La France n'a "pas le droit au relâchement", a affirmé mardi 23 juin l'entourage du Premier ministre en appelant à la "discipline individuelle" pour éviter une nouvelle vague de coronavirus, alors que des mesures de reconfinement ont été prises le même jour en Allemagne et au Portugal. Olivier Véran a présenté la stratégie du gouvernement si ce scénario devait se produire. Le ministre de la santé a notamment annoncé qu’un dépistage systématique de la population allait être expérimenté, pour les personnes volontaires, dans des zones à risque. Malgré toutes les précautions, le Conseil scientifique estime qu'une deuxième vague épidémique est "extrêmement probable" à l’automne. Dans les hôpitaux, dans les Ehpad, en libéral : sommes-nous armés pour y faire face ? Eléments de réponses avec des acteurs de chaque secteur. Après une première partie sur l’hôpital , voici la suite avec le point de vue d’Eric Fregona, directeur adjoint de l’ADPA, qui représente les directeurs des maisons de retraites.
Quand on parle de deuxième vague à Eric Fregona, directeur adjoint de l’AD-PA, qui représente les directeurs des maisons de retraite, il est encore entièrement à la gestion de la première crise que nous venons de traverser. C’est l’inconnu et la peur
qui ont été compliqués à gérer pendant la crise
, tant du côté des familles que du côté des professionnels de santé. On est actuellement dans une phase de gestion du stress post traumatique
, explique-t-il, alors que les professionnels ont été confrontés à de lourdes responsabilités ou encore à de la culpabilité et que tous, personnels soignants comme patients, ont connu des situations difficiles. On voit aujourd’hui chez nombre de professionnels, des réactions, des attitudes qui révèlent qu’ils ne sont pas sortis de la crise
. Des professionnels à fleur de peau
, qui continuent à vouloir travailler excessivement, à être dans une extrême protection des personnes âgées... Si on passe l’été comme ça, cela ne sera pas bon
, tranche Eric Fregona qui incite les professionnels à accepter une aide psychologique ou un accompagnement avec du coaching
, pour arriver à tourner la page
. C’est davantage sur ce plan –psychologique- que le directeur adjoint de l’AD-PA redoute les choses. La situation pourrait s’aggraver en cas de deuxième vague.
Tant qu’on n’opérera pas un virage important dans le secteur d’aide aux personnes âgées, avec un vrai travail de fond sur l’attractivité des métiers, la reconnaissance des professionnels, on ne pourra pas faire face efficacement aux épisodes épidémiques. Il y aura toujours des morts en excès.
Il n’y aura pas de miracle dans les Ehpad
Le retard qu’on a eu sur les masques en Ehpad et à domicile a été à l’origine de décès en excès, même si l’on sait que notre population reste la plus fragile
. Masques, gants,… aujourd’hui on a la garantie par le ministère, d’avoir le matériel de protection nécessaires pour les Ehpad et pour le domicile jusqu’à la fin du mois de septembre
assure Eric Fregona. Difficile en revanche de se projeter à l’automne mais le directeur adjoint de l’ADPA fait confiance aux pouvoirs publics – et a surtout d’autres sujets d’inquiétude. Côté enseignements de la crise, le tableau est assez sombre. On a beau faire tout ce que l’on peut dans le secteur de l’aide aux personnes âgées, on n’est pas prêts à faire face aux épidémies connues – je pense à la grippe (14 000 morts par ans sur les 5 dernières années), à la canicule (environ 3 000 à 4 000 morts par an sur les épisodes caniculaires classiques) à cause du manque criant de personnels
. Un problème endémique qui cristallise les craintes d’Eric Fregona en cas de rebond de l’épidémie. Là ce n’est plus de la gestion de crise mais de l’inconnu, on est encore moins préparés
, assène-t-il, renvoyant au dernier rapport de l’OCDE publié lundi 22 juin : on a moitié moins de professionnels que nos voisins européens dans le secteur du grand-âge, c’est sans appel
. En cas de deuxième vague, il n’y aura malheureusement pas de miracle dans les Ehpad donc. Tant qu’on n’opérera pas un virage important dans le secteur d’aide aux personnes âgées, avec un vrai travail de fond sur l’attractivité des métiers, la reconnaissance des professionnels, on ne pourra pas faire face efficacement aux épisodes épidémiques. Il y aura toujours des morts en excès. Ce qui est malheureux en France, c’est que comme on considère que ce sont des personnes âgées, eh bien c’est moins grave. C’est inacceptable pour nous d’entendre ça
.
D’une crise à l’autre : l’heure est à la gestion de l’épisode caniculaire redouté, dans un contexte d’effectifs (encore plus) restreints puisque les personnels qui n’ont pas pu le faire partent à présent en congé. On traite l’urgence avec des mesures très spécifiques suite au Covid (On ne peut pas utiliser comme avant les ventilateurs et les climatiseurs, on doit donc faire en sorte que les rassemblements dans les salles communes soient restreints, on est obligés de faire des rondes plus fréquentes, davantage d’actes d’hydratation…)
Malgré tout, dans les Ehpad comme ailleurs, le Covid semble avoir beaucoup reculé, avec quasiment pas de remontée de la part des directeurs sur d’éventuels cas
dans les établissements. On est sur deux fronts aujourd’hui : sur le front du soutien psychologique et de la gestion post traumatique et en même temps dans une concentration sur la canicule en mettant en œuvre ce qu’on sait faire, et en gardant du recul sur la situation : tant qu’on n’aura pas le nombre de professionnels adéquat, on ne pourra malheureusement pas éviter un nombre de morts en excès, en tout cas dans notre secteur, ce que nous regrettons
, résume-Eric Fregona.
Susie BOURQUINJournaliste susie.bourquin@infirmiers.com @SusieBourquin
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