Psoriasis, eczéma et dermatite atopique, maladie de Verneuil, urticaire chronique, vitiligo, pelade…, les maladies inflammatoires de la peau touchent près de 9 millions de Français. Complexes, ces dermatoses –auto-immunes au sens strict ou auto-inflammatoires– « résultent principalement d’une interaction entre un dysfonctionnement de la barrière cutanée, une dérégulation immunitaire et des facteurs environnementaux » précise le collectif SkinPower, initié par le réseau de médecine collaborative Reso. Des maladies à prédisposition génétique, avec « des formes familiales, qui touchent 30 à 40 % des patients » mais aussi « sporadiques ».
Conseils hygiéniques
En principe, les patients souffrant de ces dermatoses sont d’abord suivis en ville par leur médecin traitant et/ou dermatologue. Mais ces derniers peuvent les adresser à l’hôpital dès lors que la maladie, évoluant par poussées, n’est plus contrôlée et nécessite une nouvelle thérapeutique et prise en charge spécifique.
Dans le cadre de consultations externes dédiées en service de dermatologie, les infirmiers, en appui du dermatologue, sont ainsi amenés à prodiguer et/ou rappeler des conseils hygiéniques généraux (en sus des besoins spécifiques) lesquels jouent en dermatologie « un rôle important dans le maintien d’une peau saine et la gestion de certaines affections cutanées ».
Tout en douceur pour la dermatite atopique
Pour la dermatite atopique, on retiendra ainsi l’importance d’hydrater la peau quotidiennement (1 à 2 fois par jour), l’hydratation ayant « pour vertu de rallonger la période de rémission de la pathologie et permettant d’éviter le dessèchement de la peau, les sensations d’inconfort, d’apaiser les démangeaisons et de faciliter l’élimination des squames. » Et ce, en utilisant de préférence des gammes pour peaux à tendance atopique, non irritantes, sans détergents, sans parfum (sous forme de crèmes, baumes et cérats, laits), respectant le pH physiologique de la peau de ces patients, particulièrement sensible. Ces derniers doivent de fait se laver en douceur, plutôt rapidement à température tiède (car l’eau sèche la peau), tout en proscrivant gants de crin, de gommage ou fleurs de douche exfoliantes. « Lors d’une consultation, je me souviens d’un patient plutôt renfermé et souffrant de dermatite atopique qui me disait utiliser un gant de crin… entre autres pour soulager ses démangeaisons ! » Un geste évidemment malheureux qui « ne faisait en fait qu’abîmer un peu plus sa barrière cutanée », se remémore Marie-Ange Thomassin, infirmière dans le service de dermatologie du CHI de Poissy-Saint-Germain-en-Laye… Une confidence salvatrice qui a permis à ce monsieur de renoncer par la suite à cet usage malheureux et dès lors de « s’ouvrir davantage ».
Photothérapie
Outre ces conseils relatifs à l’hygiène, les IDE jouent également un rôle essentiel dans le cadre de la photothérapie, utilisée depuis plusieurs décennies dans le traitement de nombreuses dermatoses. Une technique qui consiste « en l’irradiation du corps par des rayons ultraviolets A (UVA) après la prise d’un médicament photosensibilisant (le méthoxsalène ou Méladinine®) », selon l’association France psoriasis ou UVB. Les séances (en général près d’une trentaine délivrant des doses d’UVA ou B progressivement croissantes), à raison de trois par semaine, impliquent de fait « une bonne observance des patients », car le rythme prescrit doit être respecté afin d’optimiser l’effet du traitement. Ces séances permettent surtout aux IDE de nouer « une relation privilégiée avec le patient, confie Sylviane Dupont, également infirmière de consultation externe à St Germain-en-Laye. On les y voit dénudés à chaque séance. On leur rappelle les consignes d’hygiène, surtout d’appliquer les dermo-corticoïdes sur les zones encore inflammatoires et de bien hydrater la peau ». Marie-Ange Thomassin abonde dans le même sens : « C’est une partie des soins très importante dans leur avancée sur la compréhension de leur maladie ».
Nouvelles thérapeutiques
En consultations externes, les IDE sont aussi présentes pour initier certains patients aux biothérapies (injections) et traitements ciblés (par ex. inhibiteurs de Janus Kinase –JAKi), des thérapeutiques innovantes aujourd’hui notamment utilisées dans les formes sévères de psoriasis, dermatite atopique, maladie de Verneuil chez les adultes et/ou les enfants. En France, rappelle le collectif SkinPower, « deux biothérapies ont reçu une autorisation de mise sur le marché (AMM) dans la dermatite atopique, le dupilumab, un anti-IL4 et IL13 (2017) et le tralokinumab (2022), un anti-IL13. » Des médicaments « administrés tous les 14 jours par voie sous-cutanée » qui globalement « ont un bon profil de tolérance ». « Nous apprenons aux patients à réaliser leurs injections afin qu’ils restent autonomes dans la gestion de leur traitement » commente ainsi Marie-Ange Thomassin. Mais aussi « comment faire s’ils tombent malades, s’ils voyagent afin de conserver correctement leur traitement et comment recycler correctement les injectables utilisés ».
Des ateliers d’ETP spécifiques
Enfin, les infirmiers peuvent participer, en binôme avec les médecins (dermatologues), à l’animation d’ateliers d’ETP spécifiques. C’est ainsi le cas au sein du CHI de Poissy-Saint-Germain-en-Laye (site de St-Germain-en-Laye) où de tels ateliers (en l’occurrence sur le psoriasis et la dermatite atopique) sont organisés sur la base du volontariat : « Pour le psoriasis, trois ateliers (de 2 heures environ) se succèdent à un mois d’intervalle. Le premier vise à expliquer les contours de la maladie ; le deuxième aborde les différents traitements tandis que le troisième est consacré aux échanges entre patients afin qu’ils puissent partager leur vécu de la maladie » explique Sylviane Dupont. Des ateliers d’ETP durant lesquels l’équipe soignante tente alors de fixer aux participants un objectif personnel facilement accessible comme « le fait pour un homme d’aller courir en short », et ce afin « d’améliorer l’estime de soi ».
Estime de soi et qualité de vie
L’estime de soi et de la qualité de vie sont d’ailleurs systématiquement évaluées lors de chaque consultation (via un questionnaire) car fondamentales tant il est vrai que ces maladies sont hélas souvent stigmatisantes (symptômes visibles) et impactantes socialement (voir encadré). Le collectif SkinPower* précise sur ce point que « chaque personne réagit différemment à sa condition […] l'impact sur la qualité de vie peut [donc] varier considérablement d'une personne à l'autre. » De fait, « la prise en charge des maladies inflammatoires de la peau devrait idéalement inclure des aspects médicaux, psychologiques et sociaux pour aborder les divers aspects de la qualité de vie. Le soutien des professionnels de santé, des groupes de soutien et la sensibilisation du public peuvent contribuer à améliorer la qualité de vie des personnes touchées par ces maladies. ». Et par conséquent quelle satisfaction pour les équipes soignantes exerçant dans le cadre de ces consultations « de voir ces patients s’épanouir dès lors que la thérapeutique est adaptée et efficace, contrôlant ainsi les symptômes et qu’ils retrouvent une vie sociale », pointe Marie-Ange Thomassin. Et de conclure avec sa collègue Sylviane Dupont combien l’objectif premier est avant tout « le retour à une qualité de vie normale ».
Les résultats d’une étude* réalisée par l’Observatoire des maladies cutanées chroniques inflammatoires (OMCCI) – le plus important de France sur ces maladies inflammatoires chroniques de la peau – révèlent combien celles-ci « ont un impact majeur pour plus de 90% des patients, affectant la vie quotidienne, familiale et professionnelle ». Cette étude portant sur la comparaison du fardeau et du parcours de soin des patients atteints de psoriasis, dermatite atopique, maladie de Verneuil et urticaire chronique, montre comment l'impact des quatre maladies était « à la limite du pathologique pour la santé physique et sévère pour la santé mentale. » En dépit de la révolution thérapeutique dans ces domaines, les auteurs de l’étude notent « l’impact majeur de ces dermatoses inflammatoires chroniques (DIC) sur la qualité de vie des patients et de leur famille. » Leur poids « au niveau individuel et sociétal tend à être sous-estimé, y compris parfois par les dermatologues. Ces DIC, en particulier la maladie de Verneuil, ont un impact majeur sur tous les aspects de la qualité de vie des patients. » Autre constat : «La faible utilisation de base des traitements systémiques au regard du fardeau élevé de ces DIC » laquelle «suggère un usage sous-optimal des traitements pour ces patients. »
** Cette étude portait sur 2058 patients (1 137 atteints de psoriasis, 413 de DA, 301 de la MV et 207 d’UC), dans 24 centres experts affiliés à Reso-Dermatologie (CHU, CHG, cliniques et cabinets libéraux).
Pour en savoir plus : www.reso-dermatologie.fr
*Source :dossier de presse #skin power ; l’espoir à fleur de peau, fév.2024
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