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Coronavirus : le monde libéral est-il préparé à l'éventualité d'une deuxième vague ?

Publié le 03/07/2020
Coronavirus : sommes-nous armés pour une deuxième vague ?

Coronavirus : sommes-nous armés pour une deuxième vague ?

La France n'a "pas le droit au relâchement", a affirmé mardi 23 juin l'entourage du Premier ministre en appelant à la "discipline individuelle" pour éviter une nouvelle vague de coronavirus, alors que des mesures de reconfinement ont été prises le même jour en Allemagne et au Portugal. Olivier Véran a présenté la stratégie du gouvernement si ce scénario devait se produire. Le ministre de la santé a notamment annoncé qu’un dépistage systématique de la population allait être expérimenté, pour les personnes volontaires, dans des zones à risque. Malgré toutes les précautions, le Conseil scientifique estime qu'une deuxième vague épidémique est "extrêmement probable" à l’automne. Dans les hôpitaux, dans les Ehpad, en libéral : sommes-nous armés pour y faire face ? Eléments de réponses avec des acteurs de chaque secteur. Après une première partie sur l’hôpital , une seconde sur les maisons de retraites, voici le point de vue de deux infirmières libérales.

Après le manque de masque, c’est maintenant "l’approvisionnement en gants" qui devient "un casse-tête" dans de nombreuses régions, souligne Sylvie Ciron, infirmière libérale et membre de l’association Unidel.

Pour Myriam, infirmière libérale du côté de Montluçon , en Auvergne-Rhône-Alpes, les infirmiers libéraux redoutent un peu l’éventualité d’une deuxième vague. On constate un relâchement du côté des patients, confie-t-elle. Dans cette région relativement épargnée par le Covid-19, le système D a été de mise. Le premier mois a été très compliqué côté matériel. On avait gardé quelques masques H1N1 et on a reçu heureusement beaucoup de dons. On a commandé des surblouses, des charlottes, sur des sites de coiffeurs, on est allés dans des magasins agricoles pour des blouses jetables, on a utilisé des nappes jetables pour les sièges de la voiture, raconte Myriam. Pour éviter de voir se reproduire ce scénario, l’infirmière libérale et ses collègues font des stocks (de gants, de gel hydroalcoolique, de masques FFP2), en prévision d’un regain de l’épidémie. Elle et sa collègue se sont aussi formées aux tests naso-pharyngés au laboratoire de la ville. On nous en demande, c’est obligatoire pour les gens qui vont se faire opérer. De manière générale, Myriam estime que l’organisation sera plus au point que lors de la première vague. Si on a, à l’avenir, des patients Covid, on mettra en place une tournée spécifique pour ces patients-là, ou bien on les regroupera en fin de tournée pour éviter les contaminations. Reste la question de la fatigue, importante parmi les libéraux, sur le plan physique comme psychologique. Tout cela était stressant et puis, côté organisation, je rentrais par mon garage, je me douchais deux fois par jour (cheveux compris à chaque fois), je lavais aussi mes tenues deux fois par jour et je devais désinfecter ma voiture… Une routine particulièrement lourde, épuisante. Pourtant, Myriam, qui n’a pas pu prendre de congés au plus fort de l’épidémie, n’a pas l’occasion de se relâcher, avec des patients plus nombreux aujourd’hui que pendant la crise. En cas de deuxième vague, fatigués ou non, on n’aura pas trop le choix, sourit-elle, même si elle s’est posée la question de savoir si elle allait tenir. Le point marquant : l’organisation à l’échelle locale, avec un groupe Facebook regroupant une centaine d’infirmières, des conversations WhatsApp avec les hôpitaux de la région, ou encore des soirées sur Zoom avec les professionnels du secteur pendant tout le confinement, a permis un échange très fructueux entre professionnels. Ça remontait beaucoup le moral et ça permettait de pouvoir poser une question sur une prise en charge. En cas de deuxième vague, ces réseaux, toujours actifs, et qui ont fait la preuve de leur efficacité, seront réutilisés. 

Comment motiver les gens à affronter une deuxième vague s’ils n’ont pas d’indemnisation pérennes, interroge Sylvie Ciron, infirmière libérale.

Consignes floues et dégoût

En Bourgogne-Franche-Comté comme partout sur le territoire, le virus diminue progressivement, mais on a encore assez peu fait de tests, explique à son tour Sylvie Ciron, infirmière libérale dans la région et membre du conseil d’administration de l’association Unidel. La professionnelle note toutefois elle aussi beaucoup de relâchement côté gestes barrières (les gens n’ont pas toujours de masques même lorsque c’est obligatoire dans les magasins, note-elle). Pour elle, les infirmiers libéraux ont des raisons de redouter une deuxième vague, à plus d’un titre. D’abord parce que les premières informations délivrées par le conseil scientifique, le gouvernement et les autorités sanitaires en général ont été assez floues (sur l’intérêt du masque ou encore sur des chiffres avancés en l’absence d’une généralisation des tests), ce qui n’a pas aidé à la prise en charge sur le terrain. Difficile de faire passer des messages de prévention dans un climat de défiance, induit par des consignes peu claires, estime-t-elle. Le monde libéral s’est préparé avec les moyens du bord en sollicitant les mairies, le tissu associatif, les cantines, les entreprises… pour obtenir du matériel. Pour certains qui n’avaient pas de centre Covid dédié, des regroupements entre cabinets se sont opérés pour optimiser les prises en charges, certains libéraux ont aussi modifié l’ordre des tournées pour éviter les contaminations. Cette organisation dans l’urgence, a demandé du temps, de l’énergie, a généré du stress, avec un matériel absent, avec des directives peu claires, résume Sylvie Ciron qui garde, comme ses pairs, un goût amer de cette période éprouvante. On s’est sentis délaissés et méprisés sur le terrain . Après le manque de masque, c’est maintenant l’approvisionnement en gants qui devient un casse-tête dans de nombreuses régions, souligne-t-elle. Sur le volet administratif, des questions demeurent aussi, là encore qui émanent de nombreuses régions, au sujet de l’indemnisation des infirmières, une inconnue sur les prises en charge financières qui génère des tracasseries administratives. Comment motiver les gens à affronter une deuxième vague s’ils n’ont pas d’indemnisation pérennes, interroge l’infirmière libérale.

Ce que l’on vient de traverser nous a permis de repenser notre mode d’organisation. Nous savons désormais que nous sommes capables de répondre : en cas de deuxième vague, on axera encore sur la logistique : rapprochement entre cabinets, tournées dédiées, stock de matériel… On sera mieux parés, c’est certain, mais pas forcément psychologiquement. Une forme de dégoût s’est installé, accentué récemment par un Ségur "médico-hospitalo-centré", qui finit d’enfoncer le clou. Les libéraux se sentent méprisés. Cette vague que l’on a prise de plein fouet dans le Grand Est, sur la région de Lille, en Haute-Savoie…, nous l’avons affrontée. Nous avons fait en sorte de préserver les patients. Aujourd’hui, nous avons besoin que tout cela soit reconnu. Quand on voit ce que propose la sécurité sociale, si tout est lâché pour l’hôpital, nous, on passe à la trappe, s’emporte Sylvie Ciron. L’arrivée d’une deuxième vague, pour ceux qui ont été atteints dans leur chair, ça va être difficile moralement, assure-t-elle. Un sondage a été lancé par l’Unidel sur l’après Covid : plus de 62% des infirmiers libéraux interrogés ont répondu : Après, je ne serai plus infirmière. L’une des collègues de Sylvie Ciron, atteinte par le virus, suit actuellement une formation pour changer de métier, écœurée par le peu de reconnaissance de son investissement.

Susie BOURQUINJournaliste susie.bourquin@infirmiers.com @SusieBourquin


Source : infirmiers.com