Le couperet est tombé. Le Conseil Interdépartemental de l'Ordre des Infirmiers de l'Eure et de Seine-Maritime a refusé, fin septembre, d'inscrire à l'Ordre des infirmiers un homme condamné à deux reprises pour des violences conjugales et actuellement accusé de viol. Le Conseil Interdépartemental de l'Ordre des Infirmiers a motivé cette décision par un «défaut de moralité», un critère essentiel pour l'inscription à l'Ordre des Infirmiers. Son président Karim Mameri nous explique la position du Conseil.
Pourquoi le Conseil de l'Ordre a-t-il pris cette décision ?
Le rôle du Conseil de l'Ordre est d'assurer la sécurité et la protection des patients. Lors d'une inscription auprès de l'Ordre, un infirmier doit donc attester de sa compétence, mais également de sa moralité. Dans cette affaire, bien que la présomption d'innocence demeure, le Conseil a estimé que les éléments disponibles et les condamnations antérieures n'étaient pas compatibles avec l'exercice de la profession infirmière, en raison de la gravité des faits.
La déontologie des infirmiers inclut non seulement les compétences professionnelles, mais aussi des critères de moralité, d'indépendance et l'absence d'état pathologique incompatible avec la profession.
Sur quelle base le Conseil de l'Ordre prend-il ce type de décision ?
L'Ordre est garant de la déontologie des infirmiers, qui inclut non seulement les compétences professionnelles, mais aussi des critères de moralité, d'indépendance et l'absence d'état pathologique incompatible avec la profession. Lors d'une inscription, le Conseil examine donc le casier judiciaire et peut également être amené à s'appuyer sur des signalements. Dans ce cas, les condamnations précédentes ont conduit à la conclusion que la moralité du candidat n'était pas compatible avec les exigences de la profession infirmière.
Le défaut de moralité estimé concerne des éléments de la sphère privée de cet infirmier... N'est-ce pas dérangeant ?
En effet et ce sont des éléments qui ont été discutés bien sûr. Dans certaines circonstances, des éléments de la sphère privée peuvent être pris en compte, lorsqu'ils sont susceptibles d'avoir un impact sur la qualité des soins ou sur la sécurité des patients. La jurisprudence reconnaît d'ailleurs cette possibilité dans les métiers régulés par des ordres professionnels, notamment en raison de la responsabilité particulière des infirmiers vis-à-vis des patients. A partir de là, le Conseil de l'Ordre peut être amené à se saisir d'éléments de la vie privée s'il estime qu'il pourrait y avoir un impact défavorable sur la prise en soins.
Une telle décision est-elle rare ?
Il s'agit de décisions difficiles et heureusement rares, mais elles surviennent lorsque des faits graves sont en jeu. Le système de santé, et notamment les professions à forte interaction avec le public, doivent maintenir des standards élevés en matière de comportement, tant sur le plan professionnel que personnel.
Il ne s'agit pas de faire de la politique ni de parler de #MeToo, néanmoins, aujourd'hui, à l'hôpital et dans le système de santé en général, il y a une attention très particulière à avoir sur des agissements tels que le harcèlement sexuel, les agressions sexuelles ou encore la violence. Nous sommes extrêmement vigilants.
Est-ce que cet homme peut exercer dans un autre département que l'Eure?
En théorie, cet infirmier pourrait solliciter son inscription dans un autre département. Cependant, les motifs de refus sont communiqués aux autres Conseils de l'Ordre, qui seront amenés à réévaluer sa demande avec les mêmes éléments. Le candidat peut également faire appel de cette décision devant les juridictions ordinales et, en dernier recours, devant le Conseil d'État.
Cette décision a-t-elle été difficile à prendre ? A-t-elle donné lieu à des débats parmi les 16 élus ?
Oui, bien entendu. Ce genre de décisions repose toujours sur des discussions sérieuses et approfondies. Nous avons reçu le candidat pour entendre sa version des faits, comme c'est la procédure. Toutefois, en raison de la gravité des accusations et du cumul d'éléments en défaveur du candidat, le Conseil a estimé qu'il y avait un doute sérieux concernant sa moralité. Ce doute, dans notre mission de protection des patients, nous a conduits à refuser son inscription. Il est important de souligner, comme je l'ai dit, que cette décision peut être contestée en appel, d'abord devant le Conseil régional, puis, en dernier ressort, devant le Conseil d'État.
Que se passe-t-il lorsque des éléments graves vous parviennent alors que l'infirmier est déjà inscrit à l'Ordre?
Si un infirmier est déjà inscrit et que des faits graves surviennent, nous pourrions engager des poursuites disciplinaires devant la chambre disciplinaire. C'est alors un magistrat qui décide de la sanction, qui peut aller d’un simple avertissement jusqu’à la radiation définitive du tableau de l'Ordre, en fonction de la gravité des faits. Cependant, sans inscription préalable à l'Ordre, nous ne pouvons qu'empêcher l'accès à la profession, comme cela a été le cas ici.
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