Malgré le déconfinement progressif, certaines personnes touchées par une maladie chronique comme le diabète, l’obésité ou l’hypertension ont apparemment du mal à retourner chez les professionnels de santé. C’est ce que révèle un sondage réalisé par plusieurs associations s’impliquant pour ces patients. C’est pourquoi, inquiètes, elles ont lancé une campagne pour que ces personnes retournent consulter.
Depuis la fin du confinement, 41% des personnes touchées par une maladie chronique n’ont pas consulté de médecin ou pris de rendez-vous pour des soins courants. Si parmi elles, 29% ont pensé le faire prochainement 12% affirment ne pas l’avoir encore envisagé. C’est ce que révèle un sondage réalisé sur 2400 patients du 29 mai au 8 juin 2020 au niveau national et régional. Il a été effectué à l’initiative de plusieurs associations notamment par celle de l’Institut B3TSI pour la Fédération Française des Diabétiques et ses quatre partenaires Alliance du Cœur, le Collectif National des personnes atteintes d’Obésité, la Fondation pour la recherche sur l’HTA et la Société Française de Santé Digitale. Celles-ci, au vu des résultats, ont décidé de lancer une campagne pour inciter les patients à retourner voir leurs praticiens et autres professionnels du soin afin d’optimiser le suivi de leur pathologie.
Pendant le confinement beaucoup ont reporté des rendez-vous
Effectivement, du fait de l’épidémie et du confinement, beaucoup de patients atteints de maladies chroniques (69%) ont reporté ou annulé un rendez-vous pour une consultation ou des soins. En outre, 67% des répondants ont tout de même consulté durant cette période, ce pourcentage est supérieur chez les diabétiques (plus des trois quarts des personnes interrogées). Cependant, un tiers n’a pas programmé de soin ou de consultation quelle qu’elle soit pendant le début de l’épidémie et le confinement. Ce chiffre est inquiétant et il est important de comprendre pourquoi ces personnes ont préféré agir de cette façon et surtout les inciter à retourner auprès des professionnels.
En ce qui concerne les rendez-vous en présentiel, 37% ont pris la décision de ne pas y avoir recours pour empêcher la propagation du virus. Ce pourcentage est majoré à 50% pour les plus jeunes et pour les habitants des grandes villes. D’autre part, près d’un tiers des participants au sondage ont déclaré ne pas avoir envie de surcharger les hôpitaux ou les soignants
, et plus d’un quart d’entre eux avait peur de se faire contaminer en se déplaçant dans un cabinet ou dans un établissement de santé. Je me souviens d’un membre de l’association qui m’a contacté pour me dire qu’il souffrait de la plus grosse crise de goutte qu’il n’avait jamais eu mais qu’il préférait avoir mal que de prendre le risque de se faire contaminer dans un cabinet. Ne t’en fais pas je vais prendre ce qu’il y a dans ma pharmacie
, me répétait-il. J’ai tellement insisté qu’il a fini par contacter un médecin
, raconte Anne-Sophie Joly, présidente du Collectif national des associations d'obèses (CNAO).
De manière générale, la plupart des consultations ont eu lieu en présentiel, la téléconsultation ne représentant que, par exemple, 24% pour les rendez-vous avec un généraliste. Leur proportion était toutefois plus importante chez les jeunes et les personnes vivant dans de grandes agglomérations. La raison invoquée pour ne pas avoir testé la téléconsultation, malgré les circonstances, a été en large majorité (61% des cas) parce que le professionnel en question ne la proposait pas. Fait remarquable : un peu moins d’un quart des sondés ont tout de même signifié qu’ils n’avaient pas confiance en ce type de dispositif.
Point extrêmement positif, les patients atteints de maladies chroniques ont globalement été observants pendant le confinement étant donné que 87% d'entre eux ont continué malgré tout à se rendre à leur pharmacie.
Les taux de téléconsultation ont diminué après le début du déconfinement
La reprise du suivi après le confinement
Depuis la fin du confinement, la majorité (59%) des sondés sont retournés consulter. D'ailleurs ce chiffre grimpe à 66% pour les personnes touchées par une affection longue durée (ALD). En revanche, les patients hypertendus semblent moins enclins à aller voir les professionnels de santé puisque 45% d'entre eux ne l'ont toujours pas fait. D'ailleurs on constate la même chose en ce qui concerne les examens médicaux ou les contrôles : si 58% des répondants n'en ont pas effectué depuis le déconfinement, chez les hypertendus, ils sont 72% ! Les raisons évoquées restent similaires : 36% des personnes interrogées ne voulaient pas surcharger de travail les professionnels de santé et 35% désiraient limiter la propagation du virus.
Ainsi, au vu de la Covid-19 et des potentielles comorbidités associées, est-ce que leur état de santé (plus vulnérable) a poussé les personnes atteintes de pathologies chroniques à rester confinées plus longtemps ? Apparemment, 29% d'entre elles ont fait ce choix. Plus précisément, 40% des individus ayant une ALD ont continué à éviter de sortir de chez eux. Les patients vivant dans les grandes agglomérations ont également été plus prudents. Par exemple, 35% des patients habitant l'Île-de-France ont préféré rester confinés. C’est ce que l’on appelle l’effet cabane. Les patients ont tellement entendu et absorbé les messages des autorités sanitaires qui scandaient qu’il ne fallait pas sortir, que l’extérieur est devenu une zone d’insécurité. On découvre une sorte de crainte à l’idée de sortir de chez soi
, remarque Anne-Sophie Joly.
64% des sondés estiment avoir reçu des informations sur les relations potentielles entre le Covid-19 et leur pathologie notamment via la télévision
Un état de santé dégradé pour 26% des patients chroniques
Des questions ont été posées aux sondés afin de faire un bilan global de leur état de santé suite à cette période particulière. De façon générale, un peu plus d'un tiers des 30-44 ans estime avoir bénéficié d'un moins bon suivi que la normale. Les diabétiques et les hypertendus sont moins critiques que les autres (ils sont respectivement 20% et 17% à être de cet avis).
Pire, ils sont un peu plus d'un quart à avoir évalué leur état de santé comme moins bon depuis le début de l'épidémie. Les femmes et les jeunes (18-29 ans) sont les plus nombreux à estimer que leur santé s'est dégradée. Pourtant, si on y regarde de plus près, 32% des sondés se sentent moins impactés psychologiquement et 20% se sentent moins bien physiquement. Or, dans les deux cas ce sont les 30-44 ans qui présentent les pourcentages les plus élevés.
Au vu des résultats de cette enquête, qui soulèvent quelques inquiétudes, les associations ont pris l'initiative de lancer une campagne qui a débuté le 11 juin pour pousser les personnes touchées par ces pathologies à optimiser leur suivi et donc à retourner voir les professionnels de santé. Nous redoutons l’explosion des complications liées aux maladies chroniques, aux maladies cardio-métaboliques, à l’hypertension, à l’obésité et même au retard pris pour le dépistage des cancers et qui vont d’un seul coup resurgir tous ensemble. Il s’agit d’une véritable bombe à retardement car la maladie chronique est sournoise et très insidieuse
, explique le vice-président de la Fédération Française des Diabétiques, Jean-François Thébaut.
Anne-Sophie Joly s’est également mobilisée : Il s’agit d’une priorité absolue pour les associations de patients. Nous ne voulons pas que la peur de contracter le virus soit le deuxième tueur après la Covid-19 elle-même pour les patients qui ne vont pas consulter. Cette peur peut être paralysante car les personnes atteintes d’obésité sont extrêmement fragiles face au Sars-Cov-2 et sont restées strictement confinées. Il est désormais urgent qu’elles consultent à nouveau sans crainte, c’est l’objectif de cette campagne
.
Roxane Curtet Journaliste infirmiers.com roxane.curtet@infirmiers.com @roxane0706
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