Trois ans après sa mise en application, comment la loi Matras du 25 novembre 2021 (voir encadré) s’est-elle déclinée sur le terrain ? Et surtout comment est-elle perçue par les services départementaux d’incendie et de secours (SDIS) et le Samu ? Pour répondre à cette question, Samu-Urgences de France (SUdF) a interrogé les Samu au cours du mois de juin 2024 sur leurs relations avec les impacts que la loi a pu avoir sur leurs relations avec les SDIS. Globalement, les 76 Samu répondants font état de retours plutôt positifs, seul un quart d’entre eux faisant état de difficultés, selon son bilan obtenu par Hospimedia.
Un champ de missions qui fait globalement consensus
Ainsi, depuis l’application de la loi, 70% des répondants indiquent « le champ mission du SDIS est défini de manière consensuelle entre le SDIS et le SAMU ». Seuls 23% rapportent que les missions sont imposées au Samu par le SDIS. Et si 45% rapportent l’émergence de tensions entre les deux services suite à la modification du champ des missions du SDIS, 20% d’entre eux ajoutent que celles-ci sont en réalité « à la marge ». Une proportion que l’on retrouve sur la question de l’engagement des véhicules de secours et d'assistance aux victimes (VSAV) : ils sont un quart (24%) à faire état de difficultés d’engagement de ces véhicules, et 24% à les nuancer en soulignant qu’elles sont également à la marge. Comment expliquer ces difficultés ? Sur les 27 Samu répondants qui en font part, ils sont la moitié (14) à estimer que le refus des pompiers d’engager un VSAV provient du fait qu’il se situe « « hors du champ missionnel », malgré un impact potentiel sur le patient. » Vient ensuite, pour 7 d’entre eux, un engagement marqué par un délai supérieur à celui demandé par le Samu.
Côté prise en charge, le consensus est également plutôt général. Un tiers des Samu jugent que « la détresse fonctionnelle justifiant l’urgence à agir » des SDIS, un nouvel item introduit par la loi Matras, fait encore objet de discussions entre les sapeurs-pompiers et eux. Quand elle est acceptée, elle concerne essentiellement des prises en charge relatives à des douleurs thoraciques (80%), des AVC (80%), des intoxications médicamenteuses à risque évolutif (72,5%), des ischémies aigües des membres (57,5%), ou des détresses neurologiques sans les critères de départs réflexes (55%), soit une intervention du SDIS lancée avant que le Samu intervienne en tant que régulateur lorsque l’appel est de nature à entraîner une perte de chance pour le patient.
Des divergences sur les carences ambulancières
Même chose au niveau des carences ambulancières, lorsque les SDIS interviennent sur prescription du Samu quand celui-ci ne peut pas envoyer de véhicules sanitaires pour transporter « malades, blessés ou de parturientes, pour des raisons de soins ou de diagnostic », selon la définition de la loi. « 68% des répondants considèrent que la définition des carences se fait dans le strict respect des textes réglementaires, à savoir en suivant la définition donnée par le SAMU », explique ainsi SUdF, tandis qu’ils sont 24% à considérer que la définition des carences est « basée sur une interprétation par le SDIS du motif d’engagement transmise par le SAMU. »
Quant à la définition des domaines d’intervention ne constituant pas une carence, si elle fait consensus avec l’exclusion des départs réflexes (à 95%) et des interventions sur la voie publique (à 85%), c’est moins le cas pour les interventions sur des « lieux remarquables » (maires, préfectures…) et sur les lieux recevant du public. 55% des Samu estiment que les premières devraient être exclues des carences, et 49% pour les secondes. Enfin, nombre de motifs d’intervention jugés à risque vital ou fonctionnel par les médecins régulateurs justifiant le recours à un SDIS sont contestés par ces derniers : 66% pour les douleurs abdominales, 38% pour les situations psychiatriques avec péril imminent, 38% pour les intoxications médicamenteuses avec risque évolutif, 33% pour les AVC, 32% pour les douleurs thoraciques, 24% pour les femmes enceintes aun3ème trimestre avec risque d’accouchement, et 17% pour les alcoolisations aigües, liste SUdF.
La loi 25 novembre 2021 visant à consolider notre modèle de sécurité civile et valoriser le volontariat des sapeurs-pompiers et les sapeurs-pompiers professionnels - ou Loi Matras - avait pour objectif de favoriser l'engagement des sapeurs-pompiers volontaires en reconnaissant notamment leur rôle dans les interventions relevant de l'aide médicale d'urgence. Elle introduisait également l'expérimentation sur 2 ans du numéro d'urgence unique.
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