Quelque 3,9 millions de personnes aident un proche de 60 ans ou plus à son domicile, selon l'enquête CARE-Ménages réalisée en 2015 et par la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees). Au total, 47% de ces proches aidants affirment que leur santé en pâtit : 19% déclarent au moins une conséquence sur leur santé physique (fatigue physique, trouble du sommeil, problème de dos ou palpitations) et 37% au moins une conséquence sur leur santé mentale (fatigue morale, solitude, se sentir dépressif, anxieux). Selon l'étude, les aidants déclarent subir davantage de conséquences si le lien avec la personne aidée est proche (conjoints ou enfants), si la personne aidée présente des troubles cognitifs et s’ils cohabitent avec elle. Les conséquences sont également plus importantes si les aidants effectuent des tâches variées auprès du senior et s'ils «ont l’impression de faire des sacrifices, de manquer de temps, de répit et de formation», indique la Drees.
Autre situation étudiée par la Drees, celle concernant les seniors cohabitant avec une personne en perte d’autonomie. Qu'ils déclarent être aidants ou non, ces seniors se déclarent deux fois plus en mauvaise ou très mauvaise santé que les autres seniors (24% contre 12%). Ils sont 35% à se dire en état de détresse psychologique et 39% à avoir consommé au moins une fois un médicament anxiolytique ou antidépresseur dans l’année. «Ces résultats suggèrent qu’avoir un proche en perte d’autonomie pourrait non seulement affecter la santé des aidants, mais aussi celle de tous ceux qui vivent avec elle, quand bien même ils ne déclarent pas lui apporter d’aide», relève la Drees.
La «jeunesse bousculée» des aidants mineurs
Ils ont 16 ou 18 ans et jonglent entre leurs cours au lycée et leur soutien à une mère ou un frère malade : le rôle des jeunes aidants reste encore méconnu en France en dépit des conséquences documentées sur leur santé, leur scolarité et leur vie sociale. «Au quotidien c'est dur moralement», confie par exemple Romain, 17 ans, «soutien» de sa soeur de 19 ans qui souffre de troubles bipolaires. «Ma soeur peut passer d'un état à l'autre très rapidement et c'est très compliqué. C'est stressant, j'ai peur qu'elle ne s'en sorte pas», ajoute le lycéen à quelques jours de la journée nationale des aidants organisée dimanche. Selon la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques des ministères sociaux (Drees), la France comptait en 2021 quelque 9,3 millions d'aidants, dont 500 000 mineurs. Une étude du Crédoc (centre pour l'étude et l'observation des conditions de vie) publiée en 2023 chiffrait elle à près d'un million le nombre de jeunes de 16 à 25 ans accompagnant un proche fragilisé par une perte d’autonomie liée à l'âge, à la maladie ou au handicap.
Soutien moral, visite à l'hôpital, tâches domestiques, aide administrative... La «vie de ces jeunes et leur quotidien s'en trouve totalement bousculée», souligne Morgane Hiron, déléguée générale du collectif Je t'aide. «Et à la différence des adultes aidants, ils n'ont pas forcément les ressources pour identifier leurs limites, n'ont pas encore appris à pouvoir dire non» et peuvent rapidement se retrouver «submergés», ajoute-t-elle. Car si l'aide apportée à son proche est perçue majoritairement comme positive par les jeunes concernés, la charge mentale et émotionnelle qu'elle génère est loin d'être indolore.
«Isolement»
Dans l'enquête du Crédoc, 32% des jeunes aidants percevaient leur situation d'aide comme une charge «difficile ou très difficile» à supporter. Et 28% confiaient se retrouver «souvent» dans un état d'épuisement intense. Les jeunes aidants interrogés faisaient notamment état d'une fatigue physique, de problèmes de sommeil, d'une perte ou prise de poids, de problèmes de dos ou encore de stress.
A 16 ans, Livia, dont le petit frère a été victime d'un AVC in utero et qui en conserve des séquelles, reconnaît que sa vie «est un peu basée autour de lui» et explique préférer ne pas aborder cette situation avec ses amies ou ses proches. «Les jeunes aidants sentent bien qu'ils sont différents des autres jeunes, qu'ils ont moins de temps pour faire des activités parascolaires, d'aller à des fêtes d'anniversaires, etc.», relève Morgane Hiron. «Et ils n'osent pas forcément inviter des gens chez eux. Il y a un isolement progressif».
Multiples, les conséquences ont été ces dernières années documentées dans des études en Angleterre ou aux Etats-Unis. En ressort une série de difficultés pendant la scolarité: absence, retard, fatigue à l'école, manque de concentration, harcèlement scolaire, manque de temps pour les devoirs... Les études pointent également un chamboulement en terme d'orientation professionnelle, avec des jeunes optant pour des études plus courtes afin de gagner plus rapidement leur vie ou pour des études dans leur ville pour rester près de leurs proches.
Répit et culpabilité
Ceux qui décident de s'éloigner sont souvent rongés par la culpabilité à l'image d'Inès, dont la mère âgée de 62 ans et vivant en Bretagne souffre d'Alzheimer. «La première année où je suis partie à Lyon j'avais vraiment l'impression d'abandonner ma maman», explique l'étudiante de 21 ans. «Avec tout le stress et l'anxiété, j'ai fait un burnout, je n'allais pas assez bien mentalement pour continuer les cours».
Sur le terrain, les associations, à l'instar du réseau Pause Brindille, proposent des espaces de répit et des temps d'échanges entre jeunes aidants. Et exhortent l'Etat à agir. Depuis 2019, une sensibilisation des personnels de l'Education nationale et un aménagement des rythmes pour les étudiants aidants sont prévus. Depuis peu, les étudiants aidants peuvent également acquérir quatre points de charges supplémentaires dans le cadre d'une demande de bourse sur critères sociaux. Mais «il faut aller plus loin, il y a urgence», estime Amarantha Barclay Bourgeois, directrice de JADE (Jeunes aidants ensemble), qui appelle à «mettre le paquet sur la prévention et sur la sensibilisation».
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