Des complications physiques peuvent survenir que les stomies soient digestives ou urinaires. Celles-ci altèrent alors non seulement « la bonne évolution de la stomie », mais aussi « entraînent des difficultés d’appareillage ». De même, elles ne sont pas sans nuire « au confort du patient et à sa qualité de vie » a ainsi souligné Danièle Chaumier, infirmière stomathérapeute et présidente de l’Association française d’entérostoma-thérapeutes (Afet) à l’occasion de la dernière Journée occitane de stomathérapie (JOStoma), fin septembre à Toulouse. Une session entière y a été ainsi dédiée à cette question, intitulée “Quand ça se complique…”. En tout état de cause, précoces, tardives ou cutanées, toutes ces complications doivent impérativement être prises en charge da façon appropriée.
Les complications précoces
Parmi les plus fréquentes…
L’hémorragie
Elle est possiblement due à une hémostase déficiente, un surdosage de traitement anticoagulant (TAC) ou à des pathologies de l’hémostase. Outre le fait de prévenir le chirurgien, la conduite à tenir (CAT) repose alors localement sur une hémostase par alginate de calcium et, sur le plan général, en fonction de la cause retrouvée, sur une reprise chirurgicale éventuelle ainsi que l’adaptation du traitement anticoagulant ;
La nécrose partielle ou totale
Celle-ci est due à une mauvaise vascularisation du segment digestif (ischémie de la stomie). Dans ce cas de figure, il est impératif d’avertir le chirurgien. Puis, la conduite à tenir passe par une surveillance pluriquotidienne (poche transparente ou à hublot), la piqûre de la muqueuse avec une aiguille (en cas de doute) afin de s’assurer qu’elle saigne (geste indolore) et par une reprise chirurgicale s’il s’agit d’une nécrose complète ;
La désinsertion partielle ou totale
Elle impose tout à la fois de cicatriser la plaie et de recueillir les effluents de façon étanche. La conduite à tenir consiste alors à surveiller la stomie pluri quotidiennement, à réaliser des soins très doux sans exercer de pression péristomiale (éviter les emboitements), en utilisant par ailleurs des protecteurs cutanés (pâtes, poudre, anneaux…) et des produits de cicatrisation (alginates, fibres à haut pouvoir d’absorption…). Une reprise chirurgicale éventuelle peut être à prévoir si la désinsertion est complète ;
L’abcès péristomial
La conduite à tenir repose sur la surveillance des constantes (attention au choc septique), la recherche de la cause, une reprise chirurgicale éventuelle, puis, après évacuation de l’abcès, un appareillage incluant la stomie et isolant la loge de l’abcès vidé (possibilité d’alginate dans cette loge).
Les complications tardives
Parmi les plus fréquentes…
L’éventration péristomiale
La conduite à tenir repose sur le repérage préopératoire à travers les muscles grands droits, le choix d’un appareillage adapté (sans appui excessif pouvant majorer l’éventration), le port d’une ceinture abdominale de maintien (sur prescription médicale), la dispensation des règles hygiéno-diététiques (poids) ainsi que sur une éventuelle reprise chirurgicale (cure d’éventration avec possible transposition de la stomie) ;
Le prolapsus
Celui-ci peut être dû à des causes multiples : orifice cutané trop large, appareillage convexe inadapté, prise de poids rapide, effort intense… Cette complication tardive commande de confectionner une stomie terminale en sous-péritonéal, de choisir un appareillage adapté, sans appui ni pression lors de l’adaptation de la poche sur le support (1 pièce ou 2 pièces adhésif ou 2 pièces soufflet/anneau flottant), de ne pas utiliser de convexe ni de ceinture qui majorent le prolapsus, d’éduquer le patient à la réduction manuelle du prolapsus, de reprendre chirurgicalement ;
La sténose
La conduite à tenir passe par un toucher stomial à titre diagnostique et par une éventuelle reprise chirurgicale pour plastie d’agrandissement. Une dilatation n’est pas préconisée car celle-ci risquerait d’aggraver la sténose ;
Le saignement tardif ou hémorragie
La cause peut en être des soins agressifs, une découpe d’appareillage trop serrée, un surdosage de traitement anticoagulant, un traumatisme ou encore une récidive de la maladie causale. La conduite à tenir consiste à identifier et supprimer la cause, localement de réaliser une hémostase avec alginates de calcium, puis selon la cause retrouvée, adapter le traitement anticoagulant et les soins, proposer un appareillage non blessant, enfin à traiter la maladie causale ;
Le bourgeon péristomial
Il est causé par une hypercicatrisation sur des fils laissés en place trop longtemps entraînant saignements, douleurs et difficultés d’appareillage. Ce type de complication nécessite en prévention le retrait des fils péristomiaux afin d’éviter les cisaillements de la peau et en curatif l’utilisation du nitrate d’argent, laser et chirurgie.
« Pour toutes ces complications, il convient de retourner voir son chirurgien mais cela n’est pas forcément grave », relève Danièle Chaumier.
Les complications cutanées
Des complications d’ordre cutané peuvent aussi être observées, à l’instar de celles qui suivent…
Les dermites irritatives
Celles-ci sont dues aux effluents corrosifs (iléostomies et urostomies). La conduite à tenir de ces lésions de contact consiste à identifier et traiter la cause. Pour les rougeurs, il convient de protéger la peau avec vernis ou pâte ou anneau ; pour les excoriations cutanées (brûlures du 2nd degré) à utiliser de la poudre de protecteur cutané impérativement + pâte sans alcool ou vernis en spray ou anneaux et système deux pièces obligatoire +/- convexe +/- ceinture.
Les dermites de contact
La suppression de l’allergène (appareillage ou produit de nettoyage) s’impose de même que le traitement de la lésion (dermatologue).
Les escarres péristomiales
Elles sont provoquées par des appareillages trop rigides ou convexes ou par la traction de la baguette. Le traitement consiste surtout à lever la pression et à effectuer des soins locaux selon le stade de l’escarre.
Les folliculites
Le traitement est avant tout préventif : il ne faut pas raser les poils avec un rasoir mécanique mais utiliser une tondeuse ou couper les poils au ciseau.
Les cristaux phosphocalciques
C’est une complication spécifique des stomies urinaires). La peau péristomiale est grisâtre, épaissie, douloureuse, et parfois d’aspect plus atypique. En pareil cas, il convient d’effectuer un prélèvement ECBU avec mise en place d’une antibiothérapie si positif, de prodiguer au patient des conseils hygiéno-diététiques (si pH urinaire alcalin) et de l’interroger sur son rythme de changement, et localement d’appliquer en traitement local un mélange à part égale eau/vinaigre blanc sur les lésions pendant 10 minutes lors de chaque changement de support ;
Le pyoderma gangrenosum
C’est une rare ulcération cutanée inflammatoire et douloureuse.
Au final, il faut garder en mémoire que « toutes ces complications ont toujours une étiologie : un appareillage inadapté, des soins locaux mal réalisés ou encore une stomie mal placée, difficile à appareiller », insiste la présidente de l’Afet. Et d’ajouter : « Les soins de ces lésions cutanées sont faciles » pour peu que « la cause soit identifiée et traitée » au risque sinon « d’une récidive ». Tous reposent sur le même mode : poudre si suintement avec vernis ou anneaux ou pâte sans alcool par-dessus. La guérison des lésions s’effectue alors en quelques jours seulement dès lors que les fuites cessent.
*Article rédigé sur la base des interventions effectuées lors de la session 4 “Quand ça se complique…” de JOStoma, le 27 septembre 2022 à Toulouse.
Impact des traitements cancéreux sur les stomies
Autre sujet potentiel de complications, celui du retentissement des traitements anticancéreux (chimiothérapie, radiothérapie, thérapies ciblées) sur les stomies car, comme l’a rappelé Nathalie Vialoles, IDE stomathérapeute au sein de l’IUCT Oncopole (Toulouse) toujours lors de cette session spécifique, « 70 % des stomies sont liées à un cancer (colorectal, de la vessie, gynécologique…) ». Et celle-ci de pointer à son tour les principaux effets secondaires de ces traitements sur la stomie et, le cas échéant, la conduite à tenir.
- Troubles du transit (diarrhée, constipation). Outre la dispensation de conseils hygiéno-diététiques, il convient de renforcer la protection cutanée (selles sont plus acides notamment), d’adapter l’appareillage et de prévoir des systèmes de poches vidables.
- Fragilité cutanée (irritations/rougeurs, démangeaisons, sécheresse cutanée, éruption cutanée semblable à l’acné). Dans ce cas de figure, le patient doit retirer le support avec précaution et utiliser un protecteur cutané/spray. S’il sent que la peau s’abime, lui indiquer de faire appel à un avis spécialisé (stomathérapeute). Un système deux pièces est par ailleurs préférable.
- Fragilité de la muqueuse digestive (mucites, saignements). La conduite à tenir consiste à rassurer le patient, lui dire de faire attention à la découpe, d’appliquer des compresses non tissées d’eau froide, d’utiliser de la poudre hydrocolloïde et de traiter (avis spécialisé).
- Fonte musculaire. Celle-ci engendre l’apparition de plis cutanés abdominaux ainsi qu’une fragilité de la paroi (risques de prolapsus et d’éventration). De fait, la conduite à tenir consiste à limiter le port de charge lourde, et à réévaluer et adapter l’appareillage. La prudence sera d’autant plus de mise si l’appareillage est convexe et la stomie supérieure à 30 mm.
- Paresthésie. Face aux troubles de la dextérité et donc aux difficultés dans l’autosoin, il est préférable de proposer au patient des systèmes une ou deux pièce(s) prédécoupés ou modelables. Des soins à domicile doivent aussi être prescrits.
- Asthénie. Le soutien des patients (aidants familiaux, Idel…) est ici bien sûr essentiel.
En bref, quels que soient ces effets secondaires, il importe avant tout « d’en informer et d’y préparer les patients » afin qu’ils soient en mesure de « les surveiller et de faire appel à des personnes ressources en cas de difficultés » conclut l’IDE experte.
Pour en savoir plus : Journée occitane de stomathérapie (JOStoma)
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