Les mesures mises en place pour limiter l’engorgement des services d’urgences « sont loin d’avoir produit tous leurs effets » et certaines doivent même « être complétées », constate la Cour des comptes dans son rapport sur l’accueil et le traitement des urgences à l’hôpital, publié le 19 novembre. Saisie par la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, la Cour avait pour objectif de mesurer l’effectivité des actions listées dans le programme « Ma santé 2022 » spécifiques à la médecine d’urgence et celles élaborées dans le cadre du pacte de refondation des urgences (adopté en 2019). Ce dernier annonçait notamment la mise en place des services d’accès aux soins (SAS) et des antennes de médecine d’urgence, dont le dispositif a été formalisé dans le cadre de la réforme des autorisations en médecine d’urgence.
Une situation qui continue à se dégrader
Or depuis la mise en place de ces mesures, la situation au sein des services d’urgences s’est encore dégradée. En cause, la conjonction de deux facteurs : la pénurie de médecins urgentistes et le vieillissement de la population, qui entraîne une demande croissante de soins. Depuis 2019, le nombre d’appel au Samu a ainsi augmenté 26,3%, et celui des dossiers de régulation médicale de près de 30%. « Les passages dans les structures des urgences, quant à eux, augmentent continûment depuis 1996 », à l’exception de la période Covid, où l’activité a diminué. D’après la Drees, en 2022 les urgences ont enregistré 20,9 millions de passages (hors Outre-mer et Corse) supportés essentiellement par les hôpitaux publics, soit une hausse de 6% par rapport à 2021.
Un manque de coordination avec la permanence des soins en ville
« Les mesures prises pour prendre acte de ces évolutions, parfaitement documentées et prévues, ne sont pas à la hauteur des adaptations nécessaires », tacle la Cour des comptes. Et quand elles le sont, elles se heurtent à des obstacles « parfois de second ordre » (procédures, agréments). Ce qui pèche également : l’incapacité d’adapter l’offre de soins de premiers recours en ville, censé éviter le recours aux urgences. Le rapport pointe ainsi le manque d’efficacité de la coordination entre la régulation des urgences et l’organisation de la permanence des soins en ville, ou de la simplification de l’accès aux soins pour les personnes âgées, qui doit leur éviter de passer par les urgences. Les territoires sont ainsi inégalement couverts en termes de permanence des soins, en particulier la nuit. Autre frein : le manque de développement des compétences des infirmiers, sage-femmes et pharmaciens, qui pourraient autrement libérer plus de temps médical ou, à tout le moins, « maintenir un suivi des personnes à la santé précaire » en l’absence de médecin traitant.
Une organisation à améliorer
La Cour des comptes recommande, entre autres, de fluidifier les sorties, notamment pour les personnes âgées, cette préoccupation étant devenue désormais « dominante » dans la question de l’organisation des parcours de soin. Il faut également mettre en place une coordination territoriale pour mutualiser les lits en cas d’hospitalisation après un passage aux urgences. Pour résoudre les problèmes d’attractivité des personnels urgentistes, les auteurs préconisent de muscler la lutte contre les incivilités et les violences et les activités qui parasitent la prise en charge tel que la recherche de lits d’aval. « Les centres de soins non programmés ne peuvent pas se multiplier hors de tout encadrement dès lors qu’ils n’exercent pas la fonction de médecin traitant et qu’ils ne participent pas à la permanence des soins », jugent également les auteurs du rapport. Ils appellent à poursuivre la rénovation des locaux, et la sécurisation des personnels et des patients.
Fluidifier la communication
Il est aussi nécessaire que « les dispositifs de recueil et d’exploitation des données de régulation, de passages aux urgences, de financement à l’activité, de disponibilité en lits et en personnel médical soient modernisés et unifiés », afin que les pouvoirs publics puissent mieux anticiper les tensions, insistent-ils. Les causes et mesures correctrices des événements graves indésirables doivent par ailleurs faire régulièrement l’objet d’une communication. Enfin, « le public, auquel le service des urgences s’adresse, sera d’autant plus enclin à en user de manière strictement utile qu’il sera informé de manière transparente des paramètres d’activité, de disponibilité, de sécurité des structures des urgences, parallèlement à la possibilité de régulation. » Aussi doit-il avoir facilement accès à ces informations, achève la Cour des comptes.
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