PSYCHIATRIE

Psychiatrie : pour une mise en place plus adaptée des « lits à la demande »

Publié le 22/08/2022

Renforcement des équipes, cellules de gestion des lits, prise en charge à domicile… Une instruction adapte les modalités de mise en œuvre du dispositif d’ouverture des lits à la demande en psychiatrie.

L'absence de saisonnalité dans le secteur de la psychiatrie rend le dispositif de "lits à la demande" peu adapté.

Il s’agit de l’une des 30 mesures annoncées par Emmanuel Macron à l’issue des Assises de la santé mentale et de la psychiatrie , qui se sont tenues en septembre 2021. La "mesure 22" prévoit ainsi d’adapter l’offre de soins pour mieux répondre aux besoins par un dispositif de "lits à la demande". Une instruction de la Direction générale de l’offre de soin (DGOS), parue dans le Bulletin officiel "Santé-protection sociale-solidarité" du 16 août et adressée aux Agences Régionales de Santé (ARS), développe les leviers à mobiliser pour l’accompagner, à commencer par le renforcement des équipes par des profils d’infirmiers en santé mentale et de psychologues.

Un dispositif peu adapté au secteur

À l’origine de cette instruction, un constat : cette mesure d’ouverture de lits à la demande ne serait pas, en l’état, adaptée à la psychiatrie. Si les demandes de prise en charge augmentent effectivement, face à une offre de soin de plus en plus contrainte s’accompagnant de tensions sur le nombre de lits disponibles, corrélé à celui des personnels disponibles, un tel dispositif, calqué sur ce qui existe en Médecine, Chirurgie, Obstétrique (MCO) depuis 2020, ne serait en effet pas pertinent. La notion de saisonnalité n’est quasiment pas présente en psychiatrie et les capacités en lits sont actuellement diminuées principalement du fait des difficultés de recrutement de personnels, notamment infirmiers et médecins, juge ainsi l’instruction. D’où la nécessité d’élargir les modalités de déclinaison de la mesure en proposant des dispositifs complémentaires. Pour autant, il ne s’agit pas d’écarter l’intérêt de ces "lits à la demande" transitoires, nuance-t-elle. La mesure peut en effet être mise en place, à condition que l’architecture des services le permettent et qu’elle constitue bien une réponse adaptée aux demandes.

Priorité au renforcement des équipes

En réalité, il apparaît préférable de privilégier en premier lieu le renforcement des équipes, intervenant aussi bien en établissement qu’au domicile, et en pré et "post-crise". À l’hôpital, l’instruction recommande ainsi de consolider la présence d’équipes dédiées à la psychiatrie ou, du moins, de compétences spécifiques à la psychiatrie au sein des services d’accueil des urgences. Infirmiers, psychiatres et psychologues, en particulier, pourraient être sollicités pour assurer cette présence. Les bénéfices attendus seraient pluriels : amélioration de la prise en charge des patients, orientation précoce facilitée, mais aussi limitation du recours à certaines hospitalisations, et notamment celles sans consentement. L’accueil par un binôme psychiatre/pédopsychiatre et infirmier positionnés aux urgences permet de désamorcer un certain nombre de situations complexes et peut réduire les besoins d’hospitalisation, défend l’instruction. Autre nécessité : l’augmentation des capacités de prise en charge en hôpital de jour, pour assurer des admissions rapides, avec la possibilité parallèlement de développer un suivi en hôpital de jour des patients en "post-crise" après le traitement de la phase aigüe de la crise. En effet les établissements ayant mis en place ce type de suivi constatent qu’il permet dans de nombreux cas d’éviter les retours aux urgences, fréquents dans ces situations, est-il expliqué. Enfin, la DGOS insiste sur l’importance de mobiliser des équipes de liaison intervenant dans d’autres disciplines et pouvant intervenir en soutien en soutien, telles celles de pédiatrie dans les cas d’hospitalisation des mineurs.

Quant à la prise en charge à domicile, il s’agit là encore de renforcer les effectifs, et en priorité ceux des équipes mobiles, intervenant aussi bien pour garantir le maintien à domicile des patients que dans le cadre d’une hospitalisation à domicile (HAD) ou la mise en place de soins intensifs de psychiatrie. Et ce en coordination avec les centres médico-psychologiques (CMP). À noter que, les CMP étant également en tension, l’instruction préconise le renforcement de leurs effectifs, notamment via le recours à des infirmiers de pratique avancée ou à des psychologues, qui interviendraient en appui des équipes infirmières lors de situations de crise.

L’approche territoriale pour la mise en œuvre de cette mesure est primordiale.

Un dispositif à articuler avec les autres mesures des Assises

Ces renforcements d’effectifs, indispensables au sein de ce domaine du soin très en souffrance, doivent pouvoir s’accompagner d’autres dispositifs complémentaires. Au premier rang desquels la mise en place de plateformes d’orientation en amont des urgences. Si elles pourront faire office de dispositifs de régulation, elles auront aussi pour mission d’intervenir dans le cas de prises en charge spécifique, en prévention des crises, par exemple. L’instruction encourage également les ARS à utiliser leurs crédits pour mettre en place ou renforcer des dispositifs d’appui à la recherche de lits, tels que cellules régionales d’appui ou de gestion des lits à l’échelle d’un établissement ou d’un groupement d’établissements. Reste enfin une augmentation des capacités de téléconsultation qui, comme dans les autres secteurs du soin, constitue une réponse face aux tensions de personnels et au manque de temps médicaux disponibles. L’ensemble de ces dispositifs, souligne le texte, devront s’articuler avec l’ensemble des autres mesures issues des Assises, en partie celles relatives au renforcement des CMP, l’amélioration de l’accès aux soins somatiques pour les patients atteints de troubles psychiatriques ou encore au volet psychiatrique des Services d’Accès aux Soins (SAS).

Une approche territoriale « primordiale »

Pour finir, l’approche territoriale pour la mise en œuvre de cette mesure est primordiale, souligne l’instruction, les modalités des différents dispositifs devant être adaptées en fonction des situations propres à chaque territoire. À cet égard, les ARS sont appelées à mener des concertations avec les élus locaux. Les dispositifs feront par ailleurs l’objet d’évaluation via un certain nombre d’indicateurs (durée des séjours des patients aux urgences avant leur orientation ou hospitalisation, nombre de journées d’hospitalisations en hôpital de jour, nombre de visites à domicile des équipes mobiles dédiées…). L’enjeu sera d’adapter au mieux la poursuite de la montée en charge de la mesure pour 2023 et d’identifier les dispositifs qui pourraient être valorisés du fait de leur impact positif sur la fluidité des parcours, conclut-elle.

Journaliste audrey.parvais@gpsante.fr


Source : infirmiers.com