Il devait sortir le 22 avril, mais crise sanitaire oblige, comme beaucoup de long métrage, il a été déprogrammé et sortira finalement dans les salles le 12 août. Un report qui se veut peut-être positif vu que le 12 août c’est la journée internationale de la jeunesse. En outre, suite au Ségur de la santé, il est parfaitement raccord avec l’actualité en rappelant une autre crise : celle de l’hôpital. En effet, "Voir le jour" ce n’est pas seulement un film sur une auxiliaire de puériculture, ex chanteuse de rock, mais aussi l’analyse subtile du lien mère/fille, de la transmission du savoir et plus globalement des conditions de travail des soignants et surtout des soignantes d’une maternité.
Première image : un ventre rond, celui d’une femme enceinte probablement à terme. Elle respire fort. On ressent son stress. Dernière image : un bébé dans un berceau, le calme envahit la pièce, rien ne brise le silence. Entre ces deux instants, toute une histoire, celle d’une équipe soignante d’une maternité à Marseille, celle d’un couple qui perd un bébé mort-né, celle d’un lien imperceptible entre une mère et sa fille. "Voir le Jour", c’est l’histoire de Jeanne, une auxiliaire de puériculture qui a un truc
avec les nourrissons mais dont personne ne connait vraiment les antécédents. Alors que sa fille va quitter la maison, son passé revient sonner à la porte. Elle va finir par l’assumer, ce qui va lui permettre d’évoluer afin de prendre sa vie professionnelle en main et commencer à se battre pour le métier qu’elle a finalement choisi.
C’est aussi l’histoire de Francesca, la sage-femme pleine de projets qui lutte pour ses idées et pour des conditions de travail plus justes ; celle de Sylvie, l’infirmière consciencieuse et droite ; celle de Mélissa, la délurée qui voit la vie en chanson ou celle de Jennyfer, l’étudiante au franc parler.
Toutes tournent entre les berceaux, entre les chambres, entre les soins et s’arrêtent seulement quelques minutes pour un café, une cigarette, quelques rares moments de partage. Dans ce film inspiré du roman Chambre 2 de Julie Bonnie , elle-même ancienne auxiliaire, les difficultés dans les hôpitaux sont bien décrites : celles des sous-effectifs, de manque de temps, de matériel. Ces problématiques sont notamment mises en exergue lors des scènes de réunion entre les équipes, particulièrement à travers le cynisme du médecin chef, attitude qui révèle surtout son impuissance face au manque de moyens alloués.
CP Pyramide
On voulait en effet que cette gamine de dix-sept ans, hyper maquillée dans la première scène, agace un peu au début puis se révèle et devienne de plus en plus attachante. Quand elle arrive dans cette maternité, elle ne sait pas trop ce qu’elle veut faire puis, peu à peu, elle prend des repères.
À 18 ans, j’ai eu l’occasion de travailler un été dans un hôpital. L’expérience a été suffisamment marquante pour que des années plus tard, elle soit encore le terreau de mes scénarios. L’ambiance de l’hôpital, ce n’est pas exactement celle de la maternité, qui est plus joyeuse malgré toutes les difficultés. J’ai aussi été en repérage pour m’en imprégner. J’avais envie de dénoncer ces conditions de travail, montrer à travers tous ces personnages que consacrer sa vie à un métier qu’on aime ne signifie pas qu’on doit être sous-payée. J’ai beaucoup parlé de ça avec toutes ces femmes merveilleuses qui, malgré des conditions difficiles et des tensions, ont une énergie vitale incroyable. Elles sont épuisées, mais soudain, tu entends des éclats de rire dans un couloir…
, raconte Marion Laine, la réalisatrice. Pour Sandrine Bonnaire qui porte le rôle de Jeanne à la perfection, ce thème était d’importance : Je tenais à faire ce film aussi pour sa portée très politique. Les sous-effectifs, le fonctionnement en flux tendu, avec toutes les magouilles que cela entraîne : programmer des césariennes pour organiser le remplissage des lits, prévoir exactement quand la patiente va partir... On voit bien dans le film que toutes ces infirmières sont surexploitées, font souvent deux journées en une et assurent beaucoup de gardes. Ce n’est pas pour rien qu’il y a actuellement autant de manifestations au sujet des hôpitaux.
Le film démonte aussi le cliché de la vocation à travers ces personnages que ce soit celui de Jeanne qui voulait renoncer pendant ses études car elle avait peur de mal faire; celui de Francesca, devenue sage-femme après avoir raté médecine, ou celui de Jennyfer qui ne sait pas trop ce qu’elle veut faire plus tard. C’est une idée à laquelle je tenais beaucoup et qui rejoint la question de ce que l’on décide de faire de sa vie, et comment on s’en donne les moyens
, souligne Marion Laine.
Jeanne, c’est une mère qui doit redevenir femme quand son métier est d’aider des femmes à devenir mère.
Du clair-obscur, du bleu au noir
Si le fil conducteur reste Jeanne qui renait et se reconstruit après avoir tiré un trait sur son passé de chanteuse de rock un peu pommée, plusieurs autres thèmes, d’autres fils s’entremêlent et se confondent et montrent au spectateur une tapisserie parfaitement réalisée par Marion Laine. On remarque le lien entre une mère et son enfant, celui entre les soignants d’une même équipe, celui entre le professionnel expérimenté qui transmet au novice.
Cette toile n’est pas non plus dépourvue d’effet esthétique. On passe aisément des scènes à l’hôpital d’un blanc aseptisé au clair/obscur des flashs back ou Jeanne revit sa vie d’avant. Pour Sandrine Bonnaire, quand Jeanne repense à son passé, on est dans son mental, on épouse son mouvement introspectif : elle se voit à l’âge qu’elle avait à l’époque, mais son visage et son corps d’aujourd’hui investissent aussi le passé, de manière très vivante
.
Puis, au milieu de tout cela, quelques instants étranges, oniriques, qui paraissent hors contexte créent une rupture assez brutale dans le cours des événements. Mais bizarrement cela fonctionne. J’aime ce surgissement de scènes fantasmatiques et ce qu’elles signifient. Même si j’ai un découpage prévu, j’adore me laisser traverser par tout ce qui se passe sur le plateau. Pour moi, la mise en scène est avant tout une question d’attention, d’écoute, être une chambre d’échos… Le cinéma a besoin de respirations, on s’en rend cruellement compte, surtout pendant le montage. Il faut s’octroyer autant que possible ces moments volés en se disant qu’ils sont aussi importants que les scènes du scénario. On est libre tant qu’on ne fait pas de dépassement !
, explique Marion Laine.
Autre pause visuelle, la prédominance de l’eau dans le film. En effet, beaucoup de séquences se passent au bord de la mer ou dans la piscine où la fille de Jeanne, Zoé, s’exerce à plonger en apnée. Moment apaisant en opposition aux scènes dans la maternité où règne une certaine tension. C’est à se demander combien de temps encore l’hôpital pourra encore lui aussi retenir son souffle, lui qui est depuis longtemps en apnée ? Peut-être qu’un nouveau système de santé va finir par également Voir le jour
même si l’accouchement parait laborieux. Mais, comme l’explique si bien Sandrine Bonnaire, une naissance ne se fait pas sans cri. Pour qu’il y ait la vie, il faut qu’il y ait le cri.
Jeanne se reconnaît plus dans cette jeune stagiaire qui se cherche que dans Zoé, sa propre fille, qui la sidère par sa maturité. Elle, elle sait ce qu’elle veut : sauver les océans. Et ça nous ramène à la thématique du film : la méduse, l’eau, l’apnée, le liquide amniotique, le placenta, la naissance…
CP Pyramide
Note
Voir le Jour
Date de sortie : 12 août 2020
Durée : 1h31
De Marion Laine
Distribution : Pyramide
Le DVD sera disponible dès le 1er décembre 2020 ; le VOD l'est depuis le 12 novembre (prix de vente 19.99€)
Roxane Curtet Journaliste infirmiers.com roxane.curtet@infirmiers.com @roxane0706
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