Le décès de Carène Mezino, infirmière au CHU de Reims, à la suite d’une attaque au couteau l’a tristement démontré : les soignants sont trop souvent victimes de violences, qu’elles soient verbales ou physiques, dans l’exercice de leur métier. C’est dans ce contexte que Nathalie Nion, cadre supérieure de santé à l’AP-HP, et Jean-Christophe Masseron, président de l’association SOS Médecin, ont remis le 8 juin dernier les conclusions de leur concertation sur la sécurité de ces professionnels à Agnès Firmin-Le Bodo, ministre déléguée à l'Organisation territoriale et aux Professions de santé. Les deux auteurs, missionnés en février sur le sujet, avance 44 mesures, déclinées en 6 axes, pour répondre aux enjeux que pose cette violence au sein du système de santé.
Les soignants sont deux fois plus nombreux que l’ensemble de la population active à subir des incivilités et des violences physiques ou verbales;
37% des hospitaliers victimes de faits de violence
Le rapport s’ouvre sur un constat : « les soignants sont deux fois plus nombreux que l’ensemble de la population active à subir des incivilités et des violences physiques ou verbales » selon une enquête menée en février 2023. 37% des professionnels de santé hospitaliers déclarent ainsi subir régulièrement des agressions physiques selon le baromètre MNH-Odoxa 2022. Parmi ces professionnels, en milieu hospitalier, l’Observatoire national des violences en santé (ONVS) souligne que les infirmiers sont les premières victimes de ces violences (47%) – selon l’Ordre infirmier, deux tiers des infirmiers en ont déjà été victimes - suivis des autres soignants hors-médecins (45%) puis des médecins (8%), avec un secteur de la psychiatrie particulièrement touché (22% des signalements), suivi des EHPAD et Unités de soins longue durée (USLD) (13%) et des services d’urgence (12%). Or les conséquences de ces violences peuvent être graves, insiste le document : outre les blessures physiques et psychologiques, elles occasionnent aussi une diminution de la qualité des soins, une perte de confiance des professionnels, voire une détérioration du climat de travail. « La question des violences commises à l’encontre des professionnels de santé se trouve à l’intersection d’un double-enjeu : celui de l’attractivité des métiers de la santé et celui de la santé des soignants », rappelle-t-il.
Formation, équipements de protection…, une pluralité de propositions
De manière générale, « la crise que vit le système de santé participe également au développement du phénomène dans son domaine », explique-t-elle, listant les facteurs organisationnels (surcharges de travail face à des ressources limitées, politiques ou procédures qui entravent la prestation de soins de qualité...) qui participent à nourrir ces faits de violence. « La violence est surtout un processus avant d’être un évènement et tout ce qui perturbe la relation de soins favorise sa survenue. »
Dans ce contexte, la mission avait pour objectif d’émettre un certain nombre de propositions autour des questions de la prévention de ces violences, de leur gestion et de la protection des victimes. Autant de préoccupations qui se retrouvent dans les 6 axes qui ont été définis pour inclure les 44 mesures identifiées :
- Agir sur les déterminants des violences
- Acculturer les professionnels
- Mieux objectiver les faits de violences internes et externes
- Accompagner et soutenir les victimes
- Préparer les futurs professionnels
- Communiquer auprès de tous les acteurs
Les programmes de formation doivent inclure des simulations de situations de violence et des exercices pratiques pour renforcer les compétences de communication et de résolution de conflits
Pour agir sur les déterminants, la mission préconise notamment d’identifier les secteurs de soins à « risque augmenté », d’adapter les effectifs à la charge en soins (avec, entre autres, la possibilité d’établir des ratios), de renforcer les politiques de prévention, ou encore de proposer des équipements de protection pour les professionnels de première ligne, comme des gilets « anti-armes blanches », déjà mis à disposition dans certaines structures d’ambulances privées ou au SAMU 83. Est également jugé nécessaire de sensibiliser les professionnels et de consolider les compétences des managers – « Les programmes de formation doivent inclure des simulations de situations de violence et des exercices pratiques pour renforcer les compétences de communication et de résolution de conflits », souligne la mission – de développer les collaborations pluriprofessionnelles et professionnaliser les référents sécurité ou violences des Ordres et des URPS.
Lever les freins à la déclaration
Mais, pour traiter les violences, encore faut-il qu’elles soient remontées. Or, « les auditions font émerger une banalisation des faits par les professionnels eux-mêmes », entraînant une sous-déclaration, notamment dans le cadre des violences verbales dont la fréquence « est probablement extrêmement élevée ». D’où la nécessité de lever certains freins. En facilitant, entre autres, une synergie entre les différentes plateformes de déclaration qui existent, soit les Ordres des pharmaciens, des infirmiers et des médecins et l’ONVS, en assurant une interopérabilité entre les fiches internes des établissements et celles de cette dernière, ou encore en autorisant la direction d’un établissement à se constituer partie civile en cas de menace ou de violence commise contre un professionnel de sa structure, détaille la mission.
Les étudiants en santé sont particulièrement concernés par la "loi du silence" et éprouvent encore plus de difficultés à parler quand il s’agit de leur tuteur ou encadrant de stage.
Autre piste importante à creuser : le signalement des violences en interne, sur lesquelles existe une véritable « omerta », et en particulier sur les étudiants. « Les étudiants en santé sont particulièrement concernés par cette "loi du silence" et éprouvent encore plus de difficultés à parler quand il s’agit de leur tuteur ou encadrant de stage », constate la mission dans ses conclusions. Dans son cinquième axe, elle propose donc notamment de former les encadrants de stages, de créer des plateformes d’évaluation des lieux de stages par les étudiants, ou de protéger les lanceurs d’alerte. Un enjeu essentiel dans un contexte de fuite des étudiants qui abandonnent leurs études.
Suite à la remise de ces propositions, le ministère de la Santé a indiqué par communiqué qu’elles viendraient alimenter le plan de lutte contre les violences envers les soignants, qui doit être présenté début juillet. Quatre d’entre elles ont toutefois retenu particulièrement son attention : le déploiement de dispositifs d’alerte portatifs pour les professionnels exerçant de manière isolée, la formation initiale et continue des professionnels de santé et des personnels d’accueil autour de la gestion de l’agressivité, l’amélioration de la réponse pénale face aux agressions et menaces, et enfin un meilleur accompagnement des victimes dans leurs démarches judiciaires.
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