Les déclarations du chef de l’Etat étaient particulièrement attendues, ce vendredi 6 janvier au matin, dans un contexte de tensions extrêmes sur l’hôpital et la médecine de ville, entre grève des médecins libéraux, déserts médicaux qui s’étendent, urgences au bord de l’implosion, et pédiatrie et psychiatrie asphyxiées. Dans certains services, il manquerait ainsi 40% de paramédicaux et, en décembre, un collectif de plus de 5 000 médecins, soignants et agents hospitaliers suppliait le gouvernement d’agir pour un hôpital public « en train de se fissurer et bientôt de s’écrouler » et incapable « d’amortir la moindre crise sanitaire ». Il réclamait, entre autres, un ratio entre infirmiers et patients, ce qui supposerait d’embaucher environ 100 000 infirmiers sur 3 ans.
« Le président de la République va donner un cap aux soignants » avec des annonces « très concrètes », afin qu’ils retrouvent « du sens dans leur métier » et pour faciliter « l’accès aux soins » des Français, promettait l’Elysée. La dernière fois qu’Emmanuel Macron dédiait ses vœux aux professionnels de santé, c’était en 2017, preuve du caractère devenu prioritaire aujourd’hui de la question de l’hôpital et de l’accès aux soins.
La santé n'est pas une politique publique parmi d’autres, mais elle permet toutes les autres.
En déplacement au Centre hospitalier Sud Francilien (CHSF) en banlieue parisienne, Emmanuel Macron a visité en compagnie de François Braun, le ministre de la Santé, les urgences pédiatriques, particulièrement bousculée par une forte épidémie de bronchiolite. « Le Covid a montré que la santé n'est pas une politique publique parmi d’autres, mais qu’elle permet toutes les autres », a-t-il rappelé, en rendant hommage au professionnalisme et au dévouement des professionnels de santé, durant la crise sanitaire mais aussi à sa sortie. « Je sais l'épuisement, personnel et collectif, le sentiment de perte de sens, de passer d'une crise à l'autre », avec l'idée « qu'il n'y a pas de perspective ». Pour autant, il n'existe pas de « solution miracle » face à une crise structurelle, conséquence de choix devenus délétères réalisés au cours des dernières décennies : formation de moins en moins de soignants, application des 35 heures qui ont désorganisé les hôpitaux, cloisonnement ville/hôpital, rigidification de la gouvernance des établissements... « La situation va se dégrader », prévient-il, car nombre de médecins généralistes, notamment, seront amenés à prendre leur retraite dans les prochaines années, alors même que les résultats de la suppression du numérus clausus ne seront visibles que dans « 5 ou 8 ans ».
Augmenter les recrutements pour libérer du temps médical
Le problème, note le chef de l'Etat, n'est pas tant d'ordre financier qu'organisationnel. Le premier objectif qu'il se fixe consiste à redonner du temps médical, en accélérant notamment le recrutement des assistants médicaux et en étendant ce dispositif à l'hôpital. « Nous souhaitons parvenir à 10 000 assistants médicaux d'ici 2024 », annonce-t-il. Côté infirmier, le nombre de places en formation sont amenées à augmenter de 20% sur 3 ans, mais il insiste sur la nécessité « d'aller plus loin ». Car « le problème, c'est que beaucoup arrêtent leur formation en cours de route - environ 30%, tandis que 10 à 15% échouent ». Et une fois diplômés, nombre d'étudiants se réorientent ou choisissent l'intérim. Il faut donc revoir l'organisation des études, mais aussi responsabiliser les soignants - le gouvernement a marqué sa volonté dans la loi de financement de la Sécurité sociale de limiter l'intérim pour les nouveaux professionnels -, tout en mettant en place des éléments de rétention des professionnels.
Réorganiser l'hôpital
Or ces éléments sont essentiellement organisationnels, juge-t-il. À l'hôpital, il entend ainsi remettre à plat l'organisation en 35 heures, « un système qui ne marche pas » car il induit nécessairement le recours aux heures supplémentaires, allouées « de manière complètement hétérogènes » selon les établissements ou les services. Afin de redonner du sens aux métiers du soin, Emmanuel Macron défend « la liberté d'organisation » au sein des services. Concrètement, les hôpitaux devront avoir, au 1er juin, finalisé les discussions avec leurs équipes afin que celles-ci puissent bénéficier de plus d'autonomie organisationnelle. « Il faut redonner de la prévisibilité » aux soignants (sur les questions de planning, notamment) et faire en sorte que de revenir « à l'échelle du service pour les décisions du quotidien. » Il souhaite également voir à la tête des établissements un tandem, composé d'un administratif et d'un professionnel de santé. Enfin, dernier défi : limiter la concurrence « nuisible » entre public et privé en sortant d'un mode d'organisation qui valorise presque exclusivement l'acte, une promesse qu'il formulait déjà en 2018. « Nous devons sortir de la T2A d'ici le prochain projet de loi de financement de la Sécurité sociale », a-t-il martelé, avec un financement reposant sur des objectifs de santé publique.
En ville, renforcer la permanence des soins
« Quand la permanence des soins est mal assurée en ville, tout arrive à l'hôpital. Il faut inciter à la permanence des soins en ville », a-t-il déclaré, tablant en particulier sur une meilleure rémunération des médecins qui y participent et qui prennent de nouveaux patients. Il est également nécessaire de renforcer la délégation des tâches, de médecins aux paramédicaux, un effort que les Ordres des différentes professions de santé appellent de leurs voeux. « Il faut renforcer les compétences des autres professions de santé, avec le développement plus massif des infirmiers en pratique avancée », relève-t-il. Renouvellements d'ordonnance, vaccination, ou encore éducation thérapeutique doivent pouvoir être déléguées, liste-t-il, avec la nécessité de valoriser ces actes afin de valoriser, parallèlement, les formations et les compétences de chaque profession.
Une volonté qui fait écho à celle consistant à inciter à la collaboration entre tous les acteurs de la santé des territoires, par le biais de la création de nouvelles communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), mais surtout en décloisonnant la ville et l'hôpital, avec celles de réseaux entre ces CPTS et les hôpitaux.
« Tous ces chantiers sont des chantiers massifs que nous n'avons pas voulu traiter » au cours des années précédentes, précise le chef de l'Etat, et qui seront en lien avec d'autres réformes essentielles, à commencer par celle concernant les 1 000 premiers jours et le grand-âge et la dépendance. « Je suis et je serai aux côtés de l'hôpital et de ceux qui ont aidé à ce qu'il tienne », promet-il en conclusion.
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