FÉDÉRATION HOSPITALIÈRE DE FRANCE

Budget, psychiatrie, santé des femmes : l'hôpital public déroule ses priorités

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Publié le 22/01/2025

Pour répondre aux besoins en santé, la Fédération Hospitalière de France (FHF) a rappelé les axes les plus urgents que permettront le financement de l'hôpital public, une vision à long terme du système de santé et enfin l'attractivité, au service du soin et des patients.

deux lits, couloir, service d'urgences, deux soignants, accueil

Crédit photo : S.Toubon

«Cette année 2025 sera celle de l'action et de la transformation», a affirmé Arnaud Robinet, président de la Fédération Hospitalière de France (FHF), appelant à la refondation d'un système de santé à la fois «performant durable et soutenable», lors d'un point presse, ce 21 janvier. «Face aux nombreux défis, notre responsabilité est double : répondre aux urgences immédiates et construire un avenir fondé sur la prévention, la qualité et la sécurité», a-t-il noté. 

Focus sur l'obligation vaccinale des soignants

Arnaud Robinet a ainsi dégagé les urgences parmi les urgences : «faire de la prévention un réflexe national : elle est la clé pour réduire la pression sur nos hôpitaux», a-t-il martelé, rappelant l'importance de la vaccination et des gestes barrières. Il est également revenu sur l'obligation vaccinale des soignants contre la grippe, actuellement en réflexion, alors que le taux de vaccination des professionnels de santé est encore trop faible, inférieur à 20%. Un sujet d'inquiétude pour la FHF alors que la grippe frappe très brutalement cette année. «La question de l'obligation vaccinale, notamment dans les Ehpad où les professionnels de santé côtoient des personnes âgées à risque, se pose», a-t-il ainsi confirmé. 

L'urgence d'adopter un budget

Par ailleurs, si la FHF salue le réhaussement de l'ONDAM à + 3,3% (l'Objectif national de dépenses de l’Assurance maladie devrait augmenter de 3,3 %, contre 2,8 % prévus dans le projet budget de la Sécurité sociale), elle «restera vigilante» : «Ce milliard annoncé pour les hôpitaux doit aller réellement au soin», a ainsi commenté Arnaud Robinet, et en particulier à certaines activités aujourd'hui sous-financées comme la pédiatrie, la médecine, l'obstétrique, ou les soins palliatifs, a-t-il plaidé, alors que l'hôpital public prend en charge 85% des patients selon un récent rapport.

Le déficit des hôpitaux publics s'est encore aggravé en 2024 et devrait atteindre 3,5 milliards d'euros (hors activités médico-sociales), a également indiqué la fédération hospitalière de France, rappelant «l'urgence» d'adopter rapidement un budget de la Sécurité sociale pour 2025. Après la censure du gouvernement en décembre qui avait conduit au rejet du projet de budget de la Sécu, «chaque jour de retard dans le PLFSS (projet de loi de financement de la sécurité sociale) pour 2025 accentue la fragilité de nos établissements», a déclaré Arnaud Robinet. 

Le président de la FHF s'est par ailleurs réjoui de l'engagement pris par le Premier ministre François Bayrou «d'inscrire notre système de santé dans une logique de planification pluriannuelle» des dépenses. 

Les 4 priorités de la FHF pour 2025 

  • Garantir un financement suffisant pour un système pérenne
  • Renforcer la psychiatrie publique
  • Placer la santé des femmes au cœur des priorités
  • Aller vers une loi de programmation en santé

          Agir sur les difficultés structurelles de l'hôpital 

            Sur la situation à l'hôpital, les difficultés structurelles persistent. La période hivernale en est une illustration criante avec un recours accru aux urgences, des tensions persistantes sur les ressources humaines, ou encore le manque de lits d'aval... «Au 17 janvier, 89 établissements avaient déclenché leur plan blanc et 181 d'entre eux avaient déclenché leur dispositif "hôpital en tension". Les services d'urgence sont désormais un véritable baromètre des tensions de notre système de santé», a ainsi souligné Zaynab Riet, Déléguée générale de la FHF, avant de développer là encore des axes d'actions urgentes comme celui de renforcer l'accès aux soins de premier recours - alors que 10 à 11% des patients n'ont pas de médecin traitant et qu'environ 20% des consultations aux urgences ne relèvent pas des urgences

            La FHF est bien évidemment favorable à adapter les effectifs qui correspondent à la prise en charge des patients. Toutefois, il y a aussi un principe de réalité...

            L'un des enjeux reste celui de l'attractivité et du recrutement de personnel, notamment paramédical : 60 000 infirmiers et 60 000 aides-soignants : voici pour les besoins. «Mais derrière il y a aussi un surcoût de l'ordre de 7 milliards d'euros, soit une progression de plus de 6 points de l'ONDAM», a précisé Arnaud Robinet, appelant au «réalisme». «On ne trouve pas 60 000 infirmières sous les sabots d'un cheval», a-t-il fait remarquer. 

            Interrogée sur les ratios de soignants : Zaynab Riet a expliqué que la FHF était «bien évidemment favorable à adapter les effectifs qui correspondent à la prise en charge des patients», nuançant : «Toutefois, il y a aussi un principe de réalité. Il s'agit de former des professionnels, paramédicaux, médicaux....Il faut aussi prendre en compte que cela doit être adaptable aux prises en charge en hospitalisation ou en ambulatoire», et la question financière et budgétaire planant sur ce dossier comme sur tous les autres. 

            Tout faire pour éviter les ruptures de parcours en psychiatrie

            Arnaud Robinet s'est longuement attardé sur l'importance cruciale de renforcer la psychiatrie publique afin de «garantir des parcours de soins sans rupture», alors même que le secteur de la psychiatrie et de la santé mentale a été déclaré «grande cause nationale 2025» par le gouvernement. «Il ne faut pas oublier que les états critiques que nous recevons sont très souvent en rapport avec des ruptures de soin», a confirmé le professeur des universites et psychiatre Jean-Louis Senon. «Nous le savons : la psychiatrie traverse une période de tensions extrêmes, exacerbées par une demande croissante de soins», une hausse des besoins qui «allonge considérablement les délais de prise en charge et notamment les délais d'attente pour une première consultation», a poursuivi Arnaud Robinet, rappelant un constat connu de tous.

            Une situation particulièrement critique en pédopsychiatrie

            La situation est «encore plus critique en psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent où le nombre d'enfants concernés progresse de façon alarmante». Cette grande cause nationale «doit donc se traduire par des actions concrètes et visibles» au premier rang desquelles : «l'amélioration de l'accès aux soins pour toutes et tous», a martelé Arnaud Robinet - citant au passage le livre blanc de la FHF, intitulé : «Répondre à l'urgence et bâtir l'avenir de la psychiatrie». 

            Il a fallu repenser les organisations en psychiatrie, associer beaucoup plus les acteurs de ville et développer le rôle des infirmiers, des psychologues.

            Plus de 80% des patients adultes de l'hôpital public et 96% des enfants et adolescents suivis en psychiatrie le sont «en ambulatoire», a noté Zaynab Riet. La FHF avait proposé un premier volet d'actions en 2024, en matière d'organisation des soins sur le territoire, en matière de prise en charge et de lien entre les différents acteurs des territoires et en matière d'attractivité des métiers. «Dans de nombreux territoires, l'organisation du secteur avec des équipes pluridisciplinaires qui permettent de prendre en charge au plus près de son lieu d'habitation de vie le patient sont parfois mises en difficulté du fait des difficultés de recrutement et notamment de psychiatres. Il a donc fallu repenser les organisations, associer beaucoup plus les acteurs de ville et développer le rôle des infirmiers, des psychologues».

            En ce qui concerne les difficultés autour du recrutement d'infirmiers dans les unités d'hospitalisation et les unités pour malades en soins renforcés, Zaynab Riet a souligné les efforts à faire en matière de formation des professionnels.

            5 axes pour la psychiatrie : 

            • Définir une stratégie nationale en psychiatrie sur 10 ans, pour pouvoir à la fois garantir des soins qui soient accessibles pour toutes et tous, et garantir (et continuer à garantir) la prise en charge en ambulatoire qui permet de maintenir les patients atteints de maladies psychiatriques dans leur milieu de vie. 
            • Renforcer l'offre de soins pour les enfants et les adolescents, en garantissant une couverture territoriale minimale en matière d'hospitalisations (les unités d'hospitalisations pour adolescents sont encore trop faibles) en matière de développement des structures existantes (ambulatoire, hôpital de jour, CMP...), de partenariats renforcés pour une prévention et une prise en charge précoce (avec l'Education Nationale et les structures), les équipes mobiles (qui vont à la fois au domicile et dans les structures qui accueillent des enfants et des adolescents), et bien sûr tous les outils numériques.
            • Valoriser les droits des patients en les intégrant davantage dans l'évolution, l'accompagnement, le parcours de soins,
            • Soutenir la recherche dans le secteur psychiatrique
            • Investir dans les locaux d'accueil des patients en psychiatrie pour qu'ils soient «adaptés, modernisés, entretenus»

             

            Cap sur les droits et la santé des femmes 

            «Alors que cette année 2025 est marquée par les 50 ans de la loi Veil sur l'IVG, nous souhaitons amplifier les voies et les actions dans le monde de la santé, notamment pour le renforcement du dépistage des pathologies gynécologiques et les symptômes spécifiques des maladies cardiovasculaires des femmes», a affirmé Arnaud Robinet, invitant chacun à lire le manifeste pour la santé des femmes, récemment paru dans Le Monde. Zaynab Riet a ainsi rappelé 3 constats : Le taux de dépistage du cancer du sein en France est de 46,5%, soit 7 points de moins que la moyenne européenne (54%). Les maladies cardiovasculaires sont la première cause de mortalité chez les femmes : «Il faut donc mieux informer les femmes, mieux former les professionnel de santé» pour éviter tout retard de prise en charge. En psychiatrie, les chiffres sont également très inquiétants : le taux d'hospitalisation pour geste auto-infligé de la patientelle féminine âgée de 10 à 19 ans a doublé entre 2012 et 2020 puis a doublé de nouveau entre 2020 et 2022 selon la DREES.

            Vers la définition d'un parcours de santé optimisé pour toutes les femmes

            La FHF lance donc cette année un dispositif d'action sur un ensemble de priorités qui concernent la santé et le droit des femmes : «D'abord, l'engagement de la FHF en faveur de la santé et du droit des femmes, notamment autour du dépistage de la soumission chimique pour lequel le service hospitalier sera en première ligne. Par ailleurs une grande conférence sera dédiée à la recherche en santé des femmes à SantExpo, un rendez-vous qui donnera lieu à des propositions d'actions dans tous les champs associés au sujet : prévention, cancer, maternité, santé sexuelle, ménopause et vers la définition d'un parcours de santé optimisé pour toutes les femmes et sur tous les territoires». Des priorités parmi les priorités qui doivent permettre d'améliorer l'accès aux soins et de répondre à la situation délicate des hôpitaux, pour, avant tout, «tourner la page d'un système constamment sous tension», a conclu Arnaud Robinet. 

            Pour en savoir plus : Répondre à l’urgence et bâtir l’avenir de la psychiatrie : Les propositions de la FHF.  


            Source : infirmiers.com