Le Comité Éthique de la Société Française d’Anesthésie-Réanimation (SFAR) a réuni en avril dernier un panel d’experts pour traiter en profondeur les problématiques de la communication envers les patients et leurs familles, mais également de relations interpersonnelles au sein de ces services très exposés. Il y était question notamment de consentement et de refus de soins, d’annonce de mauvaise nouvelle ou de dommage lié aux soins, ainsi que de souffrance au travail. Un ouvrage où l’équipe soignante tient un rôle important.
Certains anesthésistes-réanimateurs vous diront que, dans leur pratique, la communication avec leurs patients est secondaire puisque, par définition, ces derniers sont la plupart du temps sans connaissance.
Des experts de la communication médicale réunis par le Comité éthique de la SFAR
Pourtant, un collectif de praticiens de cette spécialité a publié un ouvrage intitulé Communiquer en anesthésie-réanimation (AR) et médecine pré-opératoire
, aux Éditions Arnette. Ce livre très documenté a pour objectif de faire mieux communiquer les acteurs de la spécialité pour qu’ils puissent mieux soigner, les missions très techniques qui leur sont dévolues n’étant pas toujours suffisantes pour éviter certains malentendus, voire certains conflits avec les patients et leur famille, ainsi qu’avec les autres soignants. Comment délivrer la bonne information aux patients ? Comment prévenir un conflit ?
Les membres du Comité Éthique de la Société Française d’AR (SFAR) ont ainsi rassemblé des experts de différents domaines pour qu’ils répondent à ces questions et étayer leurs propos par des cas concrets. Nous avons sélectionné trois chapitres, en lien avec les activités managériales, que nous avons particulièrement appréciés.
Les nouvelles approches du consentement et du refus de soins
L’un d’eux développe la problématique du consentement et du refus de soins, qui, on le sait tous, a pris de l’épaisseur depuis vingt ans et l’avènement des droits des patients. On y apprend en préambule que ces questions sont semble-t-il franco-françaises, puisque le paternalisme médical encore en vogue aujourd’hui n’a pas cours dans de nombreuses régions du monde, notamment aux États-Unis. Nous passons donc, théoriquement, du mode paternaliste au mode délibératif, où le médecin, en plus d’informer le patient sur ses choix thérapeutiques, prend en compte la volonté de ce dernier. Et c’est là qu’interviennent les tensions éthiques sur le refus de soins, l’auteur couvrant toutes les situations, lorsque le patient est en fin de vie, ou non, et s’il est conscient, ou non.
Ainsi, la Loi Claeys-Léonetti ne dit plus au médecin ce qu’il doit faire, mais comment il doit procéder, en respectant les piliers de l’éthique médicale, la bienfaisance, la non-malfaisance, le respect de l’autonomie et la justice, auxquels il convient d’ajouter désormais l’empathie, l’accompagnement, la loyauté, la sincérité, le courage, la gentillesse, la solidarité, l’équité
.
L’épineuse gestion du dommage lié aux soins
La deuxième thématique sur laquelle nous avons choisi de nous arrêter concerne l’annonce d’une mauvaise nouvelle ou d’un dommage lié aux soins. Même si elle ne nous incombe pas directement en tant que manager de Santé, l’annonce de mauvaise nouvelle impacte obligatoirement notre approche du patient une fois qu’elle a été prononcée. Les auteurs de ce chapitre nous livrent ici leur expérience, avec une proposition de stratégie de communication envers le patient et sa famille. Il est important, selon eux, de faire participer un soignant à cet entretien, pour une posture d’équipe et de vision partagée, et de respecter le protocole SPIKES, un anglicisme rassemblant préparation de l’entretien (S), connaissance du vécu du patient (P), obtention de l’accord du patient (I), information de celui-ci (K), empathie (E) et évocation de la stratégie thérapeutique (S).
L’annonce d’un dommage lié aux soins nous concerne de plus près car elle met en cause, de près ou de loin, l’organisation e l’unité et les moyens humains et matériels mis en œuvre pour assurer la prise en charge des patients. Il s’agit, lors de l’entretien avec le patient et sa famille, de restaurer la confiance envers le service et l’institution, mais également de soutenir et assister les soignants éventuellement impliqués dans ce dommage lié aux soins. Les auteurs insistent ici sur la crédibilité du binôme cadre-chef de service dans cette situation de crise, ainsi que sur sa capacité à faire intervenir la culture positive de l’erreur
pour prévenir les risques.
L’équipe soignante au secours du praticien en souffrance
Le dernier item de l’ouvrage que nous souhaitions mettre en valeur ici, et qui peut être lié au paragraphe précédent, évoque la communication pour prévenir la souffrance au travail. C’est un sujet que nous abordons régulièrement dans nos colonnes, mais il est traité, dans ce cas, selon le prisme médical et met l’accent, entre autres, sur le soutien de l’équipe soignante lorsqu’un collègue médecin se trouve en situation difficile. L’auteur y délivre également quelques recommandations pour prévenir cette souffrance.
Le premier critère est la reconnaissance du travail effectué, reconnaissance par le patient tout d’abord, de ses pairs ensuite, de l’institution enfin, pour que, comme le décrit le psychiatre Christophe Dejours, la souffrance puisse se transformer en plaisir. Il est ensuite question d’écoute, de soi-même et d’autrui, de prévention des relations conflictuelles au sein de l’unité, une prérogative principale du cadre soit dit en passant, ou de limitation des communications numériques qui déshumanisent les relations interpersonnelles.
Nous vous conseillons donc cet ouvrage qui nous éclaire mieux sur les prérogatives et les contraintes médicales, sur la bonne articulation entre les différents acteurs de l’équipe soignante, sur l’impact que nous pouvons avoir sur la relation soignant-soigné, mais aussi sur les répercussions des nouveaux besoins et droits des patients et de leurs familles sur la psychologie médico-soignante.
Communiquer en anesthésie-réanimation et médecine pré-opératoire
Ouvrage collectif sous la direction d’Élodie Brunel, Fabrice Michel et Florence Plantet
Éditions Arnette, Mars 2022
520 pages, 56€
Bruno BenqueRédacteur en chef www.cadredesante.combruno.benque@cadredesante.com@bbenk34
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