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80 recommandations du Sénat pour sortir l’hôpital de sa crise profonde

Publié le 06/04/2022
Sénatrice Catherine Deroche

Sénatrice Catherine Deroche

Révision de la tarification à l'activité (T2A), renforcement des recrutements infirmiers dans les équipes de soin ou investir pour améliorer sensiblement le cadre de travail : le rapport de la commission d’enquête du Sénat, résultat de trois mois de rencontres et de centaines d’auditions, propose 80 recommandations pour répondre dans la durée à la crise de l’hôpital.

La Sénatrice Catherine Deroche présente les 80 recommandations du rapport sur la situation de l’hôpital et le système de santé en France.

Il n’y a pas de réponse simple ni unique à cette crise de l’hôpital, a annoncé d’emblée  Catherine Deroche (Sénatrice Les Républicains, Maine-et-Loire), et rapporteure, qui présentait avec Bernard Jomier président de la commission, un document de 237 pages avec 80 recommandations sur la situation de l’hôpital et le système de santé en France, exception faite de la psychiatrie, qui mériterait un rapport à elle toute seule, a-t-elle noté. 

Premier constat : la réalité du malaise des personnels, a souligné Catherine Deroche. Il est antérieur à la crise sanitaire mais il a été relaté à chaque audition, a-t-elle insisté, décrivant des témoignages émouvants de personnes qui aiment leur métier mais qui sont en grande souffrance. Dégradation des conditions de travail, injonctions contradictoires (plus de qualité dans les soins et plus de productivité, ce qui est souvent incompatible) épuisement : les constats de la Commission rejoignent ceux pointés par les soignants depuis de longues années. Or l'insatisfaction au travail demeure, près de deux ans après les annonces du Ségur, a déclaré la sénatrice (LR) Catherine Deroche.

Poursuivre les efforts du Ségur

La revalorisation salariale du Ségur, justement, a été ressenti comme un rattrapage, a expliqué la rapporteuse. Les soignants doivent recevoir une reconnaissance financière équitable, sortir de la morale du volontariat et être mieux représentés dans la gouvernance des hôpitaux, selon le rapport, qui appelle à un électrochoc dans la gestion des hôpitaux. La commission d'enquête pointe encore la morale du dévouement quasi systématique du personnel, qui ne peut être à toute épreuve dans le fonctionnement des hôpitaux.

Les sénateurs proposent, notamment, de revoir les indemnités compensatrices du travail de nuit et des week-ends, et de mettre sur pied un mécanisme d'alerte pour renforcer les effectifs lorsque le ratio soignant par patient est bas (sans pour autant vouloir fixer un chiffre précis pour ce ratio). Nous préconisons un renforcement des recrutements infirmiers dans les équipes de soin. Nous n’avons pas souhaité définir un ratio national mais il est possible de définir des standards par établissement avec une alerte quand ce ratio patients / soignants se dégrade.

Pas de chiffres disponibles sur les capacités hospitalières

La commission d'enquête a été mise sur pied après une étude en octobre 2021 sur la fermeture de lits par le Conseil scientifique qui dévoilait le chiffre de 20%. Un chiffre contesté par le gouvernement qui est pourtant dans l’incapacité de donner un tableau actualisé des capacités hospitalières, a tranché Catherine Deroche, pointant la nécessité de faire la lumière sur des indicateurs nationaux comme point de départ, car il n’y a pas de bons traitements sans un bon diagnostic, a-t-elle souligné.

Des ressources humaines fortement fragilisées

Autre constat : les Ressources Humaines de l’hôpital sont fortement fragilisées, a indiqué Catherine Deroche. Les recrutements sont difficiles, tout comme la fidélisation des soignants. On parle beaucoup de l’ouverture de lits supplémentaires, mais donnant l’exemple d’un établissement, où un étage entier est fermé faute de personnels, Catherine Deroche a fait la démonstration des besoins en recrutements : Si on ne redonne pas aux soignants l’envie de revenir à l’hôpital, on aura beau ouvrir des lits supplémentaires, ça ne changera rien, a-t-elle assuré. La réalité c’est que l ’hôpital est à flux tendu et c’est ce flux tendu qui génère la dégradation des conditions de travail, a-t-elle martelé, rappelant les manques, qui touchent particulièrement les infirmiers : à l’heure actuelle, rien qu’à l’AP-HP, on recense 1 400 postes vacants, soit moins 1 000 infirmiers de moins en 2 ans. C’est également vrai pour d’autres postes à l’hôpital, comme les masseurs kinésithérapeutes, par exemple.

Si on ne redonne pas aux soignants l’envie de revenir à l’hôpital, on aura beau ouvrir des lits supplémentaires, ça ne changera rien.

Redonner de l’attractivité aux métiers du soin

Il faut qu’il y ait plus de qualité de vie au travail mais aussi des possibilités d’évolution de carrière. Cette flexibilité participera à l’attractivité des soignants, ont assuré les Sénateurs. Prenant encore le cas des infirmiers, et de leur formation : Catherine Deroche a évoqué l’inadaptation des personnels recrutés par Parcoursup : ce qui explique en partie la désaffection selon elle. Les Sénateurs préconisent donc le retour à l’entretien oral pour recruter des profils plus adaptés à ce métier.

Redonner du sens au travail des soignants passera aussi par des efforts pour leur libérer du temps, notamment en utilisant davantage les outils numériques (sur lesquels nous sommes très en retard), a-t-elle fait remarqué, ou en allégeant les pesanteurs administratives. D’après les Sénateurs, il faut également miser sur les assistants médicaux qui pourraient permettre de redonner du temps aux médecins, et avoir davantage recours aux infirmières de pratiques avancée (IPA) en ville.

Il faut aussi fluidifier le parcours du patient à l’hôpital. Les établissements devraient pouvoir mettre en place des hospitalisations à domicile de façon beaucoup plus systématique. Les Sénateurs préconisent par ailleurs de systématiser les infirmières de nuits dans les Ehpad pour éviter le recours aux urgences.

En clair, il faut donc redonner confiance et faire confiance aux acteurs hospitaliers, en renforçant le rôle des praticiens et des paramédicaux dans les gouvernances, en prenant aussi davantage en compte les initiatives grâce à un système plus horizontal et moins figé. Il faut redonner à l’hôpital ses marges de manœuvre et d’autonomie. L’hôpital n’a pas besoin de nouvelle loi mais bien de confiance. Il doit donc sortir d’un pilotage erratique et doit pouvoir arrêter de courir après le temps : en sortant des urgences.

Une évaluation doit rapidement être menée sur la formation des personnels paramédicaux, notamment infirmiers. La sélection par Parcoursup est inadaptée et aboutit à trop d’abandons en cours d’études.

Vers un nouveau modèle de financement

Le problème de la tarification à l’activité (T2A), c'est son utilisation comme outil de régulation financière pour arriver, quoi qu'il en coûte –pour utiliser l’expression à la mode- au respect de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie, a expliqué Catherine Deroche. Sans la remettre entièrement en cause (car jugée adaptée dans certains cas), les parlementaires ont proposé d’aller vers un nouveau modèle, avec trois modes de financement : un lien entre financement et activité réelle serait conservé, mais complété par une dotation populationnelle, liée aux besoins de santé du territoire, et par un financement à la qualité, dans de plus amples proportions.

Susie BOURQUINJournaliste susie.bourquin@infirmiers.com @SusieBourquin


Source : infirmiers.com