Les conséquences d’un accident vasculaire cérébral (AVC) peuvent être graves et handicapantes. La létalité y est, en effet, élevée : de l’ordre de 20% à trente jours après l’admission et atteint près de 30 % à un an. Si 60% des patients récupèrent leur autonomie, les 40% restants en gardent des séquelles majeures. L’AVC constitue ainsi en France la deuxième cause de mortalité (et la première chez les femmes), la première cause de handicap acquis de l’adulte et la deuxième cause de démence.
Des complications précoces multiples
Ces quelques données épidémiologiques montrent combien la prévention des complications – notamment précoces – s’avère primordiale dans la prise en charge de la pathologie. Neurologue au CH de Perpignan, le Dr Denis Sablot le confirme : « Avec ce processus dynamique et évolutif (qu’est l’AVC, Ndlr), tout est réuni pour la survenue de complications ». Des complications précoces qui, en phase aiguë, peuvent être dues à une aggravation neurologique de type récidive d’AVC (récidive ischémique ou transformation hémorragique de l’AVC ischémique), à un œdème cérébral et/ou une hypertension intra crânienne (HTIC), une épilepsie précoce – « une crise sur l’AVC, avec souffrance corticale et qui représente 5 à 10% des AVC » –, ou encore à d’autres causes générales : fièvre, troubles ioniques, déglutition/infectieuses (5 à 35 % de pneumopathies), thrombo-emboliques, dénutrition/déshydratation, douleur, décubitus, cardiaques…
Anticiper les risques d’aggravation
D’où la nécessité pour les soignants exerçant dans les unités de soins neurovasculaires (UNV) d’anticiper les risques d’aggravation et ce, en fonction du type et de la localisation de l’AVC. En particulier lors d’une sténose extra-crânienne (EC) ou intracrânienne (IC), d’un syndrome lacunaire, d’un accident ischémique cérébral (AIC) jonctionnel, d’un accident ischémique transitoire (AIT) ou dans des situations particulières à risque (territoire vertébrobasilaire, polygone de Willis incomplet). Par ailleurs, il existe un risque majeur d’engagement en cas d’AIC ou HIC cérébelleux, ou un risque de complications liées à la déglutition (fausses routes…) dans certaines localisations notamment les AVC bulbaires, de l’opercule frontal ou du genou de la capsule interne. Une anticipation des risques qui peut d’ailleurs être «mieux maîtrisée avec une connaissance de l’anatomie » remarque le Dr Denis Sablot.
À noter : lors de la prise en charge d’un AVC, on considère qu’au-delà de quatre points supplémentaires du NIHSS (NIH Stroke Scale)*, le patient doit faire une nouvelle imagerie pour rechercher la cause de cette aggravation.
Points de surveillance clinique
En pratique, le rôle paramédical est amené à évoluer là encore selon le type et la localisation de l’AVC ainsi qu’au fil de la prise en charge, c’est-à-dire en aigu (jusqu’à 14 jours), subaigu (entre 14 jours et six mois) et au-delà.
En phase aiguë, les points de surveillance clinique du binôme IDE/AS doivent porter sur l’installation du patient (scope + matelas à air…), les surveillances neurologique, hémodynamique, de la douleur, de l’élimination ainsi que du point de ponction. Avec par ailleurs des explications à donner au patient (par ex. à jeun, repos strict au lit…)/aux familles et une information du médecin.
En unité de soins neurovasculaires, ces points clés de surveillance s’appuient sur l’installation du patient (position, membre déficitaire, matelas à air…), les surveillances neurologique, hémodynamique, de la douleur, mais aussi sur l’alimentation (adaptation et textures), la mise en place des thérapeutiques sur prescription médicale ainsi que la mise en contact avec les autres intervenants paramédicaux (kiné, orthophoniste, diététicien, ergothérapeute, assistante sociale…).
A six mois, lors d’une consultation post-AVC (neurologique ou de rééducation),l’infirmier contribue à une évaluation pluriprofessionnelle. Celle-ci, s’appuyant sur une grille nationale de consultation d’évaluation post-AVC , porte notamment sur les facteurs de risque (observance du traitement, résultats biologiques…), les constantes… et donne lieu si nécessaire à une planification de besoins (avis médical complémentaire, soutien psychothérapeutique, mesure de protection juridique, évaluation entourage/environnement…). L’infirmier de consultation post-AVC peut aussi, selon les centres, réaliser des actions d’éducation thérapeutique (sous la forme d’ateliers de groupe par exemple).
Contrôle de la tension artérielle
Autre point essentiel de vigilance paramédicale : le contrôle de la tension artérielle (TA) selon le type d’AVC et de traitement.
En cas d’infarctus cérébral, les objectifs diffèrent selon qu’il y a eu ou non un traitement visant à une recanalisation de l’artère occluse : thrombolyse intra-veineuse (TIV) ou thrombectomie mécanique (TM).
- Après une TIV seule, les objectifs sont une TA inférieure ou égale à 180/110 (protocole habituel). Cependant ,si transformation hémorragique importante et/ou recanalisation prouvée, objectifs de normotension rapidement. Si occlusion persistante, tolérance HTA plus longtemps et normalisation progressive de la pression artérielle
- S’agissant d’une TM : si une recanalisation est obtenue, les objectifs sont une TA 140/90 en post-procédure (attention au risque hémorragique sur reperfusion ++) ; si l’occlusion est persistante (et qu’il n’y a pas eu de TIV) : tolérance de l’HTA jusqu’à 21/11.
- Si pas de TIV ni TM : tolérance de l’HTA jusqu’à 21/11 pendant les 48 premières heures sauf si risque hémorragique majeur ou mauvaise tolérance cardiologique. Cas particuliers d’occlusion ou de sténoses cervicales/intracrâniennes, d’autant plus si fluctuations cliniques. Objectifs volontairement hauts au-delà 80-90 PAM (14-15 systolique) ; parfois recours à noradrénaline ; objectifs de pressions artérielles hautes plusieurs jours. Au-delà des premiers jours, diminution progressive de la PA pour objectif de normotension.
En cas d’hémorragie cérébrale, il convient, dès le diagnostic, de faire baisser la PA afin d’avoir dans l’heure une PA 140/90. Ce qui passe par un bolus urapidil IV +/- Loxen IV puis IVSE, la reprise des traitements hypertenseurs per os dès que possible et une mise en condition (sondage urinaire, antiémétiques, contrôle dl, sédation si agitation…
A vous de jouer !
1/ Que faire devant une aggravation neurologique ?
2/ Quels sont les quatre mécanismes à l’origine d’une aggravation neurologique lors d’un AVC ischémique ?
3/ Quel est le risque de faire un nouvel AVC dans les deux jours qui suivent un AIT ?
4/ Pourquoi doit-on éviter de lever un patient qui n’a pas eu d’exploration des TSAO ?
5/ En termes de handicap, que représente une minute perdue avant une fibrinolyse IV ?
6/ En termes de handicap, que représente une minute perdue avant une thrombectomie mécanique ?
7/ Quel objectif tensionnel visez-vous lors d’un HIC profond ?
8/ Quels sont les symptômes faisant craindre une HTIC ?
9/ Quelles localisations d’AIC sont les plus exposées aux troubles de la déglutition ?
Réponses : 1/Appeler le neurologue qui doit demander une nouvelle imagerie cérébrale. 2/Récidive d’AVC ischémique ; transformation hémorragique ; œdème périlésionnel entraînant une hypertension intracrânienne ; crise d’épilepsie. 3/5% environ. 4/Pour éviter une récidive s’il existe une sténose ou une occlusion artérielle (intracrânienne ou extra crânienne). 5/Deux jours d’autonomie. 6/Sept jours d’autonomie. 7/ <14/9. 8/Céphalées, nausées, vomissements. 9/Bulbe latéral, insula antérieure, faisceau géniculé.
À ce jour, on compte en France près de 130 unités neuro-vasculaires (UNV) en activité et réparties sur le territoire national. Il s’agit d’unités spécialisées dans la prise en charge des AVC ouvertes 24 h sur 24 et 7 jours sur 7. Créées dans les années 1970, elles se sont développées vers la fin des années 90 lors de l’arrivée de la thrombolyse.
Les UNV réunissent des équipes pluriprofessionnelles (médecins formés à la pathologie neuro-vasculaire, infirmiers, aides-soignants, kinésithérapeutes, orthophonistes, ergothérapeutes, neuropsychologues…) formées à la prise en charge du déficit neurologique et de ses conséquences, soit à même d’établir le diagnostic, d’identifier les facteurs étiologiques de l’AVC, d’administrer et de surveiller la thrombolyse, et enfin de débuter la rééducation précoce.
L’expertise des équipes, combinée à une accessibilité des examens, font que les bénéfices des UNV sont aujourd’hui démontrés, « tant au niveau du risque de décès (-30%) que de l’amélioration de la qualité de vie, et ce, quels que soient le sexe, l’âge, la gravité de l’AVC et le délai d’hospitalisation » précise le Dr Denis Sablot, neurologue au CH de Perpignan. Un « effet UNV » qu’il convient cependant toujours d’améliorer. Comment ? En identifiant et en mesurant de potentielles sources de gain de temps, notamment lors des traitements par TIV et/ou TM, grâce à « l’anticipation et à la coordination, à la réalisation de tâches en parallèle ainsi qu’à la communication et à la motivation ». Bref, un objectif « dont les paramédicaux doivent se saisir dans les UNV ».
*Échelle qui permet de mesurer l'intensité des signes neurologiques pour en surveiller l'évolution et en estimer la gravité. Le NIH Stroke Scale est basé sur le recueil de quinze items neurologiques cliniques.
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