Deux messages aux professionnels de santé et trois priorités urgentes. C'est par là qu'Arnaud Robinet, président de la Fédération Hospitalière de France, a souhaité commencé lors d'un point presse de rentrée. «Le premier message est un message de fierté et de reconnaissance : cet été comme chaque été, les professionnels de l'hôpital public ont répondu présent», a-t-il salué, faisant référence notamment au bon déroulement de l'activité lors des Jeux olympiques et paralympiques. «Je pense plus largement aux professionnels qui ont assuré la continuité et la permanence des soins», a-t-il insisté. «Mon deuxième message est un message de soutien puisque ces dernières semaines ont encore été marquées par des agressions de soignants à l'hôpital comme en ville et la FHF a fait de ce sujet une priorité absolue», a-t-il assuré, après l'agression d'une médecin à Marseille mi-août.
Au cœur des enjeux : le financement, l'attractivité et l'amélioration de l'accès aux soins
Arnaud Robinet a ensuite dégagé «trois priorités, trois urgences» : celle du «financement» d'abord. «La situation budgétaire de l'hôpital public n'a jamais été aussi dégradée», a ainsi indiqué celui qui est également maire Horizons de Reims. «Nous demandons ni plus ni moins que les acteurs de l'hôpital public et médico-social soient financés à hauteur de leurs coûts, ce qui passe par la compensation de l'inflation», a-t-il dit. Celle des «ressources humaines» ensuite, «mère des batailles» selon son expression. «Beaucoup de chantiers utiles ont été ouverts ces derniers mois. Il faut accélérer : former plus de professionnels, mieux les accompagner, simplifier leur quotidien, mettre en place des modes de fonctionnement plus participatifs, il faut continuer à tout revoir, de la cave au plafond», a-t-il résumé. «Se doter d'une stratégie claire, assumée, pluriannuelle pour améliorer l'accès aux soins et développer la prévention» enfin.
Nous ne pouvons pas laisser le refrain des difficultés aux urgences et ailleurs se répéter chaque année
«Plus que jamais le système de santé, la santé dans sa globalité, a besoin de stabilité, de vision, pour que les réformes nécessaires soient faites», a-t-il martelé. «C'est pourquoi nous demandons que les travaux pour une loi de programmation pour le grand-âge et d'une stratégie d'investissement pour l'hôpital soit engagés au plus vite. Et cette planification, cette anticipation, est la seule méthode possible pour engager des réformes de fond qui permettront de répondre aux besoins de la population mais également de maîtriser les dépenses publiques».
«Nous ne pouvons pas laisser le refrain des difficultés aux urgences et ailleurs se répéter chaque année. Le PLFSS doit nous accorder des financements cohérents avec nos missions et permettre d'initier un véritable débat sur notre stratégie pour le système de santé», a-t-il conclu.
Des mesures d'urgence pour les urgences
«Les urgences comme chaque année accueillent 21,6 millions de patients dont 80% sont assurés par l'hôpital public», a rappelé Zaynab Riet, déléguée générale de la FHF, «ce qui représente un doublement des passages en 20 ans. 37% de ces passages aux urgences font l'objet d'une hospitalisation», a-t-elle précisé. «Nous observons depuis plusieurs années un mouvement de fond qui fait peser un poids de plus en plus important sur les urgences et l’hôpital public en matière d'accueil des soins non programmés», a-t-elle regretté. En cause : «les difficultés d'accès à un médecin traitant ou encore une mauvaise orientation de certains patients (environ 20%) dont la situation ne relève pas des urgences».
Selon une «enquête flash», publiée mardi 3 septembre et réalisée auprès de 260 établissements, 39% d'entre eux estiment que la situation de leurs urgences s'est dégradée en 2024, contre 46% des établissements qui estiment que la situation est restée stable par rapport à 2023, et 15% qui observent une amélioration. «Ces difficultés persistent et s'aggravent pendant l'été», a-t-elle ajouté, se félicitant tout de même que, pour la première fois depuis la crise du Covid, les établissements hospitaliers aient «fait l'effort d'accorder les congés demandés par les personnels».
L'enjeu de fond est de renforcer les équipes dans les services de l'hôpital, aux urgences mais aussi dans les services d'hospitalisation afin d'ouvrir des lits
Parmi les mesures qui pourraient diminuer la pression estivale sur les urgences, la déléguée générale a mentionné une «meilleure répartition des patients avec la réponse la plus pertinente en ville ou à l'hôpital» (notamment grâce aux Services d'Accès aux Soins (SAS) dont le déploiement est en cours), mais également «de la contrainte en termes de mobilisation des acteurs du soin». «Nous attendons avec impatience la publication du décret faisant évoluer le régime de la permanence des soins en établissements», en application de la loi Valletoux de décembre 2023 sur l'accès aux soins, a indiqué Zaynab Riet. «La troisième solution est de mieux organiser les filière de soins, notamment pour les personnes âgées», a-t-elle souligné, pensant notamment à la mise en place du parcours d'admission directe pour les hospitalisation non programmées, à la généralisation du recours aux soins infirmiers la nuit dans les Ehpad et au renforcement du rôle de médecin coordonnateur ainsi qu'au développement des interventions des équipes mobiles, de l'hospitalisation à domicile, sur le lieu de vie des personnes, y compris dans les Ehpad. «L'enjeu de fond est aussi de renforcer les équipes dans les services de l'hôpital, aux urgences mais aussi dans les services d'hospitalisation afin d'ouvrir des lits», a -t-elle conclu, «et c'est aussi l'enjeu du PLFSS».
Sur le plan des ressources humaines, une embellie malgré les difficultés
La FHF a mené ces dernières semaines une grande enquête auprès des hôpitaux publics qui permet d’objectiver la situation sur le plan des ressources humaines pour la totalité de l’année 2023. Celle-ci révèle «plusieurs signaux positifs sur le plan de l’attractivité des métiers hospitaliers, malgré des difficultés persistantes», comme en attestent plusieurs chiffres présentés par Rodolphe Soulié, directeur du pôle RH de la FHF.
Si 1/4 des établissements connaissent encore des difficultés généralisées, concernant le recrutement, la grande majorité d'entre eux connait «soit des difficultés qui se sont concentrées sur certaines métiers, soit un niveau de difficulté qui s'est abaissé».
Le recrutement difficile des infirmiers de bloc
Parmi les métiers marqueurs à difficulté de recrutement, on compte sans surprise les infirmiers : «l'ensemble des métiers infirmiers et infirmiers spécialisés au sein desquels il faut arriver à faire une différence entre les infirmiers en soins généraux et les infirmiers spécialisés, singulièrement les infirmiers de bloc opératoire, un métier pour lequel le recrutement demeure particulièrement compliqué du fait d'un marché du travail extrêmement tendu et qui appellera à des actions complémentaires», a souligné Rodolphe Soulié.
«Les recrutements en sortie d'école pour les médecins et les infirmiers interviennent en début d'été», a également rappelé Rodolphe Soulié. «Les résultats montrent une amélioration des recrutement en sortie d'école, une dynamique qui s'amplifie pour un quart des établissements, qui s'affaisse pour un quart et qui reste stable pour l'ensemble. Dans le détail, les gros recruteurs, les CHU, connaissent une situation qui s'améliore progressivement», a-t-il assuré.
Concernant le personnel non médical :
- Le taux de postes vacants poursuit sa diminution, en particulier du côté des infirmiers avec seulement 3 % de vacance en 2023 (contre 5,7 % en avril 2022) ;
- L’absentéisme continue également de décroître pour s’établir (tous établissements confondus) à 9,5 % (contre 11,1 % en 2022), soit le niveau le plus bas observé depuis le Covid.
- La moitié des CHU notent une progression des recrutements de soignants en sortie d’école entre l’été 2022 et l’été 2023 ;
Si l'on constate, dans la globalité, une amélioration des recrutements infirmiers, cette embellie est liée à plusieurs éléments selon Zaynab Riet. «C'est certainement lié à la formation de davantage de candidats, et puis il ne faut pas nier non plus l'effet Ségur et de la rémunération, qui n'est pas neutre».
Au sujet du personnel médical :
98% des établissements répondant rapportent des difficultés de recrutement dans au moins une spécialité. Ces difficultés de recrutement génèrent, dans trois établissements sur quatre, une augmentation du volume de temps de travail additionnel, une augmentation du recours aux praticiens à diplôme hors Union Européenne ainsi qu’un recours à l’intérim. «Dans cette situation, la priorité doit être de soutenir la reconquête progressive de l’attractivité des métiers hospitaliers et de la fidélisation des professionnels», a noté la FHF.
Les hôpitaux publics demandent +6% de budget en 2025
La Fédération Hospitalière de France (FHF) réclame pour 2025 une hausse de 6% de l'enveloppe financière allouée aux hôpitaux publics et privés dans le prochain budget de la Sécurité sociale (PLFSS 2025), soit 6,3 milliards d'euros, a-t-elle indiqué. Le déficit cumulé des hôpitaux publics «dépasse 1,7 milliard en 2023 et devrait atteindre 2 milliards en 2024», a précisé Arnaud Robinet, son président, lors d'une conférence de presse. «Il est impossible de continuer ainsi, nous avons besoin d'un budget de la Sécurité sociale qui tienne compte de cette réalité», a-t-il ajouté.
Dans la LFSS 2024, l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM) pour l'hôpital avait été fixé à 105,6 milliards d'euros. La FHF réclame que cette enveloppe hospitalière 2024 soit augmentée de 2,3% à 108 milliards d'euros, compte-tenu notamment de l'inflation, et qu'ensuite cette enveloppe progresse à nouveau de 3,6% en 2025, pour atteindre les 111,9 milliards d'euros - soit +6% par rapport aux 105,6 milliards de 2024.
En tout cas, l'élaboration et la présentation du PLFSS 2025 (projet de loi de financement de la Sécurité sociale) «urge un peu», a souligné Arnaud Robinet. Le PLFSS est traditionnellement présenté à la fin septembre, une semaine après la présentation du projet de budget de l'Etat (PLF). Mais l'absence de gouvernement risque de repousser l'échéance, suscitant l'inquiétude de tous les secteurs professionnels concernés. «Selon ce que nous avons appris dans les médias (...), le PLFSS sera reculé d'une semaine à 15 jours. Ce sont les seules informations que nous ayons eues jusqu'à maintenant», a indiqué le président de la FHF.
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