Comment les patients atteints sont-ils pris en charge ?

La pneumonie, cause fréquente de consultation

Les pneumonies (ou pneumopathies infectieuses) sont des infections des voies aériennes basses, expression désignant la trachée, les bronches, les bronchioles et les alvéoles. Il s’agit d’une cause fréquente de consultation en médecin libérale, mais aussi dans les services d’urgence. La gravité potentielle d’une pneumonie réside dans le degré d’altération du fonctionnement pulmonaire. Celle-ci peut en effet entraîner une hypoxémie (défaut d’apport en oxygène), voire une détresse respiratoire, véritable faillite pulmonaire. L’hospitalisation est alors nécessaire.

En haut, une radiographie du thorax normale (A), au milieu, une radiographie du thorax révélant une pneumonie virale (B), et en bas une radiographie du thorax révélant un syndrome de détresse respiratoire aigu (C). DR/APHM, Author provided

Les agents infectieux les plus connus à l’origine de pneumonies sont les bactéries. Ceci est lié non seulement à leur fréquence, mais aussi au fait que, contrairement aux virus, elles sont facilement mises en évidence au laboratoire par des techniques de culture standard, maîtrisées depuis longtemps. La culture des virus est beaucoup plus longue et difficile. En outre, leur petite taille implique de passer par des techniques de microscopie électronique pour les observer qui sont plus lourdes à mettre en œuvre que les techniques de microscopie optique utilisées pour les bactéries.

L’avènement dans les années 1980 des techniques d’amplification d’acides nucléiques (Polymerase Chain Reaction ou PCR), qui permettent de détecter et d’analyser le matériel génétique d’un micro-organisme même lorsqu’il n’est présent qu’en faible quantité, ont permis de mieux prendre la mesure du rôle des virus dans les infections, en particulier pulmonaires. Grâce à elles, un nombre important de pneumonies dont l’origine était « non documentée » ont pu être attribuées à des agents viraux.

Selon les dernières revues de la littérature, les pneumonies virales représentent environ 20 à 25 % des pneumonies acquises en communauté (ou pneumonies communautaires), c’est-à-dire hors de l’hôpital, et jusqu’à 50 % dans les formes graves. Parmi les virus pourvoyeurs de pneumonies, les virus grippaux (Influenza virus), responsables d’épidémies hivernales, sont les plus connus. D’autres virus peuvent également être impliqués, comme le VRS (virus respiratoire syncytial), le rhinovirus ou encore les coronavirus.

Un risque accru chez certains patients

L’altération des poumons résulte de deux mécanismes : le virus agresse directement le revêtement bronchique et pulmonaire, et entraine aussi une inflammation. Ces 2 phénomènes provoquent une diminution des échanges gazeux. Le risque de développer une pneumonie sévère est particulièrement élevé lorsque le patient est fragilisé par certaines comorbidités : pathologies respiratoires et cardio-vasculaires chroniques, cancer, prise de traitements immunosuppresseurs comme les anticancéreux ou les traitements antirejets chez les patients transplantés, etc. Plus l’âge d’un individu est avancé, plus son risque de présenter une ou plusieurs sources de vulnérabilités est grand.

Dans le cas du COVID-19, il apparait que la plupart des patients décédés de pneumonies causées par le SARS-CoV-2 (ou qui ont présenté des tableaux cliniques sévères) étaient effectivement porteurs de comorbidités ayant altéré leur réponse immunitaire et donc leur capacité à combattre le virus. Dans leurs formes les plus graves, les pneumonies à SARS-CoV-2 sont responsables d’un tableau appelé syndrome de détresse respiratoire aiguë (SDRA), qui est associé à une mortalité allant de 30 à 50 %. Il s’agit d’une atteinte des 2 poumons avec une inflammation sévère entraînant la destruction des alvéoles pulmonaires ainsi qu’un œdème important.

Prise en charge des patients atteints de formes sévères de COVID-19

Lorsqu’un patient contaminé par le SARS-CoV-2 présente une pneumonie jugée grave, il est admis en réanimation dans une chambre individuelle, tandis que l’ensemble des soignants met en place des mesures de précautions d’hygiène, d’isolement respiratoire et de contact. Cette décision est prise par le médecin sur la base de critères essentiellement cliniques, à partir du moment où il constate des difficultés à respirer, une accélération de la fréquence respiratoire et cardiaque, un épuisement respiratoire... Surtout, la réanimation est envisagée lorsqu’il est nécessaire de placer le patient sous oxygène, voire sous assistance respiratoire. Outre ces problèmes respiratoires graves, les patients qui développent des formes d’infection par le SARS-CoV-2 sévères peuvent aussi présenter des états de choc se traduisant par une chute de leur tension ou une insuffisance rénale.

Une radiographie des poumons, ou un scanner si nécessaire permet au médecin de mesurer l’étendue de l’atteinte pulmonaire. Il s’appuie également sur des examens biologiques complémentaires (gaz du sang) afin d’évaluer le degré de l’atteinte, et son retentissement sur les autres organes. Enfin, comme dans toute infection respiratoire virale, des analyses sont menées pour détecter une éventuelle co-infection bactérienne. La collaboration entre virus et bactéries, qui aggrave leurs pouvoirs pathogènes respectifs, est en effet fréquente.

Cette image de microscope électronique à balayage montre le SARS-CoV-2 (sphères bleues) émergeant de cellules cultivées en laboratoire (image colorisée). NIAID-RML, CC BY

Surveiller, traiter, suppléer

Une fois le patient admis en réanimation, trois axes vont guider sa prise en charge. Tout d’abord, une surveillance continue débute. Assurée par le personnel soignant qui s’appuie sur des appareils de monitorage, elle se poursuit 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. Ensuite, lorsqu’un traitement permettant de s’attaquer directement à la cause de l’infection existe, il est administré. Dans le cas du COVID-19, il faut souligner qu’à l’heure actuelle, le traitement étiologique du SARS-CoV-2 fait encore débat, et qu’il n’existe toujours aucun traitement spécifique formellement recommandé. De nombreuses molécules, de différentes classes thérapeutiques sont à l’heure actuelle à l’étude en France et dans le monde. Lorsqu’il existe des signes de co-infection bactérienne, un traitement antibiotique peut aussi être prescrit. Cependant, la base du traitement des cas sévères en réanimation reste, comme souvent lors des infections virales, le traitement de suppléance.

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Pallier la déficience des organes touchés

Ce traitement symptomatique a pour but de pallier la déficience des organes touchés. On va fournir aux patients en détresse respiratoire une assistance respiratoire plus ou moins importante. Le premier niveau consiste à administrer de l’oxygène à concentration très élevée et avec un débit important (oxygénothérapie à haut débit) par voie nasale, au moyen de lunettes à oxygène.

Lorsque ceci ne suffit pas, une ventilation mécanique peut être mise en place, soit de façon non invasive, au moyen d’un masque insufflant de l’air enrichi en oxygène sous pression, soit de façon invasive, après intubation de la trachée au moyen d’une sonde. Les patients sont alors sédatés et placés sous respirateur artificiel. L’idée est d’assurer la fonction respiratoire et de protéger le poumon. En effet, en cas de pneumonie la respiration elle-même peut être à l’origine de lésions pulmonaires : en utilisant des réglages de volume et de pression appropriés, le respirateur permet de protéger les poumons le temps que l’infection soit combattue et les dégâts pulmonaires résolus.

Dans les cas les plus graves, et lorsque la mise sous ventilateur seule est insuffisante, les réanimateurs peuvent mettre en œuvre d’autres techniques. Ils peuvent par exemple recourir à la curarisation des patients. Il s’agit de provoquer une paralysie musculaire en interrompant de façon temporaire et réversible la transmission de l’influx nerveux entre les nerfs et les muscles respiratoires grâce à l’injection de curares. Cette mise au repos des muscles permet d’éviter que le patient ne « lutte » contre le respirateur. Les malades peuvent aussi être positionnés sur le ventre pendant plus de la moitié de la journée puis repositionnés sur le dos. Cette posture en décubitus ventral permet de réaérer leurs poumons et de redistribuer le flux sanguin pulmonaire vers les zones de poumon sain. Enfin, l’emploi de gaz tels que le monoxyde d’azote peut permettre d’améliorer l’oxygénation.

Une unité de traitement ECMO (ici dans une unité de soins intensifs à Hombourg, Allemagne) est constituée d’un système d’oxygénation extracorporelle par membrane (A) et d’un dispositif de thermorégulation (B). Trudzinski, FC et al, (2015) Eurosurveillance

En dernier recours, si ces approches s’avèrent insuffisantes, les soignants peuvent décider de mettre en place une assistance respiratoire extra-corporelle (extracorporeal membrane oxygenation - ECMO). Cette approche, qui n’est disponible que dans certains centres de haut niveau technique, constitue le degré ultime de suppléance respiratoire. Elle consiste à pomper le sang du patient au moyen de canules mises en place dans ses veines de gros calibre (veines fémorales), puis à le mettre en circulation dans une machine qui va l’oxygéner directement, en le faisant passer à travers une membrane recevant un mélange d’air et d’oxygène. Un article récent relate que sur 52 patients infectés par le SARS-CoV-2 admis en réanimation dans le Wuhan, en Chine, 6 ont du être mis sous ECMO suite au SARS-CoV-2 (soit 11,5 %). Étant donné la grande facilité de propagation du SARS-CoV-2, le nombre de patients atteints de formes sévères et nécessitant une admission en réanimation pourrait augmenter dans les semaines à venir. Il faut néanmoins souligner que la mortalité de ce nouveau coronavirus est calculée à partir de chiffres qui ne tiennent pas compte des patients asymptomatiques ou pauci symptomatiques : en effet, s’ils ne consultent pas de médecins, ils ne sont pas détectés. Des travaux récents indiquent ainsi que 6 cas sur 10 pourraient passer inaperçus, ce qui impliquerait que le taux de létalité du SARS-CoV-2 pourrait encore être revu à la baisse.

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Sami Hraiech, MCU-PH en Médecine Intensive - Réanimation, Assistance Publique des Hôpitaux de Marseille, Service de Médecine Intensive-Réanimation, CHU Nord, Aix-Marseille Université (AMU).Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.


Source : infirmiers.com