La France serait-elle devenue un piètre élève en matière de santé périnatale (de la grossesse au premier anniversaire de l'enfant) ? Le pays compte aujourd'hui «davantage de décès de nouveau-nés et de bébés» que beaucoup de ses voisins européens, se situant au 22e rang pour la mortalité infantile, «avec 4 morts pour 1 000 naissances», alerte un rapport sénatorial. Réalisé à l'initiative du groupe parlementaire centriste au Sénat RDSE (Rassemblement démocratique, social et européen), celui-ci relance l'épineux débat sur l'avenir des petites maternités, entre lutte contre les déserts périnatals, rationalisation de l'offre de soins et bonne prise en charge de la mère et de l'enfant.
Car en cinquante ans, le nombre de maternités a été divisé par trois en France, et plusieurs rapports récents (Académie de médecine, Cour des comptes), ont suggéré de diminuer encore l'offre de maternités sur le territoire, au grand dam des élus locaux. Après de bons résultats au début du XXIe siècle en matière de santé périnatale, la France connaît depuis une dizaine d'années «un décrochage certain par rapport à ses voisins européens en termes d'indicateurs de santé publique dans le champ de la santé périnatale», ont expliqué les auteurs du rapport : «Au delà-de six mois de grossesse, un bébé sur cent naît sans vie ou décède au cours de sa première semaine» aujourd'hui dans l'Hexagone et 7% des naissances sont prématurées, entraînant une importante «charge en soins» pour l'hôpital, déjà éprouvé par des pénuries de soignants. Enfin la santé de la femme enceinte et de la mère est également préoccupante «avec des chiffres élevés de décès maternels». Les complications physiques et psychologiques sont en effet trop «fréquentes» chez les mères, constate ce document. Le suicide est devenu «la première cause de décès maternel après l'accouchement et la dépression du post-partum touche une mère sur cinq et un père sur dix», ont ainsi rappelé les auteurs de ce rapport, résumant la situation en des termes crus : «En clair, le statu quo et l'absence de réforme de la politique de périnatalité correspond en réalité à une décision qui ne dit pas son nom. Selon le gynécologue obstétricien Yves Ville, entendu par la mission, il s'agit ni plus ni moins d'un lent pourrissement de la situation».
Faire croire qu'il s'agit simplement de former des médecins en masse et de les disperser sur le territoire est un leurre.
Manque de moyens et "inévitable" restructuration
Parmi les causes identifiées de ces mauvais chiffres figurent l'âge de grossesse plus tardif, un état de santé dégradé des mères (obésité, diabète gestationnel, précarité...) mais aussi et surtout : la «fragilité» de l'offre de soins.
La rapporteure, Véronique Guillotin (Parti radical), a déploré lors d'une conférence de presse un manque de lits en réanimation néonatale, des équipes soignantes souvent incomplètes et instables, avec un recours coûteux à l'intérim, des «fermetures» inopinées parfois prolongées, ou encore des risques accrus, en cas de complications, dans certains établissements, avec de fortes disparités territoriales («certains départements, Nord Est de la France, l'Ile-de-France ou encore les territoires ultramarins présentent des taux de mortalité infantile parfois deux fois plus élevés que la moyenne nationale»). Elle note également la baisse de la natalité (-20% depuis 2010) et une demande croissante d'accouchements «moins médicalisés» (accouchements «physiologiques», à domicile...), estimant le réseau actuel «inadapté» aux besoins, ressources et impératifs de sécurité. «Inévitable», la restructuration du réseau «doit être organisée», pour ne pas être «subie», a-t-elle assuré. «Elle doit être conduite, non pas sur la base des seuils d'activité» (nombre de naissances par maternité), mais à partir d'une évaluation des structures et besoins par bassin de naissance. Véronique Guillotin a ainsi appelé à établir des indicateurs spécifiques, pour aller vers «des plateaux techniques moins nombreux», mais à «haut niveau de sécurité», permettant «une pluralité de projets de naissance». Une action qui doit s'accompagner d'un «renforcement de l'offre de proximité» pour le suivi prénatal et post-natal, et en matière de transport médical d'urgence. «Chacune et chacun doit pouvoir trouver une structure près de son domicile jusqu'à l'accouchement et immédiatement en sortie de maternité».
Meilleur suivi des parents
Il faudra donc «transformer de grandes structures», «renforcer certaines petites maternités fragiles», considérées pourtant comme «indispensables» pour l'accès aux soins, «notamment en zone montagneuse ou insulaire», mais aussi «transformer certaines structures non viables en maternités sans accouchement», a détaillé Véronique Guillotin. «Il faut s'enlever de la tête qu'une maternité n'est que l'acte d'accouchement»: «il y a les IVG, les PMA (procréation médicalement assistée), le suivi pré-natal et post-natal», des services «indispensables» qui peuvent disparaître en cas de fermetures «subies», a observé la présidente de la mission d'information, Annick Jacquemet. Ces petites maternités pourraient pourtant offrir un «suivi renforcé» du post-partum, importante «lacune» du système, les jeunes parents étant souvent perdus au moment du retour à domicile, et perméables aux fausses informations, qui doivent être combattues, a-t-elle poursuivi.
La place des services de protection maternelle et infantile (PMI) devra également être «rénovée», a-t-elle souligné, les PMI étant encore «trop perçues comme un service de protection de l'enfance plutôt que comme un lieu d'accompagnement des soins». La PMI doit aussi trouver une juste place auprès des professionnels de ville comme de l'hôpital. Ainsi, des expérimentations pourraient donner lieu à des PMI au sein de site hospitaliers ou encore dans des locaux partagés pour permettre un meilleur accès général.
Le rapport préconise encore de «garantir les effectifs de professionnels» (infirmiers, gynécologues-obstétriciens, pédiatres, anesthésistes-réanimateurs, sage-femmes) en formant davantage et en «améliorant l'attractivité» des carrières. Pour fidéliser les professionnels de santé, l'un des enjeux du dossier, les auteurs ont évoqué plusieurs leviers : la formation et la revalorisation au premier chef, mais aussi l'amélioration des conditions de travail. «Le fait de travailler dans des équipes plus nombreuses donne lieu à un niveau de garde et d'astreinte plus acceptable d'après les soignants interrogés». Il faudra enfin selon le texte réviser d'ici 2025 les décrets, datant de 1998, qui fixent notamment «les ratios d'encadrement» des naissances. Il défend la garantie, sur tout le territoire, du minimum «d'un lit de réanimation néonatale pour 1 000 naissances».
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