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TRIBUNE

« Agir ensemble pour répondre aux besoins de santé »

Publié le 25/01/2023

Le Collège Infirmier Français (CIF)* propose une réflexion collective sur l’évolution du système de santé du XXIe siècle dans une logique globale avec tous les acteurs impliqués.

Gilberte HUE
Gilberte HUE, présidente du Collège Infirmier Français

Lors de la présentation de ses vœux au monde de la santé le 6 janvier 2023, le Président de la République, a annoncé plusieurs mesures visant à sauver le système de santé. Suite à ces annonces, le Collège Infirmier Français (CIF) demeure prudent. La réponse aux besoins de santé doit être immédiate face à un système dégradé. Le système de santé est devenu maltraitant vis-à-vis des infirmiers qui multiplient les arrêts de travail, démissionnent et changent d’orientation. Les infirmières exercent un métier difficile. La réponse aux besoins des usagers exige une implication, une capacité d’adaptation, de la réflexivité, un engagement permanent et un haut niveau de responsabilité. Ces conditions d’exercice complexes ont un impact délétère sur la santé et la vie de famille des femmes et des hommes qui s’y emploient, et  de ce fait sur la réponse aux besoins des usagers.
C’est pourquoi, le CIF tient à dénoncer les logiques administratives, financières et corporatistes qui dégradent le travail autant que la qualité des soins. Le CIF se réjouit à l’annonce du Président de la République de sortir partiellement de la tarification à l’activité (T2A). Cette disposition lancée en 2004 occulte quasiment les soins infirmiers induits par leur rôle propre. Elle a plombé les systèmes de santé générant un climat d’angoisse et de malaise pour tous les acteurs de santé, et déshumanisant pour l’usager.

Pour la reconnaissance d'une véritable capacité de consultation à l’infirmier en pleine responsabilité

Pour garantir l’accès aux soins à tous, le Président de la République souhaite valoriser les compétences des infirmiers dans tous les secteurs d’activités, à l’hôpital comme à la ville. Pour le CIF, il convient d’aller plus loin en reconnaissant une véritable capacité de consultation à l’infirmier en pleine responsabilité y compris en primo consultation sans nécessité de consultation médicale. Il s’agit de reconnaître aujourd’hui, à l’instar d’autres pays, le rôle propre de l’infirmier et les compétences infirmières inscrites dans le Code de la Santé Publique (CSP), c’est-à-dire la capacité de l’infirmier à émettre un diagnostic infirmier, à soigner et orienter en tant que de besoin l’usager au sein du système de santé.
Combler le manque d’infirmiers ne consiste pas uniquement à augmenter le nombre d’étudiants. Pour conserver et fidéliser les professionnels formés, il convient de les accompagner tout au long de leur vie professionnelle et d’améliorer leurs conditions de travail, leur niveau de compétences et de qualification par le développement d’une discipline universitaire en sciences infirmières. Par ailleurs, la formation initiale est une approche par compétences qui s’acquièrent principalement sur les lieux de stage. Or, sans infirmier en nombre suffisant, l’accompagnement des futurs professionnels devient une mission irréalisable suscitant découragement et changement d’orientation. 13% des effectifs de rentrée quittent les instituts après deux mois de formation.
 
Les conditions de travail des soignants ne fidélisent pas les futurs professionnels. Il ne s’agit pas de trouver une réponse par secteur d’activité mais une réponse prenant en compte le système de santé dans sa globalité en considérant toutes les filières qui le composent. C’est pourquoi, le CIF préconise une réflexion collective réunissant tous les acteurs impliqués afin de répondre aux exigences de formation dans une perspective LMD.
Le CIF demande que l’accès au premier recours soit aussi reconnu à d’autres infirmiers exerçant dans des domaines spécifiques pour la prévention de la santé de manière autonome. Il regrette l’absence de prise en considération de pratiques autonomes reconnues par l’usager. Il appelle à l’optimisation de l’accès aux soins par le développement des consultations infirmières et à leur renforcement dans plusieurs champs d’activités : scolaire, santé au travail, pénitencier, psychiatrie, libéral, centre de santé, éducation thérapeutique, entérostomathérapie.

Pour une intégration des amendements concernant les IADE dans la loi RIST

Une proposition de Loi portée par Stéphanie RIST, députée, sera examinée dans les jours à venir afin d’ouvrir un meilleur accès aux soins auprès d’infirmiers expérimentés, et en exercice coordonné. Le CIF dénonce la disparition des amendements présentés par les IADE, Infirmiers anesthésistes déjà reconnus en pratique avancée par l’Inspection Générale des Affaires Sociales (IGAS) et le Comité International des Infirmières (CII). Or, ces amendements ont déjà été débattus et un rapport de l’IGAS, publié en janvier 2022, préconisait l’inscription et la reconnaissance de leur exercice en pratique avancée. Les IADE collaborent pleinement avec les médecins anesthésistes et ont leur part d’autonomie reconnue par ces derniers leur permettant de bénéficier de plus de temps médical. Le CIF insiste pour que les amendements concernant les IADE soient intégrés dans le projet de Loi. L’exercice clinique actuel des IADE est une pratique avancée infirmière spécialisée exercée depuis de nombreuses années.

Pour l'extension de la pratique avancée à la puériculture

En outre, le rapport de J. DEBEAUPUIS « concertation sur la pratique avancée infirmière » confirme le premier rapport de janvier 2022 pour les IADE et préconise d’étendre le cadre légal de la pratique avancée infirmières aux secteurs d’exercices de la puériculture non couverts actuellement : la Protection maternelle et infantile et les établissements d’accueil du jeune enfant. Ce rapport exprime la nécessité de relancer la réingénierie de la formation des puériculteurs pour la porter au grade Master et reconnaître la pratique avancée dans l’ensemble de leurs situations d’exercice et de responsabilités.

Aussi, le CIF soutient avec force la reconnaissance des IPA pour un accès direct aux soins et la primo-prescription pour l’ensemble des domaines d’interventions. En soins primaires, l’accès direct est une nécessité absolue pour répondre aux besoins des patients, et déployer la pratique avancée au sein des structures d’exercice coordonnée conformément à la Proposition Parlementaire de Loi S. RIST. Il insiste pour que les amendements concernant la valence spécifique des IADE soit intégrée dans le projet de loi. L’intérêt devrait être centré sur le patient et sur la difficulté d’accès aux soins. Or, malgré les propositions, des collectifs de médecins restent dans leurs certitudes et logiques au détriment des usagers.

Pour une gouvernance tripartite

Le CIF souligne tout particulièrement la question de l’attractivité et de la fidélisation dans une profession démotivée et découragée. Il convient d’analyser les causes réelles et d’écouter les soignants paramédicaux et notamment les infirmiers. Le CIF préconise donc de constituer une gouvernance tripartite Direction Générale/Commission Médicale d’Etablissement/Coordination Générale des Soins. Ce dernier est un acteur incontournable de la gouvernance dont la responsabilité doit être considérée au même titre que le médical ou l’administratif. C’est ainsi que les paramédicaux et notamment les infirmiers seraient écoutés et pleinement intégrés au lieu d’être « les invisibles » dans le choix des décisions régaliennes. Pour travailler « main dans la main », comme l’a souligné le Président de la République, tous les acteurs doivent être représentés au niveau de la gouvernance ainsi que les représentants des usagers.

Le Collège Infirmier Français a pour but d’apporter la meilleure réponse aux besoins de santé de la population, dans une vision positive et innovante de la profession Infirmière pour favoriser les parcours de soins et assurer l’attractivité professionnelle dans un contexte sanitaire actuellement en crise. Refonder le système de santé, en souffrance depuis des décennies, ne serait-ce pas opérer en même temps une réforme des structures de pensées, des concepts de gestion économique qui ont conduit à son effondrement ? Il s’agit de rompre avec des logiques professionnelles passéistes trop médico-centrées en s’appuyant sur l’ensemble des professionnels de santé au rang desquels l’infirmier fait figure de pivot. C’est ainsi que tous ensemble, nous pourrons faire évoluer le système de santé et sauver l’Hôpital.

*regroupant un ensemble d’organisations de différentes composantes et domaines d’activités

Pour en savoir plus : Collège Infirmier Français

Gilberte HUE, présidente du Collège Infirmier Français

Source : infirmiers.com